The Canadian Journal of Higher Education 1 Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée La revue canadienne d’enseignement supérieur Volume XXXV, No. 3, 2005 pages 1 - 25 Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée CLÉMENCE MICHAUD & JEAN-CHARLES CHABOT Université de Moncton RESUMÉ Des écrits scientifiques présentent souvent le changement comme une constante entraînant des effets d’instabilité. Le présent article envisage ce discours comme un discours parmi d’autres en s’appuyant sur la conception du savoir-pouvoir et de discours de Foucault. Il propose six conceptions du changement (adaptative, évolutive, transpersonnelle, transformative, sociétale, interactionnelle) en s’inspirant de diverses classifications des théories de l’éducation. Pour chacune de ces conceptions sont précisés les intentions, les objets et les indices de changements qu’elles privilégient. Envisager les enjeux du changement sous l’angle de l’interaction de diverses conceptions pourrait constituer une stratégie viable dans l’introduction de réformes et dans la planification d’activités de formation. ABSTRACT Current research articles often present the concept of change as if it were a stable constant incurring the effects of instability. This present article, borrowing the concepts of knowledge-power and of discourse from Foucault, sees this discourse as only one discourse among many. Inspired by a variety of theories of education, we propose six approaches to change (adaptive, organismic, transpersonal, transformative, societal, and interactional). Each of these approaches is discussed in terms of the intentions, objectives, and indicators of change they privilege. Viewing the issues surrounding change from the perspective of the interaction of a variety of approaches could constitute a workable strategy for the introduction of reforms and for the designing of training programs. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 1 2/8/2006 10:44:04 AM 2 C. Michaud & J.-C. Chabot Les écrits scientifiques présentent souvent le changement comme constant et soulignent ses effets d’instabilité, d’incertitude, de déséquilibre et d’ambiguïté dans les façons habituelles de penser et d’agir (Bridges, 1995; Collerette, Delisle et Perron, 2002; Daly, 2000; Herr et Cramer, 1996; Merriam et Caffarella, 1999) et ce, dans les sphères personnelles, professionnelles, organisationnelles et sociales (Niles, Herr et Hartung, 2001). Des organisations et des ministères publics décrivent par exemple les compétences qui sont essentielles aux futurs travailleurs et demandent aux institutions de formation de mettre sur pied des programmes qui permettent de développer de telles compétences. Des formateurs, des éducateurs, des gestionnaires emboîtent le pas et postulent l’absence de compétences et de savoirs des individus pour négocier avec des environnements changeants. De tels arguments constituent, selon Hyslop-Margison (2000), une formation au discours du monde de l’économie de marché, une demande de développer des compétences à écouter, à apprendre et à comprendre ce discours, ce qui est fort différent de l’écouter et de l’évaluer. Ces discours peuvent amener les individus à se voir impuissants en leur laissant croire que les pratiques culturelles et sociales sont créées par des forces inconnues (Rogers, Noblit et Ferrel, 1999). Ils passent sous silence les visions du monde qui perdurent en dépit des tentatives de changement (Fishman et McCarthy, 2000). Ils conduisent à nous faire oublier que « les compétences-clés sont construites à partir d’un point de vue théorique, mais aussi idéologique […] (et qu’il) y a donc matière à débat, voire à conflit » (Perrenoud, 1999, p. 3). En un mot, un discours qui met principalement en évidence l’incertitude créée par le changement et la non-préparation des personnes au changement valoriserait en définitive une perspective, une théorie, un style de pensée ou un paradigme particuliers, conférant à certains points de vue la permission d’exister, interdisant cette existence à d’autres façons de voir, de penser, de vivre le changement (Velz, 1999). En même temps qu’ils laissent supposer l’uniformité, de tels discours prescrivent le consensus, la communauté de pensée par rapport au changement. On fait comme si le discours de changement produisait partout toujours les mêmes effets. Nos recherches antérieures et en cours sur le changement en éducation (Michaud, 1999, 2001, 2003) nous ont conduit à nuancer, à relativiser ce The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 2 2/8/2006 10:44:04 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 3 discours du “ tout est changement et incertitude ”. Nous présenterons dans la section qui suit un bref aperçu du cadre de réflexion sur lequel nous nous appuyons dans cette tentative de complexification du discours général sur le changement présenté en introduction à cet article. CADRE DE RÉFLEXION THÉORIQUE Nos travaux de recherche portent sur les réformes en éducation et les conceptions du changement qui les soutiennent. Ils ont mis en évidence des discours et des pratiques locales de changement en s’appuyant sur la pensée de Michel Foucault et principalement sur le concept de discours et de savoir-pouvoir qu’il y développe. Pour Foucault (1976, 1985), tout discours s’appuie sur une position de savoir et vise à exercer de l’influence. Il faut […] admettre que le pouvoir produit du savoir […]; que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un l’autre; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir (Foucault, 1985, p. 32). C’est dans le discours que les positions de savoirs et de pouvoirs viennent s’articuler. Les discours produisent des domaines de savoirs par les multiples formes qu’ils leur assignent et instaurent aussi des positions de pouvoir en ce sens que les discours cherchent à exercer de l’influence. Les discours dont parle Foucault sont tout autant ceux des écrits scientifiques que ceux dits ou écrits au quotidien et qui s’actualisent dans des procédures administratives, des règlements, des pratiques. Foucault nous amène à porter attention à la complexité des différentes positions de savoirs qui interagissent dans la construction des domaines du savoir, complexité qui est souvent relayée au second plan par des discours généraux qui portent à croire au consensus, à l’uniformité des perspectives, des théories, des pratiques. Foucault nous invite à imaginer le monde comme une multiplicité d’éléments discursifs qui peuvent jouer dans des stratégies diverses. Cette prise en compte de la complexité des discours, des positions de savoirs et de pouvoirs qui les soutiennent, vise à amener le sujet moderne à The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 3 2/8/2006 10:44:04 AM 4 C. Michaud & J.-C. Chabot se demander: Comment dans ce réseau de positions de savoirs complexes, multiples, capillaires, mouvantes puis-je prendre mon pouvoir? Une telle exploration permet au sujet d’entrevoir de multiples points d’où il peut exercer son pouvoir dans telle situation donnée. Dans l’optique de Foucault, qui dit relation de pouvoir dit examen du champ des possibilités et prise en considération de plusieurs conduites, réactions et comportements qui puissent y prendre place. Les liens discours-savoir-pouvoir qu’établit Foucault nous ont conduit à considérer tout discours de changement comme un discours qui privilégie certains savoirs pour exercer de l’influence sur d’autres discours ou positions de savoirs, dans des conditions historiques et locales particulières. Envisager les divers discours sur les changements comme des positions de savoirs en interaction, qu’il s’agisse du discours des théoriciens ou des discours des acteurs, peut nous mener à des pratiques différentes pour introduire le changement. Tout renouvellement des pratiques, tout changement, relèverait d’une quête de la diversité de sens, d’une spécification des diversités, d’un travail de mise en relation entre différentes visions du monde (Gélinas, 2004). Une telle perspective nous conduit à considérer le discours du « tout est changement » comme un discours de changement parmi d’autres. Elle nous amène aussi à nous demander avec quels autres discours de changement un tel discours interagit-il dans les institutions et les organisations éducatives? Nous avons exploré dans nos recherches antérieures, l’hétérogénéité des discours des praticiens quant à leurs expériences de changement et de transitions professionnelles. Nous voulons dans cet article explorer cette hétérogénéité du point de vue des conceptions théoriques qui les soutiennent. Nous pensons qu’un tel angle d’approche pourra aider les formateurs de tous les ordres d’enseignement, ainsi que les concepteurs de politiques et de programmes, à préciser les conceptions du changement sur lesquelles ils appuient leurs réformes et à devenir davantage conscients de celles avec lesquelles elles interagissent dans les institutions. Il peut aussi permettre aux pédagogues et aux intervenants de situer les fondements de leurs interventions, ce qui pourrait aussi les aider à mieux comprendre les effets de celles-ci sur des types divers de clientèles et d’apprenants. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 4 2/8/2006 10:44:04 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 5 LES CONCEPTIONS DU CHANGEMENT: UNE PROPOSITION Afin de proposer une diversité de conceptions du changement qui entrent en jeu dans les contextes éducatifs et professionnels, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Bertrand (1998), Bertrand et Valois (1999), Joyce et Weil (1986) et Vienneau (2004). Bertrand (1998) identifie les théories de l’éducation suivantes: spiritualistes, personnalistes, psychocognitives, technologiques, sociocognitives, sociales et académiques. Bertrand et Valois (1999) regroupent les théories en divers paradigmes: rationnel, technologique, socio-interactionnel, inventif. Pour leur part, Joyce et Weil (1986) présentent trois grandes classes de modèles d’enseignement. Ce sont le modèle de traitement de l’information, le modèle personnel et le modèle social. Vienneau (2004) regroupe les diverses théories de l’enseignement et de l’apprentissage sous quatre courants: behavioral, cognitif/constructiviste, humaniste et transpersonnel. Certaines des théories consultées placent le changement à faire chez l’individu, d’autres dans le système social et d’autres encore dans l’interaction entre les personnes, bien qu’aucune ne fasse abstraction de l’un ou l’autre de ces pôles. Chacune nomme à sa façon les signes qui témoigneront du changement accompli, soit en termes de compétences, de stratégies cognitives, de stratégies viables, soit en termes d’actualisation de soi, de réalisme, de conscientisation ou d’action sociale. Nous avons abordé ces diverses théories, approches et courants principalement sous l’angle de leur intention de changement. Selon Bertrand et Valois (1999), c’est en effet l’intention de changement qui organise et dirige l’action éducative, tout en laissant transparaître les valeurs, la philosophie des agents de changement. Nous avons dégagé des diverses théories de l’éducation, de l’enseignement et de l’apprentissage, six conceptions de changement qui présentent des intentions diverses. L’action éducative proposée vise-t-elle à faire de l’apprenant ou du client un individu mieux adapté aux demandes de la société contemporaine (conception adaptative)? A-t-elle pour but de faire évoluer l’individu vers un soi plus authentique (conception évolutive), de le mener au-delà de son ego (conception transpersonnelle) ou vers des croyances moins distordues (conception transformative)? Vise-t-elle à The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 5 2/8/2006 10:44:04 AM 6 C. Michaud & J.-C. Chabot faire de la personne un acteur émancipé qui participera à la transformation des structures sociales (conception sociétale)? Ou encore se fixe-t-elle comme objectif de favoriser le développement de stratégies efficaces dans les interactions au quotidien (conception interactionnelle)? Ces conceptions peuvent être considérées dans une perspective synchronique, c’est-à-dire qu’elles peuvent interagir à différents degrés chez une même personne et à l’intérieur des organisations. Elles peuvent aussi être envisagées d’un point de vue diachronique. Elles se sont développées en réponse à d’autres conceptions du changement qui ont été jugées par certains inefficaces pour donner forme à leurs intentions de changement. La description qui en est faite ici constitue un effort de synthèse de conceptions similaires sur le changement et il en résulte inéluctablement une quelconque simplification. De plus les auteurs cités sont des représentants parmi plusieurs des conceptions présentées. Nous présenterons dans les paragraphes qui suivent, chacune de ces conceptions, en précisant leurs intentions de changement, les pôles qu’elles privilégient de même que les indices qu’elles utilisent pour juger du changement ou du non-changement (tableau 1). Conception adaptative du changement Les personnes qui adoptent une conception adaptative du changement veulent changer l’individu afin qu’il s’adapte de manière efficace à son environnement ou aux demandes de la société contemporaine. L’apparition de l’économie globale a provoqué une restructuration du monde du travail, désormais considéré comme instable et imprévisible, d’où la valorisation de la flexibilité, de l’adaptabilité et de l’efficacité pour en quelque sorte immuniser les individus contre les effets imprévisibles d’une réalité en constante transformation (Niles et al., 2001). Dans ce contexte, ce n’est plus la formation initiale qui compte ni même l’expérience du passé, mais bien la rapidité d’apprentissage et d’intégration de nouvelles connaissances (Laszlo, 1995). Cette logique de la nouvelle économie met l’accent sur l’efficacité de l’apprenant ou du client, sur sa valeur ajoutée, sur son rendement maximal dans le but d’assurer sa survie dans la jungle complexe de notre société moderne (Gohier et Grossmann, 2001). Le futur travailleur est considéré comme une ressource pour les employeurs, d’où The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 6 2/8/2006 10:44:04 AM 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 7 - Actualiser le potentiel intérieur de chacun. - Accompagner l’autre dans sa démarche d’authenticité. - Valoriser le contact avec les sentiments et les valeurs personnels. Évolutive - Rendre l’individu attentif à sa façon de construire la réalité. - Développer la capacité de l’individu à identifier ses croyances irrationnelles. - Amener l’individu vers plus de véracité et de rationalité dans sa construction de la réalité. - Conscientiser les apprenants au sujet de leur état de dominé. - Amener les individus à dénoncer les iniquités et à poser des actions concrètes pour plus de justice et d’égalité. - Développer chez les apprenants un regard critique sur les enjeux sociaux. - Faire ressortir la complexité des significations et leurs interactions. - Amener à voir que nos représentations sont notre façon de composer avec les effets de nos interactions. - Stipuler que les personnes ne changent que si elles voient dans les changements proposés des stratégies viables. Transformative Sociétale Interactionnelle Transpersonnelle - Aider l’individu à entrer en contact avec sa nature profonde, au-delà de sa personnalité. - Transcender le système égoïque par une absence de volonté de changement. - Tendre vers une conscience lucide sans intention ni direction. - Outiller l’individu pour qu’il s’adapte aux demandes de la société contemporaine. - Améliorer la capacité de traiter et organiser l’information. - Faire développer la flexibilité comportementale ou cognitive. Intentions de changement Adaptative Conception Tableau 1 Les conceptions du changement Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 7 The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 2/8/2006 10:44:05 AM 8 C. Michaud & J.-C. Chabot l’importance de développer sa valeur marchande ou son capital humain par l’acquisition de comportements ou d’habiletés cognitives afin qu’il puisse s’intégrer plus efficacement à son environnement de travail (Imel, 1999). L’éducation et l’intervention professionnelle se préoccupent pour leur part de répondre aux demandes en constantes transformations des organisations, en invitant les apprenants et les clients à une participation optimale au marché du travail (Vienneau, 2004). Dans cette optique, certaines actions éducatives porteront principalement sur la modification des comportements de l’individu, telle que définie par la psychologie behaviorale. Un diagnostic de changement sera posé si l’apprenant, le client acquiert le comportement souhaité. Le résultat de l’apprentissage sera établi en termes de niveau de performance atteint et le succès sera mesuré en fonction du degré de conformité des apprentissages aux objectifs poursuivis par le formateur (Tardif, 1997). Bien que les réformateurs ou les éducateurs qui adoptent une telle conception du changement puissent reconnaître que la personne transforme le savoir qui lui est transmis, l’accent est davantage mis sur une bonne réponse ou un bon apprentissage à fournir ou à démontrer. La création de conditions favorables pour que tel ou tel comportement se développe ou disparaisse est centrale dans cette conception du changement, d’où l’insistance sur le renforcement extérieur de comportements positifs et sur l’ignorance intentionnelle de comportements négatifs. Pour l’apprenant, le renforcement consistera dans le fait de savoir qu’il a effectué le bon apprentissage (Giordan, 1995). Tout en valorisant la qualité du contact, l’éducateur ou l’intervenant fait fonction d’expert. Il diagnostique les capacités actuelles de l’apprenant, identifie les potentialités non exploitées, donne des avis, persuade et incite à l’engagement dans des activités étroitement planifiées. Se situant aussi dans une perspective adaptative, d’autres approches d’intervention basées principalement sur les principes de la psychologie cognitive, viseront de façon générale l’amélioration de la capacité du client à traiter et à organiser l’information, à identifier des problèmes et à générer des solutions (Joyce et Weil, 1986). Le fait que nous sommes passés d’une société industrielle à une société de l’information a entraîné la mise en valeur de tels objectifs (Boucouvalas, 1987). Selon Ratinoff The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 8 2/8/2006 10:44:05 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 9 (1995), la quantité d’informations s’est accrue plus rapidement que la capacité nécessaire aux individus et aux organisations pour donner un sens à la nouvelle diversité des signaux et des messages. Les aptitudes utiles pour gérer le changement seraient par conséquent celles permettant aux individus de mettre de l’ordre dans la multitude d’informations et d’idées qui les confrontent chaque jour (Greg et Renz, 1993). Par ailleurs, les discours qui insistent sur la fragilité et la rareté de l’emploi font aussi appel au développement de la flexibilité personnelle comme qualité essentielle pour l’atteinte de ses objectifs de carrière (Niles et al., 2001; Rifkin, 1996). Le développement de la flexibilité personnelle comprend, outre l’apprentissage des éléments académiques de base (lecture, mathématiques et communication), l’acquisition des aptitudes adaptatives suivantes: habileté à gérer et tolérer l’ambiguïté, habileté à apprendre, c’est-à-dire l’habileté à identifier les limites de son savoir et à poser des questions pertinentes, habileté à manipuler des informations et à travailler efficacement avec des informations insuffisantes, habileté à communiquer et à être conscient de ses stratégies cognitives (Herr et Cramer, 1996). Selon cette conception du changement, un diagnostic de changement est établi si l’individu acquiert non seulement des données factuelles mais également des stratégies cognitives et métacognitives. Le but visé est l’optimisation des processus cognitifs de l’apprenant, dans une optique d’autonomie de plus en plus grande (Vienneau, 2004). Parmi les stratégies préconisées, on peut retrouver des stratégies de résolution de problèmes, des principes de pensée critique, des techniques de mémorisation, de conceptualisation et même de créativité (Joyce et Weil, 1986). Les stratégies de résolution de problèmes occupent d’ailleurs une place de choix puisqu’elles sont les activités les plus susceptibles de produire des apprentissages significatifs et permanents chez l’apprenant tout en favorisant le transfert d’apprentissage (Tardif, 1997). Les indices de changement vont dans le sens d’une maximisation des capacités d’apprentissage, de résolution de problèmes et de traitement de l’information. Le discours général qui accompagne une telle conception du changement est celui de l’adaptabilité professionnelle, de l’employabilité et de la rentabilité, un discours qui est adopté par les administrateurs et concepteurs de réformes mais aussi par les individus qui s’évaluent The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 9 2/8/2006 10:44:05 AM 10 C. Michaud & J.-C. Chabot et se définissent en termes de rendement, d’efficacité, de performance comportementale ou cognitive. Conception évolutive du changement La conception évolutive du changement, qualifiée aussi d’organismique, diffère fondamentalement de la précédente. Le développement de la personne, sa transformation et son évolution vers un soi plus authentique sont au cœur de cette conception du changement. Il ne s’agit pas ici de faire acquérir des compétences, d’optimiser la structure cognitive de l’individu mais bien de faire grandir l’être dans sa globalité. Ainsi, si la perspective précédente ciblait le développement d’habiletés ou de compétences particulières, celle-ci vise à faire de la personne un être humain plus complet et plus ouvert à son expérience. Elle met l’accent sur le changement intrapersonnel: développement de la connaissance de soi, de ses sentiments, de ses idéaux de vie. Cette conception pourrait être résumée ainsi: Quand les personnes pourront mieux nommer leurs sentiments face à l’incertitude qu’elles vivent dans le monde du travail, elles pourront agir de façon à suivre leur mouvement intérieur et s’actualiser dans des conditions même ambiguës. Les actions éducatives qui adoptent une conception évolutive du changement s’appuient sur les principes de la psychologie humaniste, et principalement sur les travaux de Rogers qui ont exercé et exercent encore une certaine influence dans les contextes scolaires et universitaires. Selon Bertrand (1998): « L’enseignement centré sur la personne serait né en réaction contre les systèmes de formation trop axés sur l’enseignement de contenus par des méthodes de transmission, le plus souvent magistrales, à des grands groupes » (p. 48). La personne y est vue comme l’agent premier de son développement et de ses apprentissages. Le changement a alors pour objectif l’épanouissement de la liberté intérieure, permettant à la personne de se mouvoir dans n’importe quelle direction et de s’autoriser à être pleinement ce qui l’habite (Rogers, 1976). Celle-ci possède ce qui est nécessaire pour assurer sa croissance personnelle et elle peut trouver les moyens d’actualiser cette croissance dans la mesure où l’environnement met à sa disposition ce qui est important pour elle, dans une attitude de non-directivité et de neutralité. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 10 2/8/2006 10:44:05 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 11 Selon Rogers (1969), le but du changement est de favoriser la croissance intérieure de la personne, apprenant ou client, de l’aider à cheminer vers un soi plus actualisé afin de lui procurer ce que ce dernier appelle une vie pleine. Le savoir-avoir inhérent à la conception adaptative du changement est ici substitué au savoir-être: savoir-être une personne ouverte à l’expérience, capable de s’écouter, de s’accepter tel qu’elle est, de se fier à ses évaluations et d’exprimer ce qu’elle ressent véritablement. C’est pourquoi l’on y privilégie l’auto-analyse qui permet un retour sur soi-même et une meilleure saisie de ses potentialités intérieures (Bertrand, 1998). Pour Paquette (1985), l’apprenant doit de plus se libérer de ses dépendances pour progressivement se diriger vers une plus grande autonomie. Il importe non seulement de respecter son évolution, mais également de le stimuler, afin de l’amener vers une plus grande actualisation de ses potentialités. Cependant Rogers (1969) ne dissocie pas le changement intrapersonnel du changement social: le premier aurait des répercussions sociales puisque dans la mesure où la personne accepte d’être elle-même, elle découvre non seulement qu’elle change mais que d’autres personnes avec lesquelles elle est en rapport changent également. Dans cette optique, le pivot de tout apprentissage résiderait dans l’interaction entre le soi et l’environnement, la connaissance de soi s’opérant par l’intermédiaire du contact avec l’environnement ou avec autrui (Paré, 1977). Le discours général qui accompagne une conception évolutive du changement est celui de l’actualisation du potentiel de la personne, de la recherche de l’authenticité avec soi et les autres. Dans cette optique, il y a une personne qu’il s’agit de soutenir, de protéger, d’honorer, de servir, d’aider à atteindre son but, sans le diriger, sans prendre sa place. Celui ou celle qui assiste au changement est un guide, quelqu’un qui permet de mieux nommer ce que l’autre vit, ce dont il a besoin, quelqu’un qui accompagne, selon l’étymologie ancienne, c’est-à-dire celui qui marche à côté ou qui mange son pain avec l’autre (Le Bouëdec, 2002). Conception transpersonnelle du changement La conception transpersonnelle du changement réfère à une réalité au-delà du personnel, ou au-delà de la personnalité. La découverte du The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 11 2/8/2006 10:44:05 AM 12 C. Michaud & J.-C. Chabot « je » conduit à la découverte d’une conscience indépendante du “je” ou de l’ego, d’une conscience holistique et globale (Bertrand, 1998). Le “soi” à transcender serait en fait l’ensemble de la personnalité, l’ensemble des concepts de soi, des images de soi et des rôles que nous développons dans nos interactions (Davis, 1997). Il existerait une nature plus profonde chez l’être humain que sa personnalité. C’est d’ailleurs l’intuition de cette réalité qui a fait que Maslow, vers la fin de sa carrière, a dépassé le paradigme humaniste pour développer une psychologie de la transcendance en s’inspirant de l’expérience de différents mystiques. La transcendance de l’ego est associée à des expériences particulières, nommées peak experiences, qui engendrent un sentiment profond de paix, d’unité et d’harmonie avec l’univers ainsi qu’un sentiment de connaissance profonde (Walsh et Vaughan, 1993). Toutefois, Wilber (1997), un des théoriciens majeurs de cette conception, ne rejette pas l’importance d’une saine identification égoïque, considérant même qu’il soit nécessaire d’avoir développé un ego stable pour pouvoir entrevoir de le transcender. Certains auteurs adoptent par ailleurs des perspectives plus radicales. Pour sa part, Kramer (1974) affirme que tous les efforts ayant pour but de se changer proviennent d’idées sous-tendant que nous devrions être différents, et que ces idées ne sont que des croyances conditionnées. Elles ne peuvent qu’engendrer de la violence envers soi-même et empêcher tout développement. Celles-ci sont vues comme un réel empêchement au développement personnel et elles engendrent de la violence envers soimême. Toute intention ou effort de changement intrapersonnel prendrait racine dans le moi “ idéal ” de l’individu et engendrerait par conséquent un changement en superficie. Transformer ses croyances constituerait une source de changements de forme plutôt qu’une source de changement de fond, puisque les croyances sur ce qu’il faut changer naissent inévitablement des désirs de l’individu. Un effort de changement visant à combler un désir ne saurait ébranler ou remettre en question la structure même qui entretient et donne vie à ce désir. Partageant une vision similaire, Krishnamurti (1985) pose la question suivante: Est-ce possible de vivre dans ce monde sans croyance - non pas changer nos croyances, les substituer à d’autres, mais être entièrement The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 12 2/8/2006 10:44:05 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 13 libre de toute croyance, pour que nous puissions rencontrer la vie de façon vierge à chaque minute? Ceci, après tout, est la vérité: Avoir la capacité de tout rencontrer de façon nouvelle, d’instant en instant, sans la réaction conditionnée du passé, pour qu’il n’y ait pas d’effet accumulateur qui agisse comme barrière entre soi et ce qui est (p. 62). Selon cet auteur, les croyances sont des pensées qui agissent comme un filtre à travers lequel l’individu aborde la réalité. C’est pourquoi Krishnamurti (1985) préconise une façon d’être en relation avec le monde où la pensée n’amène pas de distorsion dans la perception. Il rejoint en cela la position de plusieurs mystiques qui évoquent la possibilité d’être pleinement en contact avec l’instant présent sans les lunettes du passé (Wilber, 1997). En résumé, les tenants d’une conception transpersonnelle du changement invitent l’individu à entrer en contact avec sa nature profonde qui va au-delà de la personnalité, à transcender son système égoïque par une absence de volonté de changement. Le seul effort que l’on puisse vraiment effectuer pour stimuler un processus de changement profond est un effort de conscience de soi, de lucidité, sans intention ni direction. Conception transformative du changement L’apprentissage transformateur, terme initialement créé par Jack Mezirow et approfondi subséquemment par plusieurs auteurs, envisage le changement comme une transformation fondamentale dans la façon dont nous nous percevons et percevons le monde qui nous entoure (Clark, 1993). Les fondements de cette conception s’inspirent en partie de la vision cognitiviste et constructiviste de l’apprentissage. Une attention particulière est portée à la façon dont l’individu pense et étiquette les événements, à la manière, rationnelle ou irrationnelle qu’il a de construire son système de croyances (Niles et al., 2001). Selon Mezirow (1991), il existe plusieurs types de réflexion dont un seul peut mener à un changement en profondeur, soit l’examen de nos présuppositions, de nos croyances socialement construites et des valeurs qui entrent en jeu dans des situations problématiques auxquelles nous sommes confrontés. Cet examen peut être lié à des situations particulières ou à des perspectives de vie. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 13 2/8/2006 10:44:05 AM 14 C. Michaud & J.-C. Chabot La transformation des croyances, concept-clé dans l’apprentissage transformateur, est définie comme le processus de devenir conscient, de façon critique, du comment et du pourquoi nos présuppositions en sont venues à restreindre la façon dont nous percevons, comprenons et ressentons notre monde (Kegan, 1994). Pour Kegan et Lahey (2001), observer nos présuppositions en revient à distinguer la réalité de notre façon de construire la réalité. La prise de conscience par l’apprenant ou par le client que ses présuppositions ne sont que des lunettes à travers lesquelles il interprète la réalité, lui permet de les remettre en question, de les évaluer et de les discuter. Ce sont ces prémisses qui ont amené Dewey (1938) à préconiser la réflexion critique puisque nous apprenons parfois de nos expériences des choses qui sont dysfonctionnelles pour notre croissance ou qui peuvent nous empêcher d’atteindre nos buts. Un changement de perspective devient libérateur dans la mesure où l’individu abandonne certaines croyances antérieures, attitudes, valeurs et sentiments qui le restreignaient et qui amenaient de la distorsion dans sa vie (Merriam et Caffarella, 1999). Ce type d’apprentissage ne pourrait pas être accompli par la simple transmission d’informations ou par l’acquisition d’habiletés (Kegan, 1994). Ce serait l’éducation transformatrice qui mènerait les individus en dehors de leurs habitudes de pensées pré-établies en leur permettant d’effectuer un changement qualitatif dans l’ordre de leur complexité psychologique (Kegan, 1994). Une interprétation de la réalité qui tend vers plus de véracité et de rationnalité, la découverte d’autres modes de perceptions et d’interactions avec le réel constituent des indices de changement. Bien que la conception transformative semble s’appuyer sur la rationalité comme la base de la transformation critique, des recherches récentes ont conduit à des affinements conceptuels en joignant à l’analyse de la dimension cognitive, les dimensions affectives, somatiques, intuitives et spirituelles (Taylor, 1997). De multiples études font en effet référence, selon Merriam et Caffarella (1999), au rôle de l’intuition (Brooks), de l’affectivité (Clark, Scott, Sveinunggaard), des influences extrarationnelles (Vogelsang) et des forces directrices des sentiments (Hunter, Taylor) dans le processus de transformation des croyances. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 14 2/8/2006 10:44:05 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 15 En résumé, le discours qui accompagne la conception transformative du changement est celui de rendre l’individu attentif à sa façon de construire la réalité, à ses croyances irrationnelles qui l’empêchent d’atteindre ses buts globaux ou immédiats. L’éducateur ou le réformateur est celui qui, étant extérieur à la dynamique personnelle de l’individu, peut aider la personne à s’orienter vers plus de véracité et de rationalité. Conception sociétale du changement Les réformateurs ou les personnes qui valorisent une conception sociétale du changement ont pour but le changement des structures sociales dans lesquelles ils évoluent. Ils veulent rendre les citoyens conscients de leur état de dominé, en utilisant le dialogue comme outil de conscientisation. L’intention de changement se déplace de l’individu, de sa structure propre d’action, vers l’analyse de la structure sociale, du contexte où l’apprentissage prend lieu, c’est-à-dire le système plus large de la société, les structures et les conditions historiques qui encadrent et définissent la situation d’apprentissage (Merriam et Caffarella, 1999). Les interventions qui se situent dans une telle conception s’appuient sur les postulats de la théorie critique. Celle-ci met en lumière les enjeux de pouvoir et de contrôle, de conflit et d’oppression, et favorise l’action pour remédier aux inégalités sociales présentes dans les contextes d’apprentissage (Freire, 1977). Le changement, dans cette perspective, va dans le sens de la libération des forces qui limitent les apprenants ou les clients afin de redonner le pouvoir aux dominés pour qu’ils recouvrent un statut égalitaire (Imel 1999). Les changements sont ici formulés en termes de transformation des rapports de domination entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui ont le droit de penser, de développer des savoirs et les autres qui ont le devoir de les appliquer (Bourdieu et Passeron, 1983). Du point de vue des pédagogues critiques, ou bien l’éducation est le lieu d’une pédagogie élitiste qui favorise le maintien du statu quo ou bien elle contribue à l’émancipation des apprenants, à la démocratisation du système éducatif en créant des chances égales pour tous. Maintenir le statu quo signifierait le maintien d’un système économique capitaliste valorisant The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 15 2/8/2006 10:44:05 AM 16 C. Michaud & J.-C. Chabot l’individualité, l’indépendance ainsi que l’entrepreneurship (Merriam et Caffarella, 1999). Selon Imel (1999), la plupart des sociétés utilisent l’éducation pour préserver le statu quo au lieu de favoriser le changement, de s’intéresser aux inégalités et de redonner du pouvoir aux exclus. Les conceptions transformative et sociétale du changement placent toutes deux la réflexion critique au centre du processus de transformation. Toutefois, pour cette dernière, l’intention de changement est davantage située au niveau social et vise à dévoiler ou à démythifier la réalité des opprimés, en éveillant leur conscience critique (Freire, 1977). Ceuxci apprennent ainsi à percevoir les contradictions sociales, politiques et économiques ainsi qu’à prendre action contre les éléments opprimants de cette réalité (Taylor, 1998). Plus les citoyens seront critiques, plus ils seront capables de transformer la société, et par conséquent leur propre réalité. Les discours généraux de changement qui peuvent être associés à une conception sociétale du changement parlent de conscientiser les opprimés, de mettre en lumière toutes les formes d’exploitation, y compris celles des systèmes éducatifs, de critiquer des politiques et des réformes quant à leurs objectifs de justice et d’égalité sociale. Conception interactionnelle du changement S’inspirant de l’interactionnisme et de la psychologie sociale, une conception interactionnelle du changement s’attarde à la complexité et au dynamisme des actions réciproques se produisant localement entre les individus et leur environnement. Les réformateurs et les individus qui s’appuient sur cette conception portent attention aux « significations qui s’engendrent au cours des interactions singulières et qui mobilisent les savoirs véhiculés par les acteurs eux-mêmes durant les échanges » (Durand et Weil, 1997, p. 248). L’accent est mis sur la construction sociale de ces significations. Les individus réagissent aux situations et aux événements en fonction de la signification qu’ils ont pour eux. Cependant, cette dernière est vue comme un produit de l’interaction sociale et serait donc modifiable selon le contexte où l’individu interagit (Blumer, 1969). Nous serions toujours en interaction avec autrui et toute représentation que nous nous construisons de celle-ci peut être interprétée comme notre The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 16 2/8/2006 10:44:06 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 17 façon singulière de composer avec ses effets (Pépin, 1997). Il n’y aurait pas de connaissance certaine du monde puisque, faisant partie de ce monde, nous ne pouvons jamais nous en extraire pour constater à quel point ce que nous savons représente une réalité empirique (von Glasersfeld, 1995). Comme acteur de ce monde que nous construisons, nous sommes invités à nous considérer soit comme des pions dans un jeu dont nous appelons les règles, le réel, soit comme des joueurs qui savent que les règles ne sont réelles que dans la mesure où nous les avons créées ou acceptées, et que nous pouvons les changer (Watzlawick, Weakland et Fisch, 1975). C’est ce que Cicourel (1979) nomme la compétence interactionnelle des acteurs. Adopter une perspective interactionnelle du changement, c’est croire que dans toute organisation, chaque acteur possède une autonomie, un espace de liberté lui permettant de choisir les stratégies les moins insatisfaisantes et ce, même dans les situations les plus contraignantes (Hogue, Lévesque et Morin, 1988; Moscovici, 1979). Les acteurs apprennent les uns des autres en inventant et en fixant de nouveaux modèles de jeux, y compris dans les dimensions organisationnelles, affectives et cognitives (Crozier et Friedberg, 1981). Les tenants d’une conception interactionnelle du changement ne se soucient pas de savoir si les croyances sont en concordance avec le réel, comme ceux qui adoptent une perspective transformative du changement. Ils relativisent cette importance accordée au réel en appuyant le discours postmoderne qui stipule qu’il n’y aurait pas de vérité ou de réalité qui ne soit indépendante du sujet connaissant (Merriam et Caffarella, 1999). Cette perspective est également en résonance avec ce que Rorty (1994) appelle l’antireprésentationalisme qui stipule que les connaissances ne constituent pas une représentation exacte du réel mais un ensemble de stratégies permettant d’affronter la réalité. Le changement dans cette conception est d’abord situationnel: nous apprenons seulement si nous sommes obligés d’apprendre, c’est-à-dire si nos modes d’adaptation et nos savoirs antérieurs échouent et nous causent problème, s’ils ne nous permettent plus de survivre ou d’atteindre un but visé (Duit, 1999; Pépin, 1994; Posner, Strike, Hewson et Gertzog, 1982). Paradoxalement, le changement n’est pas ici envisagé comme allant de soi, même s’il constitue la perspective centrale à travers laquelle sont étudiées The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 17 2/8/2006 10:44:06 AM 18 C. Michaud & J.-C. Chabot les situations. La résistance au changement pourrait être expliquée en partie par les bénéfices que nous avons à conserver la stabilité dans nos conceptions, nos croyances ou nos attitudes (Duit, 1999; Pratt et Nesbitt, 2000). Ces dernières ont été développées dans les multiples processus d’adaptation que nous avons vécus. Elles représentent des schèmes de comportement vus comme encore valables et viables dans notre expérience (Duit, 1999; Pépin, 1994; von Glasersferld, 1994). Dans le contexte éducatif, l’apprentissage met en marche un processus de changement sur lequel l’éducateur, même avec les meilleures intentions, a très peu de contrôle. Cependant l’intervenant peut explorer avec les apprenants ou les clients les conséquences potentielles de divers cours d’action (Day, 1988). Un des rôles de l’éducation serait donc d’explorer différentes façons de voir le monde, d’aider l’apprenant à construire un récit différent, un nouveau discours davantage fonctionnel et adapté au contexte particulier dans lequel il interagit (Tennant, 2000). Ainsi, de façon générale, si une perspective transformative vise à interpréter la réalité avec plus de véracité, une perspective interactionnelle suggère d’interpréter la réalité avec plus de viabilité. Une telle conception du changement conduit à faire interagir de multiples positions de savoirs, de croyances et de discours pour amener l’individu à construire sa propre narration, son propre discours de façon plus efficace (Tennant, 2000). En résumé, les discours de changement qui sont associés à une conception interactionniste du changement valorisent, pour susciter le changement, la mise en interaction de significations et d’interprétations diverses. Les interprétations de chacun sont vues comme des façons de composer avec sa réalité, c’est-à-dire de composer avec les effets de ses interactions avec ses semblables. La résistance au changement est envisagée comme la stratégie la plus viable, la plus adaptée que puisse concevoir la personne dans tel contexte particulier. CONCLUSION La réflexion proposée dans cet article sur les conceptions du changement en éducation a lieu dans un contexte où un discours général de changement souligne la transformation importante du monde du travail The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 18 2/8/2006 10:44:06 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 19 et la nécessité pour les travailleurs de faire preuve de flexibilité pour mieux faire face à cette transformation. Un tel discours de changement s’appuie surtout sur une conception adaptative du changement telle que décrite précédemment. Il relaie au second plan d’autres conceptions du changement (évolutive, transpersonnelle, transformatrice, sociétale, interactionnelle), conceptions qui entrent en interaction dans les institutions ou les organisations à l’occasion de changements planifiés par d’autres ou choisis personnellement. Par exemple, des changements jugés fondamentaux proposés dans une conception adaptative apparaîtront à des personnes qui adoptent une conception évolutive, comme des changements techniques, sans profondeur, si les réformes négligent de faire appel aux valeurs intrinsèques de la personne, à sa personnalité, à son besoin d’authenticité dans son travail ou dans ses apprentissages. C’est à partir de ces critères que ceux qui adoptent une conception évolutive du changement jugeront du changement proposé. Pour ces personnes, la résistance qu’elles opposent au changement est une réaction saine pour préserver ce qui est important pour elles, pour assurer leur développement personnel alors que pour les réformateurs ou les personnes qui se situent dans une perspective adaptative du changement, cette résistance pourrait être interprétée comme un refus de progresser, d’aller vers plus d’efficacité, de faire montre de plus de flexibilité. Pour les tenants de la conception adaptative, la direction personnelle est au contraire à être transformée pour qu’elle s’aligne mieux aux critères de compétences des organisations et des entreprises. A l’extrême, dans une perspective adaptative, la résistance au changement serait vue comme un refus de faire partie du monde d’aujourd’hui. Si nous demeurons dans cette thématique de la résistance au changement, une personne adoptant une conception interactionniste du changement qui observerait une autre personne qui dit non au changement n’y verrait pas de la résistance au changement mais plutôt la réponse la plus adéquate que la personne puisse concevoir dans tel contexte et à tel moment particulier. Cette personne expliquerait ce comportement par les bénéfices que l’autre a à conserver la stabilité de ses conceptions, de ses croyances ou de ses attitudes. Suivant la logique interactionniste, si l’organisation désire qu’un individu change, sa responsabilité serait de faire en sorte que ce dernier The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 19 2/8/2006 10:44:06 AM 20 C. Michaud & J.-C. Chabot perçoive un problème dans sa façon actuelle de fonctionner. Si cela n’est pas fait, la réforme pourra être vue comme une réponse à un problème des administrateurs ou des réformateurs (accroissement de leur pouvoir politique, besoin de justifier leur fonction ou leur poste, besoin de faire bonne figure lors de la parution des cotes de rendement). Si par ailleurs, ceux qui veulent introduire un changement adoptent une perspective transformatrice, ils privilégieront pour susciter le changement la conscientisation des croyances erronées afin de conduire les personnes vers des croyances plus rationnelles qui correspondent davantage à la réalité. S’ils négligent de considérer que certains clients ou personnes de leur environnement et de leur organisation ne réfléchissent pas en termes de croyances erronées mais en termes de stratégies qui peuvent varier selon les contextes (conception interactionnelle) ou encore en termes de respect inconditionnel du cheminement de chacun dans le changement (conception évolutive) ou encore en termes de domination de la part de ceux qui élaborent des réformes et demandent à des dominés de les appliquer (conception sociétale), ils seront étonnés des effets non planifiés de leur proposition de changement. Et ce jeu des interactions de conceptions du changement pourrait être illustré à l’infini. La proposition des six conceptions du changement que nous avons présentée dans cet article nous conduit à postuler qu’il pourrait exister diverses raisons de changer ou de ne pas changer, et que la légitimité de ces raisons, leurs critères d’évaluation, vont varier selon la conception du changement que nous privilégions. Nous pensons qu’examiner nos efforts et nos problèmes de changement et de réforme sous l’angle de l’interaction de diverses conceptions du changement qui cherchent à exercer de l’influence, que postuler la multiplicité plutôt que l’uniformité des conceptions, comme le suggère Foucault (1985), peut être une stratégie viable pour découvrir d’autres façons d’interagir avec ceux qui ont des perspectives différentes, pour faire en sorte que les savoirs que nous valorisons et que nous jugeons importants à partir de notre perspective, introduisent des changements dans l’interaction que nous avons avec nos semblables qui nous sont souvent si dissemblables. L’implantation d’une réforme devient dans cette optique un acte de négociations et d’interinfluences entre les multiples conceptions, chacune tentant de mettre en valeur sa propre The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 20 2/8/2006 10:44:06 AM Conceptions et enjeux de changement: la complexité occultée 21 légitimité. D’où l’importance de créer des espaces de dialogues pour que puissent entrer en contact ces différentes positions, de créer des espaces pour que se produisent les interinfluences. Le changement est une affaire de confrontations de visions, comme le rappelle Blades (1997), et non pas une question de savoirs ou de techniques qui n’auraient pas été bien articulés ou appliqués. Cet article a illustré de multiples points de vue et perspectives à partir desquels on peut envisager le changement et les discours qui l’accompagnent. Il conduit à prendre en considération que le changement ne va pas de soi, qu’il est complexe puisqu’il fait intervenir des conceptions, des représentations et des perspectives diverses. Attirer l’attention sur diverses conceptions du changement, c’est aussi prendre comme postulat que le changement n’est pas nécessairement synonyme de développement. Il est plutôt envisagé ici comme un construit interactif, d’où l’importance pour chaque individu ou chaque groupe de prendre position face au changement proposé afin d’en évaluer la viabilité pour soi ou pour la société. Il serait aussi facile de croire, baignés que nous sommes dans ce discours de “ tout est changement ”, que rien n’a préparé les clients ou les apprenants aux nouveaux changements, qu’ils ne possèdent pas les savoirs nécessaires pour négocier avec leur environnement. Nous croyons au contraire que c’est la prise en considération des conceptions et des stratégies déjà agissantes dans un contexte particulier qui pourra favoriser l’implantation des changements. Le changement à faire serait d’abord un changement chez les réformateurs, et nous le sommes tous en tant qu’individu ou en tant que groupe, des réformateurs qui tiendraient davantage compte des présavoirs des “ réformés ”, en un mot des réformateurs davantage soucieux de valoriser les connaissances et les compétences antérieures de leur personnel, de leurs apprenants, de leurs clients, de leurs collègues, conscients qu’ils sont que ces perspectives, ces points de vue, ces savoirs sont considérés comme tout aussi valables par ces personnes que les changements proposés peuvent l’être pour les réformateurs. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXV, No. 3, 2005 01 Michaud 1-26 FINAL.indd 21 2/8/2006 10:44:06 AM 22 C. Michaud & J.-C. Chabot Références Bertrand, Y. (1998). 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