The Canadian Journal of Higher Education La revue canadienne d'enseignement supérieur Volume XXX, No. 1, 2000 pages 149-148 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique: Une étude de cas québécoise en comptabilité. DANIEL COULOMBE, LOUISE GUILBERT, NICOLE LACOMBE Université Laval ROBERT MATHIEU & HÉLENE RACINE Wilfrid Laurier University & Université Laval RÉSUMÉ Cet article présente l'expérience vécue au Département des sciences c o m p t a b l e s de l ' U n i v e r s i t é Laval lors de la r é f o r m e des cours du baccalauréat. Cette réforme s'explique par les changements importants qui bouleversent la profession comptable et par l'écart grandissant entre les besoins des employeurs et les compétences et les attitudes professionnelles des finissants en comptabilité. En plus de présenter le contexte dans lequel s'est effectué la réforme, l'article fait état des obstacles rencontrés tout au long des modifications apportées au contenu des cours et, surtout, de l'implantation d'une nouvelle approche pédagogique. Le nouveau programme est centré sur une approche collaborative par problèmes où la participation de l'étudiant est fortement sollicitée. Un tel changement ne s'est pas fait sans rencontrer de nombreux obstacles. Par exemple, l'approche choisie a créé un niveau d'incertitude élevé chez les professeurs et a exigé, de leur part, d'allouer une partie importante de leur Les auteurs désirent remercier les participants au Séminaire Caron Bélanger Ernst & Y o u n g de l'Université Laval pour leurs commentaires. 150 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine allouée au développement de matériel didactique. La perception des étudiants, obtenue à l'aide d'entrevues de groupe, était que les cours ne les préparaient pas adéquatement et que parfois, ils étaient inutiles. Nous proposons certains éléments de solution qui peuvent réduire l'impact des problèmes rencontrés lors de l'implantation d'une nouvelle approche pédagogique qui bouleverse certaines conceptions fortement ancrées. ABSTRACT This paper presents the experience of faculty members of the a c c o u n t i n g d e p a r t m e n t at U n i v e r s i t é Laval in designing and implementing a new curriculum. These changes have resulted from the new requirements of the profession as well as the growing gap between employers' expectations and skills and professional attitudes of graduating accounting students. In addition to presenting the context of these changes, the paper discusses some of the difficulties faced during the implementation of the new curriculum and, more importantly, those faced when introducing a new teaching approach. The new curriculum is focused on a collaborative approach whereby student participation is solicited. However, several difficulties have been met during the implementation. For instance, faculty members face a higher level of uncertainty in the classroom and must devote more time in developing teaching material. Students' perceptions, obtained through focus groups, were that the new program did not prepare them properly and that some courses were not useful. Throughout the paper, we offer some strategies that can be used to minimize the impact of the difficulties faced when implementing a new teaching approach that can overturn previously firmly held beliefs about appropriate pedagogical methods. INTRODUCTION Le monde des affaires a énormément évolué au cours des dernières décennies. L'expert-comptable doit davantage agir en tant qu'utilisateur de l'information, de gestionnaire, de concepteur ou d'évaluateur de systèmes d'information. La tâche traditionnelle du comptable, soit la préparation et la vérification de données comptables, occupe une place de moins en The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 151 moins importante. Le rapport de recherche du Groupe de travail pancanadien sur la vision de la profession comptable de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA, 1996) considère que la mondialisation des marchés, l'importance accrue accordée au capital intellectuel ainsi que l'étendue des connaissances et compétences nécessaires à l'exercice de la profession sont en partie responsables de ces changements. De plus, selon le rapport de Y International Federation of Accountants (1995), l'intégration des technologies de l'information doit être une priorité pour les professionnels comptables. Tous ces facteurs ont amené le Groupe de travail pancanadien sur la vision de la profession de l'ICCA à conclure «que la profession canadienne de comptable agréé se trouvait à la croisée des chemins et qu'elle devait examiner d'urgence ce qu'est le comptable agréé, ce qu'il fait» (1996, p. 1). Malgré les changements importants qui bouleversent la profession comptable, l'enseignement de la comptabilité n ' a pas évolué aussi rapidement au cours de la même période. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer le syllabus d'un cours d'introduction à la comptabilité avec celui d'un cours similaire dispensé il y a dix ou vingt ans pour y constater le peu de changement. L'écart grandissant entre les attentes des employeurs et les habiletés des finissants rendrait ces derniers de plus en plus démunis face aux défis de la profession (Patten & Williams, 1990). En fait, l'incapacité des universités à adapter leurs programmes de comptabilité aux nouvelles réalités du marché du travail a été soulevée par divers groupes intéressés à la formation des futurs professionnels comptables. Les critiques ont incité Y American Accounting Association (AAAf à former, en 1984, un groupe de travail (le Comité Bedford) ayant comme mandat d'étudier les caractéristiques de la profession ainsi que son expansion et l'état actuel de la formation en sciences comptables. A la suite du rapport déposé en 1986 par ce comité, YAmerican Accounting Association a formé un groupe de travail permanent, Y Accounting Education Change Commission, devant promouvoir, encourager et financer les réformes en enseignement des sciences comptables. La prise de conscience qu'a suscité les recommandations des différents comités a amené plusieurs universités américaines à entamer des réformes de leurs programmes en sciences comptables. Malheureusement, The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 152 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine peu de changements ont été observés au Canada. En fait, il n'y a eu que deux universités qui ont rapidement réagi aux recommandations des organismes comptables américains, soit l'Université Laval et Y University of Waterloo. Considérant les similitudes importantes existant entre la profession comptable des deux pays, il est surprenant de noter le peu d ' i m p a c t q u e les c o m i t é s de r e c h e r c h e a m é r i c a i n s o n t eu sur l'enseignement de la comptabilité au Canada. 2 L'objectif de cet article est de présenter l'expérience du Département des sciences comptables de l'Université Laval dans ses efforts à réformer les cours au baccalauréat tant au n i v e a u de l ' a p p r o c h e p é d a g o g i q u e adoptée, des obstacles rencontrés, que des réussites et améliorations possibles. Par cet article, nous désirons, d ' u n e part, partager notre vécu et exposer certaines difficultés qui peuvent attendre tout département désirant innover en pédagogie et, d'autre part, proposer des éléments de solutions. Avant de décrire les efforts du Département des sciences comptables de l'Université Laval et afin de mieux comprendre le contexte global de la réforme, l'article présente d'abord l'évolution de la réflexion au sujet de la formation en sciences comptables. Ensuite, une description des particularités du programme de premier cycle de ce département cerne davantage le contexte singulier de cette entité de formation. La réforme des cours est, par la suite, présentée en traitant de la structure du nouveau programme, de l'approche pédagogique et des activités d'apprentissage. Par la suite, l'article fait état des divers obstacles rencontrés ainsi que des réussites tout au long du processus, soulignant d'autant plus les efforts d'implantation du Département, et conclut par des pistes d'améliorations possibles lors de l'implantation d'une nouvelle approche. L'ÉVOLUTION DE LA RÉFLEXION AU SUJET DE LA FORMATION EN SCIENCES COMPTABLES Les premières réflexions Les réflexions portant sur les modifications à apporter à l'enseignement des sciences comptables remontent à plus de vingt ans. Traditionnellement, l'enseignement des sciences comptables était magistral et axé sur des contenus déclaratifs et techniques. Les programmes tentaient de «couvrir» The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 153 l'ensemble des concepts et des règles techniques propres à la profession. Peu d'efforts étaient consacrés au développement du jugement et des habiletés et attitudes qui y sont associées. Devant l'étendue des changements affectant tant la profession comptable que le monde des affaires en général, l'approche pédagogique traditionnelle est devenue rapidement inadéquate. D'ailleurs, le défi en formation est davantage de rendre l'étudiant autonome et de développer certaines compétences qui lui permettront de faire face aux nouvelles exigences de sa profession. Tel que mentionné précédemment, ce n'est qu'en 1984 que Y American Accounting Association a formalisé les discussions en créant un comité, appelé le Comité Bedford d'après le nom de son président, ayant comme mandat d'étudier les caractéristiques de la profession ainsi que son expansion et l'état actuel de la formation en sciences comptables. Le comité a conclu, en 1986, que les programmes en sciences comptables ne préparaient pas adéquatement les étudiants à poursuivre une carrière d ' e x p e r t s - c o m p t a b l e s . Les travaux de ce comité font état de 28 recommandations spécifiques, reproduites en annexe, touchant deux objectifs généraux: (a) l'enseignement de la comptabilité doit être élargi pour q u ' e l l e soit vue comme une fonction d ' i n f o r m a t i o n et de communication visant à appuyer la prise de décision de nature économique et (b) les cours doivent mettre l'emphase sur la capacité des étudiants d'apprendre à apprendre afin de les rendre davantage autonomes et prêts à l'apprentissage de toute une vie. Les m o d i f i c a t i o n s p r o p o s é e s par le comité B e d f o r d sont fondamentales puisque la plupart des programmes d'enseignement des sciences comptables en Amérique du Nord mettent l'accent sur la préparation des états financiers et l'apprentissage de normes techniques. Les étudiants ne sont pas appelés à résoudre des problèmes complexes ou non structurés.3 Le changement de cap proposé par le Comité Bedford exige donc, entre autres, une r e d é f i n i t i o n des c o n c e p t i o n s de l'enseignement et de l'apprentissage ainsi qu'une approche pédagogique différente de la part des professeurs. En réponse aux recommandations du comité Bedford, les directeurs associés des huit grands cabinets d'experts-comptables de l'époque ont formé un groupe de travail. Les membres de ce groupe ont exprimé leur The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 154 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine vision des compétences et des connaissances que devraient posséder les futurs experts-comptables pour réussir une carrière en comptabilité dans un document intitulé le White Paper (Arthur Andersen & Co. et al., 1989). En plus de mettre l'accent sur des connaissances spécifiques à la comptabilité ainsi que des connaissances générales, les membres de ce groupe de travail estiment que les étudiants doivent également développer des habiletés intellectuelles, interpersonnelles et de communication. Ils mentionnent également que l'approche d'enseignement favorisée devrait tenir compte de la composante affective de l'apprentissage des étudiants avec l'intention, entre autres, de favoriser l'émergence de certaines attitudes liées au professionnalisme. A f i n de p o u r s u i v r e la r é f l e x i o n e n c l e n c h é e et d ' i n c i t e r les u n i v e r s i t a i r e s à m o d i f i e r leur e n s e i g n e m e n t de la c o m p t a b i l i t é , V American Accounting Association a fondé, en 1989, Y Accounting Education Change Commission ( A E C C ) ayant reçu le m a n d a t de promouvoir, d'encourager et de financer les réformes en enseignement des sciences comptables. La grande partie du financement disponible à cet organisme dans l'accomplissement de son mandat provenait de c o n t r i b u t i o n s m o n é t a i r e s des huit grands cabinets c o m p t a b l e s de l'époque. En effet, à la suite de la publication du White Paper, les grands cabinets c o m p t a b l e s se sont impliqués dans les réformes de cours entreprises par les universités américaines en injectant 4 millions de dollars dans la formation en comptabilité. En plus de cet investissement initial, certaines fondations parrainées par des cabinets d ' e x p e r t s comptables ont financé des réformes spécifiques comme ce fut le cas pour The Coopers & Lybrand Foundation qui a parrainé The University of Southern California Year 2000 Curriculum Project,4 Les travaux de I'Accounting Education Change Commission La première prise de position de l'AECC en 1990 entérine la plupart des recommandations du rapport Bedford et du White Paper. D'après l'AECC, les programmes en sciences comptables devraient favoriser le développement de l'autonomie d'apprentissage chez les étudiants. Afin d'atteindre cet objectif, les universités devraient mettre l'accent sur trois éléments essentiels : les attitudes professionnelles, les connaissances et The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 155 les compétences. Premièrement, par attitudes professionnelles, l'AECC vise les attitudes que devrait posséder un professionnel oeuvrant dans le domaine des sciences comptables soit: une sensibilité à la déontologie, une disposition à l'apprentissage permanent, l'empathie, la motivation, la persévérance, le leadership, le dynamisme, la créativité 5 et la sensibilité à son rôle social. Dans leurs recommandations à cet effet, il est souligné que les programmes universitaires en sciences comptables devraient faire en sorte d'attirer des candidats possédant ces attitudes ou ayant une prédisposition vis-à-vis celles-ci. Deuxièmement, toujours d ' a p r è s cette prise de position, les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession englobent autant les connaissances comptables qu'une bonne compréhension du domaine des affaires. L'étudiant doit également avoir de bonnes connaissances générales lui permettant de mieux comprendre les liens entre le milieu des affaires et la société. Pour y parvenir, l'AECC propose une structure de programme composée de quatre niveaux allant du contenu général à un contenu plus spécialisé. Dans un premier niveau, la formation serait plus générale et i n t r o d u i r a i t le d é v e l o p p e m e n t d ' h a b i l e t é s de communication et d'habiletés intellectuelles, telles que l'analyse critique et la pensée logique. Le second niveau permettrait aux étudiants d'avoir une bonne compréhension de l'environnement des entreprises et de leur fonctionnement interne. Le troisième niveau mettrait l'accent sur une formation générale en comptabilité axée sur l'identification, la mesure, la c o m m u n i c a t i o n et l ' u t i l i s a t i o n de l ' i n f o r m a t i o n c o m p t a b l e . Finalement, le dernier niveau comprendrait une formation spécialisée en comptabilité. D'après le comité Bedford, cette formation plus spécialisée devrait se faire au deuxième cycle et en formation continue. Pour ce qui est des compétences, l'AECC définit trois grandes catégories qui devraient être développées chez l'étudiant en sciences comptables soit, les compétences de communication, les compétences intellectuelles et interpersonnelles. Le développement des compétences reliées à la communication orale et écrite devrait permettre à l'étudiant d'argumenter adroitement ses opinions en plus d'être capable d'organiser un rapport utilisant diverses sources d'information ou divers médias. En fait, le développement de ces compétences devrait aussi permettre au futur The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 156 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine expert-comptable d'entrer en communication réelle avec ses collègues et ses clients en faisant preuve d'écoute empathique et d'ouverture aux divers points de vue, aux diverses valeurs et structures organisationnelles. Les compétences intellectuelles sont définies comme étant la résolution de problèmes non structurés, le processus d'analyse de problèmes et la capacité d'identifier les forces et les faiblesses d'une situation et d'en prédire les effets. L'AECC y inclut également l'exercice du jugement professionnel ainsi que la gestion adéquate du temps alloué aux différentes tâches. Les compétences interpersonnelles sont définies comme étant la capacité de travailler en équipe, la capacité de convaincre les autres et de collaborer avec les autres, le leadership, la gestion de conflits et une ouverture d'esprit face à la diversité. D'après l'AECC et le groupe de travail composé de directeurs associés des grands cabinets comptables, ces compétences sont nécessaires pour œuvrer à l'intérieur d'une organisation et pour développer des contacts avec les clients. L'AECC croit que cet ensemble d'attitudes, de connaissances et de compétences intégré dans les nouveaux programmes devrait favoriser la préparation des étudiants, non pas à être des professionnels comptables, mais plutôt à devenir des professionnels comptables à la fin de leurs études (Williams, 1993). Dans cette optique, le développement de la capacité d'apprendre à apprendre 6 prend tout son sens et favorise l'apprentissage de toute une vie. A la suite des constats de ces d i f f é r e n t s comités, plusieurs universités américaines ont décidé de modifier en profondeur leurs programmes en sciences comptables. La plupart des universités qui ont initié ces changements ont été fortement financées par l'AECC ou par des organismes comptables privés. Dans certains cas, le financement de ces nouveaux programmes était octroyé à la condition que les universités bénéficiaires de ces fonds rendraient disponible le matériel pédagogique ainsi développé. Par conséquent, il y a eu une collégialité parmi les universités américaines qui a favorisé le développement accéléré de nouveau matériel pédagogique et l'émergence de nouvelles approches d'enseignement. Ces modifications aux programmes comptables ont fait l ' o b j e t de diverses présentations lors des congrès de l'American Accounting Association. La présence de plusieurs conférences sur la The Canadian Journal of Higher Educatkm Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 157 pédagogie universitaire représentait un changement important puisque celle-ci était peu présente dans le passé. De plus, la proportion d'articles traitant de pédagogie dans les publications de l'American Accounting Association ou exposant les modifications apportées aux programmes d'enseignement de la comptabilité par certaines universités était devenue plus importante. PARTICULARITÉS DU PROGRAMME DE PREMIER CYCLE EN SCIENCES COMPTABLES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL En général, le développement des programmes de comptabilité au Québec a été effectué principalement par des comptables agréés.7 Ce fut le cas, entre autres, du programme en sciences comptables de l'Université Laval. Par conséquent, le programme a toujours été fortement axé sur la préparation des étudiants aux examens de cet ordre professionnel, tout en considérant les exigences propres à l'examen de l'Ordre des comptables en management accrédités (CMA) et à celui de l'Ordre des comptables généraux licenciés (CGA). Le programme, comme la plupart des autres p r o g r a m m e s o f f e r t s au Q u é b e c , se v o u l a i t un p r o g r a m m e t r è s compartimenté avec un effort d'intégration visible lors des cours de bachotage offerts après le baccalauréat en vue des examens d'admission aux c o r p o r a t i o n s c o m p t a b l e s . Les c o u r s é t a i e n t o r i e n t é s v e r s la préparation et la vérification des états financiers tandis que l'aspect gestion et l'intégration des connaissances étaient très peu présents. En fait, l ' e m p h a s e était mise sur l'acquisition de connaissances et de «recettes» pouvant servir aux étudiants lors des examens professionnels. Au début des années 90, plusieurs facteurs ont incité les professeurs du D é p a r t e m e n t des sciences c o m p t a b l e s de l ' U n i v e r s i t é Laval à modifier le p r o g r a m m e de comptabilité. Premièrement, nous avons constaté qu'il y avait une faible proportion de candidats inscrits dans les cours de première année qui désiraient poursuivre une carrière en comptabilité. Par conséquent, des cours de base axés sur la préparation de l'information comptable semblaient moins pertinents pour la majorité des étudiants inscrits à ces cours. De plus, la tendance des dernières années démontrait que de moins en moins de bons candidats étaient The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 158 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine attirés vers la profession comptable. En outre, selon Sundem (1994), «les étudiants qui s'inscrivent en comptabilité sont de plus en plus attirés par le côté structuré et certain de la tenue de livre» (p. 45). Deuxièmement, la quantité de normes comptables que les étudiants devraient maîtriser ne cessait d'augmenter. Ainsi, il devenait de plus en plus illusoire de tenter de tout «couvrir» dans les cours de baccalauréat. Il devenait plus important de rendre les étudiants autonomes face à leur apprentissage que d'augmenter le nombre de cours. Troisièmement, les finissants en sciences comptables démontraient des faiblesses en ce qui concerne l'intégration de la matière, la compréhension du cadre conceptuel de la profession et le jugement critique. En fait, ils tentaient davantage de mémoriser la matière que de la comprendre. Finalement, conjointement à ces facteurs, la réflexion américaine sur l'enseignement de la comptabilité a déclenché un débat parmi les membres du D é p a r t e m e n t des sciences comptables concernant l ' a p p r o c h e pédagogique à utiliser pour le baccalauréat. Au cours des années qui ont précédé la réforme en profondeur des cours de comptabilité, le Département des sciences comptables de l'Université Laval n'est pas demeuré inactif sur le plan pédagogique. Ainsi, plusieurs innovations ont été introduites au fil des années. Par exemple, la taille des cours de première année en comptabilité a été augmentée de 60 à 90 étudiants afin de dégager des fonds servant à des laboratoires en petits groupes axés sur la résolution de problèmes. 8 Malheureusement, dû au nombre important de laboratoires nécessaires afin d'offrir le service à tous les étudiants, le système est devenu trop lourd pour être conservé. D'autres innovations ont été tentées par la suite. Par exemple, certains cours de trois heures ont été scindés en deux blocs d'une heure et demie. Dans un premier bloc, la théorie était discutée en classe et des cas étaient travaillés dans le deuxième bloc. Bien que ces innovations aient eu du mérite, la majorité des cours avaient toujours une approche traditionnelle où les étudiants étaient passifs et où peu d'emphase était mise sur la pensée critique ou créative. De plus, le manque d'intégration de la matière et le peu d'effort accordé au développement des compétences et attitudes telles que défines par l'AECC créaient un écart de plus en plus important entre la qualité des The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 159 f i n i s s a n t s en sciences c o m p t a b l e s et les attentes des e m p l o y e u r s . L'étudiant était formé en tant que préparateur et vérificateur d'états financiers alors q u ' e n pratique, il devait davantage agir en tant que gestionnaire ou conseiller en gestion. Devant cet état de fait, les membres du Département ont décidé d'imiter certaines universités américaines et de réformer en profondeur le cheminement en sciences comptables. LA RÉFORME DES COURS EN SCIENCES COMPTABLES À L'UNIVERSITÉ LAVAL À la suite de nombreuses discussions et réflexions, le Département des sciences comptables a décidé de modifier radicalement ses cours de premier cycle en adoptant une nouvelle approche pédagogique basée sur une philosophie d'enseignement davantage axée sur l'apprenant. Cette nouvelle approche pédagogique a nécessité un changement de cap tant au niveau du rôle du professeur que de celui de l'étudiant. En fait, le programme est passé d'une approche traditionnelle ou l'étudiant était passif à une a p p r o c h e axée sur l ' a u t o n o m i e des étudiants tout en favorisant le développement du jugement professionnel ainsi que les habiletés et les attitudes qui y sont rattachées. Le programme vise également à développer chez l'étudiant des connaissances théoriques solides et des habiletés intellectuelles qui sont transférables d ' u n contexte à un autre. Le programme n'est pas centré sur l'acquisition de multiples règles techniques mais plutôt sur une compréhension globale favorisant l'intégration des connaissances. La structure du nouveau programme en sciences comptables Contrairement à plusieurs universités américaines, la totalité du programme de premier cycle en sciences comptables de l'Université Laval a été réformé. 9 La structure adoptée est conforme à la première prise de position de l'AECC soit une structure favorisant l'apprentissage général au début du programme pour se diriger graduellement vers des connaissances plus pointues. La structure de contenu disciplinaire utilisée pour la première année du baccalauréat est celle développée par K. Pincus de Y University of Southern California. Cette structure met davantage l'accent sur l'utilisation de l'information comptable déjà sous The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 160 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine forme d'états financiers plutôt que sur leur préparation. Les cours de première année sont structurés en fonction des besoins des groupes d'utilisateurs les plus importants soit les propriétaires, les créanciers, les gestionnaires et le gouvernement. Puisque seulement près de 15% des étudiants de première année en administration se dirigeront par la suite en comptabilité, la nouvelle structure du contenu introduite dans ces cours est davantage pertinente à l'ensemble de la clientèle étudiante. Le Département offre quatre cours de comptabilité au cours de la d e u x i è m e année (comptabilité de gestion, fiscalité, contrôle et comptabilité financière). Puisque les étudiants en administration choisissant une spécialisation autre que la comptabilité doivent nécessairement prendre deux de ces quatre cours, ces derniers présentent également une préoccupation d'utilisateurs de l'information comptable. Par contre, en plus de l'aspect utilisation, une emphase plus prononcée sur l'aspect technique est introduite. Contrairement à l'approche traditionnelle qui mettait l'emphase sur l'acquisition de règles fiscales, comptables ou autres, les cours de deuxième année s'intègrent dans un contexte de gestion qui est propre aux entreprises. Pour ces cours, le Département des sciences comptables a choisi de ne pas adapter du matériel pédagogique déjà développé par une autre université. Il s'est plutôt lancé dans le développement de matériel didactique inédit convenant davantage à ses besoins. Les cours de dernière année du baccalauréat visent davantage l'acquisition de connaissances spécialisées puisqu'ils ne s'adressent qu'aux étudiants en sciences comptables. Comme pour ceux de deuxième année, les cours ont été entièrement reformés. Tout en préservant l'approche gestion et conseil de gestion qui caractérise les cours du nouveau cheminement en sciences comptables, la matière discutée dans ces cours est davantage pointue, orientée vers les divers champs de la profession. Par exemple, les cours de comptabilité financière et de vérification accordent une plus grande place à la préparation et à la vérification d'états financiers bien que l'aspect utilisation soit toujours présente. Encore une fois, le Département a dû développer du matériel inédit. Tel que mentionné précédemment, étant donné la quantité croissante de normes comptables, de vérification et de fiscalité ainsi que la The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 161 complexité et la variété des systèmes d'information et des instruments financiers qui inondent le marché des affaires, il devient illusoire de tenter de tout «couvrir» dans les cours du baccalauréat. À l'opposé de l'idée de couvrir du contenu en classe, la nouvelle approche utilisée, qui donne une plus grande place à l'apprenant, adhère plutôt à la notion de «recherche d'informations» (banque de données, Internet, recherches, rapports, etc.) et de «construction de connaissances». Ainsi, les cours du nouveau programme mettent davantage l'accent sur la construction et la mise à jour constante de savoirs pertinents à la résolution de problèmes diversifiés et imprévisibles. Afin d'atteindre ces objectifs, les cours mettent l'emphase sur des activités qui permettent aux étudiants d'organiser leurs connaissances, de les intégrer tout en favorisant une solide compréhension conceptuelle qui leur permettra de transférer ces connaissances dans de nouveaux contextes. L'approche pédagogique adoptée et les activités d'apprentissage L'approche pédagogique adoptée se caractérise par certains principes directeurs tels que «apprendre en faisant, entraîner plutôt qu'enseigner et développer un dialogue réciproque de réflexion dans l'action entre l'entraîneur et l'étudiant» (Schôn, 1987, p. 303). Les cours sont construits afin de rendre l'étudiant plus autonome et responsable face à son apprentissage. Alors que l'étudiant se contentait d'être passif dans l'approche pédagogique traditionnelle, plutôt centrée sur le professeur, celle récemment adoptée se centre le plus possible sur l'étudiant selon une approche par problèmes (Guilbert et Ouellet, 1997). Celui-ci est appelé à être actif lors des cours puisque les activités d'apprentissage le forcent à travailler en équipe et à présenter ses solutions et sa démarche de résolution à l'ensemble de la classe. En fait, l'étudiant doit verbaliser sa pensée afin d'en évaluer les forces et les faiblesses. En procédant ainsi, le professeur incite l'étudiant à structurer sa pensée et à s'évaluer afin d'ajuster son apprentissage. Dans le but d'atteindre ces objectifs, le professeur se doit de créer un climat à l'intérieur duquel l'étudiant se sent en confiance et participe activement. Ces activités sont très similaires à celles rencontrées sur le marché du travail, tant par les thèmes traités que par les interactions entre les membres d'une équipe. The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 162 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine L'approche pédagogique choisie a nécessité plusieurs changements tant au niveau du rôle du professeur que des activités d'apprentissage faites en classe. Ainsi, au lieu d'enseigner de façon magistrale tout au long du cours, le professeur devient plus un animateur ou un entraîneur qui doit susciter le questionnement, la réflexion et la créativité chez l'étudiant. Il ne doit pas chercher à tout prévoir et à tout planifier. Au contraire, pour bien bâtir sur les acquis de l'étudiant, il se doit de l'inciter à verbaliser sa pensée pour s'en servir comme point de départ. Le professeur doit donc faire face à un niveau d'incertitude beaucoup plus grand car il peut être appelé a prendre des chemins qui lui sont moins familiers. La planification de chaque séance s'élabore autour de thèmes et d'activités prévues. Par contre, le déroulement du cours et les microsujets travaillés sont appelés à varier au gré des discussions. En fait, puisque le nouveau programme place les étudiants devant des problèmes complexes caractérisés par la contingence, le professeur doit démontrer des compétences à gérer l'incertitude et l'ambiguïté et devient ainsi un m o d è l e pour les étudiants. Cette approche s ' i n s p i r e du socioconstructivisme où les étudiants construisent leur savoir en s'appuyant sur leurs connaissances antérieures, le recueil d'information, leur logique, leur savoir empirique et surtout, la confrontation des idées entre les pairs et les données de base (états financiers, étude de cas, etc.) et ceci, sous la supervision du professeur qui sert de guide (Guilbert & Ouellet, 1997). Un élément crucial au déroulement des cours du nouveau programme est le d é v e l o p p e m e n t d ' a t e l i e r s d ' a p p r e n t i s s a g e qui f a v o r i s e n t l'émergence des diverses compétences visées. Dans l'ancien programme, la résolution de problèmes simples à solution unique était souvent la seule activité faite en classe, au tableau. La réforme a amené le professeur à utiliser différentes activités. Ainsi, on retrouve dans les cours de première année des débats, des jeux de rôle, des simulations, l'écoute active de vidéos, des présentations faites par l'étudiant et évaluées par ses pairs et des travaux nécessitant la collaboration d'entreprises du marché des affaires. Ces activités cherchent, entre autres, à développer une certaine autonomie chez l'étudiant et des compétences de communication écrites et orales. 10 Les compétences de communication sont d'autant plus The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 163 importantes que les praticiens qui réussissent davantage sont, d'après Friedlan (1995), d'excellents communicateurs. De telles activités sont toujours présentes dans les cours de deuxième et de troisième années. En outre, ces cours mettent davantage l'accent sur des exercices multiples d'application technique afin de favoriser le développement de certains automatismes. La résolution de problèmes complexes ou non structurés conserve toutefois une place importante. Tout comme dans les cours de première année, les étudiants sont appelés à travailler régulièrement en équipe et à présenter divers travaux. Dans certains cours, les présentations des étudiants sont évaluées soit par une équipe de professeurs ou par le professeur responsable du cours et des praticiens tels que des associés de cabinets comptables. L'interaction constante entre le professeur et l'étudiant, l'emphase mise sur l'autonomie de l'étudiant et le développement de compétences intellectuelles, de communication et interpersonnelles, sont conformes aux recommandations des divers comités tant canadiens qu'américains qui se sont penchés sur l'enseignement de la comptabilité au cours des quinze dernières années. En ne cherchant plus à enseigner une multitude de règles techniques et de «recettes», le nouveau programme incite davantage l'étudiant à développer une compréhension théorique solide au sujet des contenus disciplinaires, mais aussi des compétences et des attitudes professionnelles variées qui pourraient lui permettre de s'adapter à de nouveaux contextes d'application. En fait, comme l'ont mentionné Anderson et Taylor (1994), «la capacité de résoudre des problèmes et le jugement professionnel sont des qualités essentielles à la réussite d'un comptable». En résumé, la nouvelle philosophie d'enseignement qui caractérise la réforme de la formation en sciences comptables à l'Université Laval a nécessité un changement majeur au niveau de l'approche pédagogique, des stratégies d'enseignement, des activités d'apprentissage et du matériel didactique de soutien. Le tableau 1 fait ressortir plusieurs aspects de ce changement en présentant une comparaison des caractéristiques de l'approche traditionnelle et de la nouvelle approche d'enseignement/ apprentissage adoptée par le Département des sciences comptables. The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Tableau 1 TO & a a £ 0\ Comparison de Vapproche traditionnelle avec la nouvelle approche de formation en comptabilité adoptée par le Département des sciences comptables de l'Université Laval Approche Traditionnelle t>o S £ if o' a Nouvelle Approche E m p h a s e importante mise sur la technique comptable dans les cours; E m p h a s e sur une formation plus large, plus générale, axée sur les organisations et la gestion; Les cours d'introduction mettent l ' e m p h a s e sur un contenu de préparateurs de l ' i n f o r m a t i o n financière (processus comptable, entrées de journal, raports et états financiers); Les cours d'introduction mettent l ' e m p h a s e sur les utilisateurs de l'information et le rôle de la comptabilité dans la société et les organisations; emphase sur l'utilisation de l'information comptable pour la prise de décisions économiques; Peu d'intégration effectuée entre les cours et dans les cours; les sujets sont traités de manière compartimentée; E m p h a s e sur la résolution de problèmes nonstructurés tels que les études de cas; Toute l'informatios nécessaire à la résolution d ' u n problème est fournie à l'étudiant; Accroissement des situations où l'information doit être évaluée quant à sa crédibilité, sa pertinence et sa suffisance; identification par l'étudiant de l'information manquante; Emphase sur la détermination de L A bonne réponse à un problème donné; Emphase sur l'identification et l'évaluation de diverses solutions acceptables et adaptées au contexte du problème; Emphase sur l ' e n s e i g n e m e n t de règles et la «transmission» de connaissances; E m p h a s e sur le processus de réflexion et de résolution de problèmes ainsi que la construction de connaissances; Très peu ou pas de préoccupations concernant le processus d'apprentissage et sa relation avec l'enseignement; Accroissement des préoccupations concernant le processus d'apprentissage et la nécessité de développer l'apprentissage à apprendre; O 2 Intégration sensible dans les cours et entre les cours des diverses disciplines comptables: fiscalité, comptabilité financière, comptabilité de gestion et vérification; Utilisation de problèmes bien définis c o m m e outil d'enseignement et d'apprentissage; problèmes exigeant une performance très technique et menant à une seule bonne réponse; ? K Ci s <33 Q <3- a S" S" K R» as 50 a S' Tableau 1 (suite) A p p r o c h e Traditionnelle Nouvelle Approche • E n s e i g n e m e n t très orienté vers l'examen final uniforme; • E m p h a s e sur des habiletés intellectuelles simples telles que l'acquisition et le rappel, la compréhension et l'application; E m p h a s e sur des habiletés intellectuelles de haut niveau telles que l'analyse, la synthèse, l'évaluation, la pensée critique et créative et la résolution de problèmes; • Très peu d ' e m p h a s e sur les habiletés de communication et les habiletés interpersonnelles; Accroissement dans la formation des occasions de présentations orales, de productions écrites et de travaux d ' é q u i p e exigeant éventuellement la résolution de conflits cognitifs; • U n e seule stratégie d'enseignement: le cours magistral; jS Reconnaissance d'objectifs plus larges que celui de l ' e x a m e n final uniforme; objectifs plutôt orientés vers la formation de meilleurs professionnels comptables Stratégies pédagogiques diversifiées incluant l'approche par problèmes • Centration sur le professeur, son enseignement et le contenu à «couvrir»; Centration sur l'étudiant et son apprentissage; enseignement favorisant le développement de compétences et d'attitudes professionnelles; Les étudiants sont des récepteurs passifs de connaissances; g: § B" s , S s ^ J^ ^ bo S s o S S3 • Très peu d'utilisation de la technologie informatisée à l'extérieur des cours de système d'information; • Environnement compétitif; • Apprentissage de connaissances «par coeur» et évaluation basée sur la reproduction de ces connaissances. Les étudiants sont des participants actifs dans la construction de leurs connaissances; enseignement favorisant le développement de l'autonomie intellectuelle; Accroissement de l'utilisation de l'ordinateur à travers les programmes de premier et de deuxième cycles; Environnement et atmosphère de coopération; Apprentissage par la réflexion, l'expression et l'échange de ces réflexions; évaluation plutôt basée sur la production d'idées et la résolution de problèmes. 166 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine L'EXPÉRIENCE VÉCUE PAR LE DÉPARTEMENT DES SCIENCES COMPTABLES L'objectif de cette section est de présenter l'expérience vécue par le Département des sciences comptables lors de l'implantation de la réforme. Dans la première sous-section, les principaux obstacles rencontrés sont discutés. D a n s la sous-section suivante, les réussites du n o u v e a u programme et des stratégies visant à minimiser l'impact de certains des problèmes rencontrés sont présentées. Afin de présenter un portrait global, les avantages et les inconvénients de la réforme des cours tels que vécus par les membres du Département des sciences comptables de l'Université Laval sont présentés dans un tableau comparatif (Tableau 2). Les obstacles rencontrés L'implantation de la réforme ne s'est pas faite sans rencontrer d'embûches. En plus de la monopolisation des ressources humaines et matérielles visant à faciliter la transition entre les deux programmes, le Département des sciences comptables de l'Université Laval a fait face à plusieurs autres problèmes. Parmi ceux-ci, on retrouve la redéfinition de la tâche du professeur, la perception de son rôle, la perception de la réforme par les étudiants ainsi que par les autres départements de la Faculté des sciences de l'administration, l'évaluation d'habiletés et d'attitudes, et le manque de ressources financières et humaines qualifiées. La tâche du professeur et la perception de son rôle Traditionnellement, la tâche du professeur se composait d'activités de recherche et d'enseignement en plus de tâches administratives (voir Beaver, 1992). L'équilibre entre ces activités est important puisque toutes ces facettes de la carrière du professeur sont évaluées lors de l'octroi des promotions. Une conséquence directe de l'implantation de la réforme a été d'exiger une implication démesurée de certains professeurs dans le développement de matériel pédagogique. De plus, puisque le département avait déjà plusieurs postes à combler, plusieurs jeunes professeurs au début de leur carrière académique ont dû s'impliquer dans le développement de nouveaux cours. Ainsi, ces professeurs ont eu à The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Tableau10\ Tableau comparatif des avantages et inconvénients pour les professeurs impliqués dans la réforme des programmes au Département des sciences comptables de l'Université Laval Avantages Défi intéressant à relever et d'une grande richesse intellectuelle tant cognitive qu'affective; Émergence, dans les premières années de l'implantation, d'une certaine effervescence auprès des professeurs s'impliquant activement dans la réforme; Augmentation des échanges, tant en quantité qu'en qualité, entre les professeurs donnant le m ê m e cours ou d'autres cours; Augmentation des échanges avec les praticiens et les étudiants; 5 ^ 6 s I. 1 B" g. 1 >a S: Mise à profit pour l'ensemble des membres de la créativité de chacun; ^ 8 §•• o Les échanges favorisent - une meilleure cohésion des contenus - une vision globale du programme - une augmentation de l'esprit d'équipe - une entraide mutuelle et spontanée - la cueillette d'une grande banque d'idées - le développement d'attitudes, telles que l'empathie intellectuelle, le respect du point de vue des autres et l'ouverture d'esprit - le développement d'habiletés de gestion de conflits; a Encourage la créativité pédagogique et la liberté académique; Inconvénients L'implantation (les trois premières années) monopolise pratiquement tous les effectifs du département à la création de nouveaux cours et du matériel didactique de soutien; S S O 3 2 Apparition progressive d'un certain essoufflement au fil des ans de l'implantation et du maintien de la réforme; diminution au m ê m e rythme de l'effervescence initiale; C f l Augmentation importante de l'investissement en temps et énergie, par exemple: - pour la création de nouveaux ateliers - pour l'élaboration de nouveaux cas à chaque session - pour les corrections formative et sommative plus élaborées et plus longues - pour les rencontres pédagogiques entre collègues - pour la disponibilité aux étudiants; I Réunions très fréquentes pour permettre les échanges, la compréhension de chacun et les ajustements nécessaires concernant, entre autres, les objectifs et la planification des activités d'enseignement et d'apprentissage; La création de nouvelles activités ou du matériel didactique de soutien ainsi que les méthodes d'enseignement utilisées en classe doivent se faire en accord avec la philosophie, l'approche et les objectifs généraux de la réforme; 5" S S- « o 3' . 3 "S s " a. £ O q 3 >5" s s es re as s Tableau 2 (suite) r > a. S' s bo s ® ^ ON O O Avantages Inconvénients ? Favorise le développement d'une flexibilité dans la façon d'enseigner de chacun; • Augmentation de la place accordée aux préoccupations pédagogiques dans l'esprit de chacun; ^ ïr- • Rapproche l'enseignement de la pratique sans délaisser la théorie c o m m e f o n d e m e n t de base; §i § • Contribue à modifier l'image de transmetteur de connaissances à celle de guide dans la construction des connaissances de l'étudiant; • Favorise la construction de matériel didactique inédit, intéressant et à j o u r au niveau d e la théorie et de la pratique; • Les échanges avec les étudiants permettent de mieux les connaître, de découvrir: - leur calibre - leurs intérêts - leurs préoccupations - leurs idées - leurs connaissances initiales d'un sujet; • Favorise chez les professeurs le développement d'habiletés et attitudes souhaitées chez l'étudiant; les habiletés et les attitudes démontrées par le professeur lors de résolutions de problèmes complexes et lors de discussion servent de modèle aux étudiants; Mal comprise, la réforme peut donner l'impression d'entraver la liberté académique; M a n q u e de formation pédagogique ce qui rend plus difficile la compréhension et l'application du nouveau rôle du professeur en classe; s: gS <3t""1 Q s M a n q u e d'une compréhension profonde des finalités du nouveau programme; M a n q u e de ressources humaines et financières; su re" Augmentation de l'incertitude et de l'insécurité, car diminution du contrôle quant au déroulement du cours et aux contenus travaillés; " là § • D e m a n d e une flexibilité et une adaptabilité mises à l'épreuve à chaque séance de cours; çy A u g m e n t e la vulnérabilité du professeur due à l'ouverture aux points de vue et à la confrontation des idées avec les étudiants; D e m a n d e une grande confiance en soi; Résistance au changement apparaissant d'une manière plus évidente pour certains; Résistance à mettre sur table ses façons de faire, à dévoiler ses «trucs»; § ïo S* 5- cS' s sE S3 a ri S' Tableau1615(suite) Avantages Inconvénients • Les évaluations des étudiants sont considérées avec une plus grande attention; apparition d'un partage de l'information contenue dans les évaluations; utilisation de cette information combinée aux perceptions des professeurs quant au déroulement dans la classe pour évaluer les stratégies, les méthodes ou les activités qui fonctionnent bien ainsi que celles qui fonctionnent moins bien; D e m a n d e des efforts et des encouragements constants - du renforcement de la part de la direction ou des pairs - pour ne pas retomber dans la sécurité de l'approche traditionnelle; • Les échanges entre collègues combinés au feedback oral des étudiants, à l'analyse des évaluations écrites et à la flexibilité qui caractérise l'idéologie de la réforme permettent un ajustement régulier des cours d'une session à l'autre et m ê m e d'une séance à l'autre. Le Département en tant qu'entité doit volontairement accepter une réduction temporaire des activités de recherche de ses membres au profit du développement de cours et de matériels didactiques de soutien; Possibilité pour les j e u n e s professeurs de ne pas rencontrer les critères de promotion en réduisant leur temps de recherche; s ^ D e m a n d e un encadrement plus serré des chargés de cours qui doivent, eux aussi, s'ajuster à la nouvelle philosophie d'enseignement; Difficulté à recevoir les évaluations des étudiants critiquant personnellement un professeur qui pourrait être moins habile avec les nouvelles méthodes, stratégies ou activités d'enseignement. 8 g 3' fj ^ ® a. TO .a" a ^ "S, g' g § «i a . "S « s S- Oq 3 ,s § tS' S TO55 TO Os SD 170 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine s a c r i f i e r p a r t i e l l e m e n t leur r e c h e r c h e p e n d a n t u n e p é r i o d e d e trois ans m e t t a n t i n c i d e m m e n t en péril leurs c h a n c e s d e p r o m o t i o n . L e rôle du p r o f e s s e u r en classe ainsi q u e sa préparation ont changé. U n des objectifs d e la r é f o r m e est de rattacher davantage les activités faites en classe à l'actualité. Par conséquent, les ateliers doivent être continuellement m i s à j o u r ce qui exige d o n c u n travail constant de révision et d ' a d a p t a t i o n d u m a t é r i e l p é d a g o g i q u e . E n fait, en a d o p t a n t d u m a t é r i e l p é d a g o g i q u e b a s é sur l'actualité financière, le p r o f e s s e u r d o n n e plus d ' i m p o r t a n c e au d é v e l o p p e m e n t d'outils p é d a g o g i q u e s et la coordination de cours devient ainsi plus exigeante et difficile à effectuer. E n a d o p t a n t u n e a p p r o c h e p é d a g o g i q u e favorisant la discussion et la c o m m u n i c a t i o n e n c l a s s e , le p r o f e s s e u r e s t c o n f r o n t é à u n n i v e a u d ' i n c e r t i t u d e p l u s é l e v é q u e l o r s d ' u n c o u r s m a g i s t r a l p u i s q u e le d é r o u l e m e n t d ' u n c o u r s n e p e u t p l u s être p l a n i f i é en totalité. L e n i v e a u d ' i n c e r t i t u d e est d ' a u t a n t p l u s g r a n d q u e le p r o f e s s e u r doit intervenir en fonction des c o m m e n t a i r e s des étudiants. Étant d o n n é que la majorité des p r o f e s s e u r s n ' o n t p r a t i q u e m e n t a u c u n e f o r m a t i o n e n p é d a g o g i e , il est naturel q u ' i l s préfèrent opter p o u r u n e approche traditionnelle o ù ils ont le contrôle d u contenu abordé et m ê m e du débit. 11 Par conséquent, m ê m e si les p r o f e s s e u r s se disent favorables à la nouvelle approche, l'introduction p r a g m a t i q u e d e m é t h o d e s d ' a p p r e n t i s s a g e différentes p r o v o q u e de la part d e c e r t a i n s p r o f e s s e u r s u n e f o r t e r é s i s t a n c e au c h a n g e m e n t . D ' a i l l e u r s , m ê m e l o r s q u e les p r o f e s s e u r s a d h è r e n t i d é o l o g i q u e m e n t à la n o u v e l l e a p p r o c h e , la tentation de retourner à l ' a n c i e n n e m é t h o d e d ' e n s e i g n e m e n t est t o u j o u r s présente. E n effet, le n o u v e a u matériel didactique peut toujours ê t r e u t i l i s é d a n s u n e a p p r o c h e p l u s t r a d i t i o n n e l l e ; il n ' e s t d o n c q u ' u n élément, nécessaire m a i s n o n suffisant, permettant de mettre en oeuvre u n e a p p r o c h e p é d a g o g i q u e . (On n'applique pas une approche, comme une recette, mais on la met en oeuvre et ceci, guidé par des principes) A l o r s q u e certains p r o b l è m e s r e n c o n t r é s p e u v e n t être m i n i m i s é s en o f f r a n t a u x e n s e i g n a n t s des cours de p é d a g o g i e , certains o b s t a c l e s d e m e u r e r o n t . U n des p r o b l è m e s les p l u s importants est la b a s e d e m e s u r e utilisée lors des p r o m o t i o n s p o u r évaluer la p e r f o r m a n c e des p r o f e s s e u r s . M a l g r é le d i s c o u r s officiel des universités qui soutiennent q u e la qualité d e l ' e n s e i g n e m e n t est u n des facteurs importants d a n s l ' é t a b l i s s e m e n t des The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 171 c r i t è r e s d e p r o m o t i o n , il s ' a g i t d ' u n d i s c o u r s q u i n ' e s t p a s m i s e n application p u i s q u e la décision d ' a g r é g a t i o n r e p o s e p r i n c i p a l e m e n t sur le dossier de recherche du professeur. On peut donc difficilement exiger q u ' u n j e u n e p r o f e s s e u r réduise de f a ç o n m a r q u é e son implication d a n s la r e c h e r c h e et ainsi risquer q u ' i l soit pénalisé lors de l ' a g r é g a t i o n . U n tel constat a été f o r m u l é p a r les m e m b r e s du c o m i t é B e d f o r d qui c o n s i d è r e n t q u e les n o u v e l l e s a p p r o c h e s p é d a g o g i q u e s p r é c o n i s é e s n e p e u v e n t p a s être a d o p t é e s sans q u e les critères de p r o m o t i o n a p p u i e n t de telles initiatives. C e s contradictions ont m a l h e u r e u s e m e n t pris f i g u r e de réalité au D é p a r t e m e n t des sciences c o m p t a b l e s de l ' U n i v e r s i t é Laval. La perception de la réforme par les étudiants et les autres départements Méthodologie. A f i n d e recueillir la p e r c e p t i o n des étudiants f a c e à l a r é f o r m e d e s c o u r s e n t r e p r i s e p a r le D é p a r t e m e n t d e s s c i e n c e s comptables de l'Université Laval, plusieurs groupes de discussions (focus groups) o n t é t é f o r m é s . D a n s la m e s u r e d u p o s s i b l e , c h a q u e g r o u p e de d i s c u s s i o n était c o m p o s é d e huit à d o u z e étudiants b é n é v o l e s et d e d e u x à trois r e p r é s e n t a n t s du D é p a r t e m e n t des sciences c o m p t a b l e s . A f i n d e f a v o r i s e r u n e d i s c u s s i o n f r a n c h e , le p r o f e s s e u r r e s p o n s a b l e d u c o u r s d i s c u t é était absent. D è s le d é b u t de la séance, u n r e p r é s e n t a n t d u D é p a r t e m e n t d e s s c i e n c e s c o m p t a b l e s indiquait c l a i r e m e n t a u x étudiants q u e l ' o b j e c t i f r e c h e r c h é lors d e c e s d i s c u s s i o n s était l ' a m é l i o r a t i o n d u p r o g r a m m e . D e p l u s , il é t a i t m e n t i o n n é q u e l e s commentaires s p é c i f i q u e s d e s é t u d i a n t s n e s e r a i e n t p a s t r a n s m i s à leur p r o f e s s e u r et d o n c , q u ' i l s n e p o u r r a i e n t pas a f f e c t e r leurs résultats scolaires. D e s g r o u p e s d e discussion ont été f o r m é s p o u r les cours de p r e m i è r e a n n é e et p o u r c h a c u n des cours de d e u x i è m e et troisième années. M a l g r é toutes les précautions prises, il y a certaines limites associées à u n e telle d é m a r c h e . Ainsi, p u i s q u e les étudiants se portaient b é n é v o l e s , un biais de sélection a f f e c t e p r o b a b l e m e n t les résultats. D e plus, m a l g r é la garantie q u e leurs c o m m e n t a i r e s n ' a f f e c t e r a i e n t pas leurs résultats scolaires, il se p e u t q u e les é t u d i a n t s aient v o l o n t a i r e m e n t a t t é n u é leurs c o m m e n t a i r e s a f i n d ' é v i t e r d ' ê t r e p é n a l i s é s d a n s leurs c o u r s . P a r c o n t r e , m a l g r é ces limites, n o u s c r o y o n s q u e les c o m m e n t a i r e s recueillis lors de ces rencontres sont pertinents et représentatifs de la perception des étudiants. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 172 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine R é s u l t a t s . U n d e s p r e m i e r s c o m m e n t a i r e s n é g a t i f s n o t é s lors d e s g r o u p e s d e d i s c u s s i o n est l ' a b s e n c e d e t e c h n i q u e c o m p t a b l e d a n s les c o u r s d e p r e m i è r e a n n é e . H i s t o r i q u e m e n t , les c o u r s d ' i n t r o d u c t i o n à la c o m p t a b i l i t é é t a i e n t c o n s a c r é s à la t e n u e d e l i v r e s e t l e s é t u d i a n t s a s s o c i a i e n t c e t t e n o t i o n a v e c , ce q u i é t a i t s e l o n e u x , la « v r a i e » comptabilité. P u i s q u e les n o u v e a u x cours m e t t e n t l ' a c c e n t sur l'utilisation d e la c o m p t a b i l i t é et d e ses p r o d u i t s d a n s la prise de décision a u lieu de la p r é p a r a t i o n des états financiers, ils p e r ç o i v e n t les cours c o m m e étant des cours sans orientation comptable précise. Le m ê m e phénomène s'est p r o d u i t e n fiscalité. A u p a r a v a n t , le cours d ' i n t r o d u c t i o n à la fiscalité était bâti a u t o u r d ' u n e série d e r è g l e s fiscales. L e n o u v e a u c o u r s se p e n c h e d a v a n t a g e s u r la s t r u c t u r e d e la loi et f a i t r e s s o r t i r les liens e n t r e ses d i f f é r e n t e s sections. E n c o r e u n e fois, les étudiants ont m e n t i o n n é , lors des g r o u p e s d e d i s c u s s i o n , q u e le n o u v e a u cours n e p o u v a i t p a s les p r é p a r e r à u n e carrière d ' e x p e r t - c o m p t a b l e . C e s p r o b l è m e s de p e r c e p t i o n étaient a m p l i f i é s p a r les étudiants inscrits e n p a r a l l è l e d a n s l ' a n c i e n p r o g r a m m e o u p a r c e u x q u i a v a i e n t d é j à é t é e x p o s é s à la t e n u e d e l i v r e s s u r le m a r c h é d u t r a v a i l o u a u collège. Les groupes de discussion traitant des cours plus avancés indiquent q u e cette m a u v a i s e perception s'est en partie e s t o m p é e p u i s q u e les é t u d i a n t s d e v e n a i e n t v i s i b l e m e n t de p l u s en p l u s c o n s c i e n t s d e s o b j e c t i f s d ' a p p r e n t i s s a g e p o u r s u i v i s p a r la r é f o r m e . E n o u t r e , p u i s q u e l e s c o u r s p l u s a v a n c é s e x p o s a i e n t d a v a n t a g e les é t u d i a n t s à l ' a s p e c t p l u s t e c h n i q u e de la p r o f e s s i o n , ils o n t é g a l e m e n t c o n t r i b u é à r é d u i r e leurs r é t i c e n c e s . N o u s c r o y o n s q u ' u n e m e i l l e u r e c o m p r é h e n s i o n d e l ' u t i l i t é et d e la p e r t i n e n c e d e la r é f o r m e aurait t e n d a n c e à m o d i f i e r leur p e r c e p t i o n initiale d e l ' a p p r o c h e p é d a g o g i q u e utilisée et q u e p l u s d ' e f f o r t s d e v r a i e n t d o n c être c o n s a c r é s en ce sens. D ' a p r è s les c o m m e n t a i r e s notés lors des g r o u p e s de d i s c u s s i o n , c e r t a i n s o u t i l s p é d a g o g i q u e s u t i l i s é s en c l a s s e o n t é g a l e m e n t c r é é d e s problèmes de perception. Par exemple, certaines notions de comptabilisation des p r o c é d é s de fabrication ont été abordées à l ' a i d e d e s i m u l a t i o n s . U n e des activités d e m a n d a i t a u x étudiants d e f a b r i q u e r u n p r o d u i t à l ' a i d e de m a t é r i a u x de bricolage. Bien que cet atelier de manipulation permette aux étudiants de concrétiser certains concepts The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 173 théoriques et de discuter d e leur application, les étudiants percevaient cet atelier c o m m e enfantin. D e plus, cette p e r c e p t i o n a m ê m e été r e n f o r c é e p a r des c o m m e n t a i r e s désobligeants de professeurs d ' a u t r e s d é p a r t e m e n t s qui n e c o m p r e n a i e n t p r o b a b l e m e n t pas les objectifs visés par ces activités. L ' u t i l i s a t i o n d e p r o b l è m e s c o m p l e x e s caractérisés, entre autres, p a r l ' a b s e n c e d ' u n e s o l u t i o n u n i q u e m e t t a i t certains é t u d i a n t s m a l à l ' a i s e . P u i s q u e les étudiants étaient habitués à p o u v o i r identifier «la b o n n e r é p o n s e » , le n i v e a u d'incertitude associé a u x p r o b l è m e s c o m p l e x e s a créé u n e forte réaction négative, surtout de la part des étudiants n ' a y a n t a u c u n e expérience pratique. Cette réaction peut en partie s'expliquer par un d é v e l o p p e m e n t p o s t - f o r m e l inachevé. E n effet, selon u n m o d è l e cognitif d u d é v e l o p p e m e n t en sept stades (King & Kitchener, 1994), les étudiants réagissant ainsi seraient au stade d e u x ou trois, c'est-à-dire q u ' i l s auraient u n e v i s i o n d i c h o t o m i q u e d e la r é a l i t é : il y a les s o l u t i o n s v r a i e s , les solutions fausses. À la limite, ils admettent que la véracité d ' u n e solution soit e n c o r e incertaine, m a i s ce n ' e s t q u ' u n e question de t e m p s avant q u ' o n p u i s s e d é t e r m i n e r son statut. D e plus, ces étudiants s ' e n remettent f a c i l e m e n t a u x e x p e r t s qui e u x d é t i e n d r a i e n t la vérité. À l ' o p p o s é , les é t u d i a n t s a y a n t atteint le stade 6 ou 7 s o n t c a p a b l e s de m e t t r e en p e r s p e c t i v e le contexte, les intervenants, les éléments factuels, les valeurs i m p l i q u é e s et de p r e n d r e en considération les incertitudes ou le m a n q u e d ' i n f o r m a t i o n , les a s p e c t s é t h i q u e s , é c o n o m i q u e s , p o l i t i q u e s et l é g a u x d ' u n e situation. Ils n e sont pas à la recherche d e «la» b o n n e solution, m a i s d e la s o l u t i o n j u g é e c o m m e a c c e p t a b l e p a r les p a i r s , c o m p t e t e n u d u contexte. Ils n ' e s s a i e n t p a s n o n p l u s d ' a p p l i q u e r des recettes m a i s plutôt des stratégies générales (heuristiques) d e résolution de p r o b l è m e s . L e s p r o b l è m e s d e p e r c e p t i o n o n t été a m p l i f i é s p a r le f a i t q u e la réforme du cheminement comptable s'inscrivait dans un p r o g r a m m e de b a c c a l a u r é a t en a d m i n i s t r a t i o n des a f f a i r e s . A i n s i , les é t u d i a n t s en s c i e n c e s c o m p t a b l e s n e p r e n a i e n t q u e 13 c o u r s en c o m p t a b i l i t é sur u n total d e 32 c o u r s a u b a c c a l a u r é a t . P u i s q u e les autres d é p a r t e m e n t s d e la F a c u l t é des s c i e n c e s d e l ' a d m i n i s t r a t i o n ont p r e s q u e t o u s c o n s e r v é s u n e a p p r o c h e t r a d i t i o n n e l l e , les étudiants étaient c o n f r o n t é s à d e u x approches pédagogiques différentes. Les cours du nouveau programme m e t t e n t l ' e m p h a s e sur la d i s c u s s i o n et, d a n s ces c i r c o n s t a n c e s , l ' é t u d i a n t The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 174 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine d é m o n t r e c e r t a i n e s d i f f i c u l t é s à s y n t h é t i s e r l ' i n f o r m a t i o n et à c o n c e p t u a l i s e r les d i v e r s e s n o t i o n s . D e f a ç o n générale, les étudiants o n t a p p r é c i é le d y n a m i s m e d e s n o u v e a u x cours. Toutefois, étant d o n n é q u e c e r t a i n s é t u d i a n t s é v a l u e n t leur n i v e a u de c o n n a i s s a n c e d a n s u n c o u r s p a r l a q u a n t i t é d e n o t e s p r i s e s , ils a v a i e n t l ' i m p r e s s i o n d e n e p a s a p p r e n d r e a u t a n t d a n s l e s c o u r s d e c o m p t a b i l i t é q u e d a n s les a u t r e s cours. D e plus, l'absence de notes abondantes dans certains cours de comptabilité augmentait leur niveau d'incertitude face aux examens, c r é a n t ainsi u n certain c l i m a t d e m é f i a n c e et d ' i n s a t i s f a c t i o n . Il est aussi p o s s i b l e q u e le style c o g n i t i f d e s étudiants attirés p a r la c o m p t a b i l i t é soit d a v a n t a g e celui de convergeur (exécution minutieuse de tâches avec p r o t o c o l e , a p p r o c h e linéaire, a p p l i c a t i o n s c o n c r è t e s , travail en solitaire) que celui de divergeur (analyse de faits selon diverses perspectives, i m a g i n a t i o n et créativité, intérêt e n v e r s les p e r s o n n e s , etc.) ( K o l b , 1985). F i n a l e m e n t , d ' a p r è s les c o m m e n t a i r e s notés lors des g r o u p e s de d i s c u s s i o n , la p r o p o r t i o n é l e v é e d e t e m p s c o n s a c r é au travail en é q u i p e a é g a l e m e n t c r é é u n n i v e a u d ' i n s a t i s f a c t i o n dû, entre autres, a u m a n q u e de s é r i e u x d e c e r t a i n s é t u d i a n t s et d e l ' i n c o m p r é h e n s i o n d e s o b j e c t i f s r e c h e r c h é s p a r cette a p p r o c h e . U n des p r o b l è m e s s o u l e v é s était l ' é c a r t i m p o r t a n t existant entre le n i v e a u d e p r é p a r a t i o n d e s étudiants lors des d i s c u s s i o n s en é q u i p e . A l o r s q u e certains étudiants se p r é p a r a i e n t a d é q u a t e m e n t a v a n t d e se p r é s e n t e r e n c l a s s e , d ' a u t r e s p r o f i t a i e n t d u t e m p s a l l o u é p o u r la d i s c u s s i o n e n é q u i p e p o u r l i r e la d o n n é e d u p r o b l è m e . D a n s c e r t a i n s cas e x t r ê m e s , les é t u d i a n t s ne d i s c u t a i e n t s i m p l e m e n t p a s d e l ' a c t i v i t é . D e p l u s , n e c o m p r e n a n t p a s les o b j e c t i f s p é d a g o g i q u e s à atteindre par ces activités, certains étudiants c o n s i d é r a i e n t ces d i s c u s s i o n s c o m m e étant inutiles. L'évaluation d'habiletés et d'attitudes M a l g r é t o u s les c h a n g e m e n t s i m p o r t a n t s a p p o r t é s au c h e m i n e m e n t d e s s c i e n c e s c o m p t a b l e s p o u r atteindre le p r o f i l du p r o f e s s i o n n e l décrit d a n s le r a p p o r t B e d f o r d et la p r e m i è r e p r i s e d e p o s i t i o n de l ' A E C C , il reste e n c o r e c e r t a i n s o b j e c t i f s p é d a g o g i q u e s qui n e sont p a s atteints et é v a l u é s . D a n s u n p r e m i e r t e m p s , le n o u v e a u p r o g r a m m e n ' i n t è g r e p a s d ' a c t i v i t é s c i b l a n t d i r e c t e m e n t les p r o c e s s u s d e p e n s é e . L e s é t u d i a n t s sont e f f e c t i v e m e n t s o u m i s à des activités d e r é f l e x i o n et d e r é s o l u t i o n de The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 175 p r o b l è m e s f a v o r i s a n t le d é v e l o p p e m e n t de la p e n s é e . C e p e n d a n t , a u c u n e activité n ' e n s e i g n e la p e n s é e en e l l e - m ê m e o u la m a n i è r e de la gérer. P a r e x e m p l e , m ê m e si l ' é t u d i a n t est a p p e l é à é v a l u e r de l ' i n f o r m a t i o n et sa s o u r c e , c e t t e t â c h e n ' e s t p a s e x p l i c i t e m e n t décrite en c l a s s e c o m m e étant i n t é g r é e a u c o n t e n u à a p p r e n d r e et elle n ' e s t p a s évaluée. D e la m ê m e m a n i è r e , les d i f f é r e n t e s activités d ' a p p r e n t i s s a g e n e m e t t e n t p a s en relief la f a ç o n d e p e n s e r d e s étudiants et n e les a m è n e n t p a s à faire d e l ' a u t o é v a l u a t i o n et d e l ' a u t o r é g u l a t i o n de leur p r o p r e p r o c e s s u s de pensée. 1 2 E n o u t r e , b i e n q u e c e r t a i n e s a t t i t u d e s liées a u p r o f e s s i o n n a l i s m e , telle la rigueur intellectuelle, sont fort probablement acquises par l'étudiant e x p o s é a u x d i f f é r e n t e s activités, le c o n t e n u des c o u r s et d u p r o g r a m m e p r é s e n t e n t très p e u d ' o b j e c t i f s s p é c i f i q u e s à cet égard. D a n s un d e u x i è m e temps, diverses d i f f i c u l t é s au n i v e a u de l ' é v a l u a t i o n o n t é t é r e n c o n t r é e s . M a l g r é la d i v e r s i t é d e s m é t h o d e s d ' é v a l u a t i o n , n o u s déplorons le m a n q u e d ' é v a l u a t i o n formative. B i e n q u e fort utile et m ê m e essentielle à la f o r m a t i o n de l'étudiant, elle exigeait trop d e t e m p s et d ' é n e r g i e des professeurs. D o n c , m ê m e si l ' a j o u t d ' é v a l u a t i o n f o r m a t i v e représentait u n e amélioration importante p a r rapport à l ' a n c i e n p r o g r a m m e , il aurait lieu d ' y consacrer plus d ' e f f o r t s . Cette situation est en partie c a u s é e p a r le fait q u e les t r a v a u x d e m a n d é s , p r e s q u e tous des p r o d u c t i o n s c o m p l e x e s , sont p r o b a b l e m e n t trop longs à commenter. 1 3 E n g é n é r a l , les é t u d i a n t s o n t a p p r é c i é la d i v e r s i t é d e s m é t h o d e s d ' é v a l u a t i o n . Toutefois, leur perception q u a n t au degré d ' o b j e c t i v i t é de ces m é t h o d e s a c r é é c e r t a i n s p r o b l è m e s . P a r e x e m p l e , m ê m e si o n v o u l a i t r e n d r e l ' é t u d i a n t plus actif en classe et l'inciter à verbaliser sa pensée, sa p a r t i c i p a t i o n a fait l ' o b j e t d ' u n e é v a l u a t i o n s o m m a t i v e qui r e p r é s e n t a i t g é n é r a l e m e n t 10% de la note globale. Cette évaluation soulignait certaines attitudes c o m m e le r e s p e c t d e l ' o p i n i o n des autres, et d e s h a b i l e t é s d e c o m m u n i c a t i o n orale. En plus des difficultés p r o p r e s à ce type d ' é v a l u a t i o n , telle la détermination d e critères objectifs, les p r o f e s s e u r s ont été f o r t e m e n t critiqués p a r les étudiants qui p e r c e v a i e n t celle-ci c o m m e s u b j e c t i v e , p e u f o n d é e et s o u v e n t i n j u s t e . E n f a i t , la p e r c e p t i o n d e s étudiants e n t e n d u e lors des groupes de discussion était q u ' i l s avaient droit à ces points quel q u e soit leur c o m p o r t e m e n t en classe. 14 E n outre, la taille des groupes pouvant atteindre près de 60 étudiants dans certains cas rendait cette tâche d ' é v a l u a t i o n b e a u c o u p plus difficile. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 176 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine Le manque de ressources financières et humaines qualifiées. L a p l u p a r t des u n i v e r s i t é s a m é r i c a i n e s qui ont r é f o r m é en totalité les p r o g r a m m e s en sciences comptables ont bénéficié de ressources m o n é t a i r e s i m p o r t a n t e s d e la p a r t d e s o r g a n i s m e s c o m p t a b l e s . À l ' o p p o s é , p e u d e r e s s o u r c e s étaient d i s p o n i b l e s p o u r e n t r e p r e n d r e u n e t e l l e r é f o r m e à l ' U n i v e r s i t é L a v a l . P a r e x e m p l e , l ' a d a p t a t i o n e t la t r a d u c t i o n d u m a t é r i e l p é d a g o g i q u e utilisé d a n s les c o u r s d e p r e m i è r e a n n é e a c o û t é p r è s de 80 0 0 0 $ au D é p a r t e m e n t des s c i e n c e s c o m p t a b l e s . P o u r lui p e r m e t t r e de m e n e r à t e r m e cette tâche, le D é p a r t e m e n t a r e ç u 5 0 0 0 $ d e s u b v e n t i o n de l ' O r d r e des c o m p t a b l e s a g r é é s d u Q u é b e c et 3 0 0 0 0 $ d e f o n d s interne. 1 5 P o u r le d é v e l o p p e m e n t d e s c o u r s des autres a n n é e s , p r a t i q u e m e n t a u c u n e a i d e n ' a é t é o c t r o y é e au D é p a r t e m e n t . C o n s i d é r a n t q u ' a u total 12 c o u r s ont été r é f o r m é s , la g r a n d e m a j o r i t é des c o û t s a s s o c i é s au d é v e l o p p e m e n t d e m a t é r i e l d i d a c t i q u e a été a b s o r b é e p a r le D é p a r t e m e n t s o u s la f o r m e d e s u r c h a r g e de travail de la p a r t d e s professeurs. D e plus, malgré l'engagement de deux comptables expertes en p é d a g o g i e , les r e s s o u r c e s h u m a i n e s q u a l i f i é e s restaient t o u j o u r s i n s u f f i s a n t e s , ce qui n ' a p e r m i s aux m e m b r e s du D é p a r t e m e n t de d é l é g u e r s u f f i s a m m e n t les t â c h e s d e c o n c e p t i o n d e m a t é r i e l didactique. C e f a c t e u r , c o m b i n é a u f a i t q u e p l u s i e u r s p o s t e s d e p r o f e s s e u r s d a n s le d é p a r t e m e n t des s c i e n c e s c o m p t a b l e s n ' é t a i e n t p a s c o m b l é s , a résulté en u n e s s o u f f l e m e n t g é n é r a l i s é des p r o f e s s e u r s actifs. Les réussites et les améliorations possibles M a l g r é les d i f f i c u l t é s r e n c o n t r é e s lors d e la r é f o r m e de la f o r m a t i o n c o m p t a b l e , n o u s c r o y o n s f e r m e m e n t q u e les m o d i f i c a t i o n s a p p o r t é e s au p r o g r a m m e a i d e r o n t les é t u d i a n t s tout au l o n g de leur carrière. L a r é f o r m e a d ' a u t a n t p l u s d e m é r i t e q u ' e l l e a été i n s t a u r é e a v e c p e u d e m o y e n s f i n a n c i e r s et h u m a i n s . D e s a v a n t a g e s i n a t t e n d u s se s o n t p r é s e n t é s . P a r e x e m p l e , le f a i t d e t r a v a i l l e r c o n j o i n t e m e n t à u n p r o g r a m m e a p e r m i s u n e p l u s g r a n d e c o h é s i o n et c o m p l i c i t é e n t r e les m e m b r e s d u D é p a r t e m e n t . E n fait, la r é f o r m e a s u s c i t é c h e z le c o r p s p r o f e s s o r a l u n e c e r t a i n e e f f e r v e s c e n c e , surtout au d é b u t d e sa m i s e e n p l a c e . E l l e a d o n n é lieu a d e n o m b r e u x é c h a n g e s e n t r e les p r o f e s s e u r s c e q u i a m ê m e résulté d a n s l ' é l a b o r a t i o n de p r o j e t s d e r e c h e r c h e c o n j o i n t s . The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 177 L ' a j o u t d e d e u x expertes en p é d a g o g i e dans le D é p a r t e m e n t a p e r m i s une plus grande compréhension des nouvelles approches pédagogiques c h e z les p r o f e s s e u r s . D e plus, la r e f o n t e des cours a d é v e l o p p é u n e plus g r a n d e c o n s c i e n c e de la p é d a g o g i e dans les préoccupations quotidiennes des m e m b r e s du Département. L'importance accrue accordée à l ' e n s e i g n e m e n t a été d ' a i l l e u r s très a p p r é c i é e des étudiants. E n fait, les n o m b r e u x é c h a n g e s en classe ont créé u n e plus grande complicité entre le p r o f e s s e u r et l e s é t u d i a n t s . C e s d e r n i e r s p o u v a i e n t s ' i d e n t i f i e r p l u s f a c i l e m e n t à leurs p r o f e s s e u r s . L e s étudiants o n t é g a l e m e n t a p p r é c i é le d y n a m i s m e des n o u v e a u x cours p u i s q u ' i l s étaient appelés à y j o u e r u n rôle actif Certains d ' e n t r e e u x ont également apprécié les discussion en équipe p u i s q u ' e l l e s p e r m e t t a i e n t d ' é c h a n g e r leurs idées tout en a m é l i o r a n t leur c o m p r é h e n s i o n d e la matière. E n outre, certaines activités p é d a g o g i q u e s «plus osées» ont relativement bien fonctionné et ont été appréciées p a r les étudiants. C e f u t la cas, par exemple, des j e u x de rôle et des débats. M a l g r é l ' i m p o r t a n c e des avantages associés à u n e telle r é f o r m e , n o u s c r o y o n s q u e les c o n s é q u e n c e s fâcheuses, dues entres autres a u x n o m b r e u x obstacles rencontrés, doivent être réduites afin d ' a s s u r e r le succès d ' u n e telle r é f o r m e . L ' e x p é r i e n c e q u e n o u s a v o n s v é c u e n o u s incite à croire q u e certaines stratégies p e u v e n t être mises en place afin de faciliter l ' i m p l a n t a t i o n d e tels c h a n g e m e n t s . U n e g r a n d e p a r t i e d e s p r o b l è m e s rencontrés lors de l ' i m p l a n t a t i o n de la r é f o r m e est p r o b a b l e m e n t d u e au m a n q u e d e p r o m o t i o n d e celle-ci. D e p l u s g r a n d s e f f o r t s a u r a i e n t été nécessaires a f i n d e publiciser les intentions, la philosophie, les objectifs d e la r é f o r m e ainsi q u e ses a c c o m p l i s s e m e n t s tant à l ' e x t e r n e (ex.: autres universités, Ordres professionnels comptables, b u r e a u x c o m p t a b l e s ) q u ' à l'interne p a r la voie d e présentations lors de congrès, d e c o m m u n i q u é s ou a r t i c l e s d a n s d e s j o u r n a u x s c i e n t i f i q u e s , p r o f e s s i o n n e l s , f a c u l t a i r e s et universitaires. U n e telle p r o m o t i o n aurait p u générer u n support financier d u milieu des affaires ainsi q u ' u n e certaine f o r m e d e partenariat. E n outre, u n e m e i l l e u r e c o n n a i s s a n c e d e n o s efforts à l ' e x t e r n e aurait p u favoriser u n e affiliation a v e c d ' a u t r e s universités p o u r le d é v e l o p p e m e n t de matériel p é d a g o g i q u e . À l ' i n t e r n e , u n e m e i l l e u r e c o m p r é h e n s i o n de la r é f o r m e a u r a i t c e r t a i n e m e n t a m o i n d r i c e r t a i n s p r o b l è m e s d e p e r c e p t i o n t o u t en f a v o r i s a n t l ' h a r m o n i s a t i o n entre les cours offerts p a r le D é p a r t e m e n t des The Canadian journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 178 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine s c i e n c e s c o m p t a b l e s et c e u x o f f e r t s p a r les a u t r e s d é p a r t e m e n t s d e la F a c u l t é des sciences de l'administration. L e m a n q u e de formation en pédagogie des enseignants a également r e n d u la t â c h e p l u s d i f f i c i l e . A i n s i , e n é t a n t c o n s c i e n t s d e s s t a d e s d e d é v e l o p p e m e n t cognitif des étudiants, on choisirait des activités p é d a g o g i q u e s d a v a n t a g e c i b l é e s e n f o n c t i o n d e leurs b e s o i n s . Il serait é g a l e m e n t p l u s aisé de faire c o m p r e n d r e aux étudiants les o b j e c t i f s p o u r s u i v i s p a r la r é f o r m e d e s c o u r s . A f i n d e c o m b l e r c e t t e l a c u n e , il serait s o u h a i t a b l e d e d é v e l o p p e r d e s p r o j e t s a v e c la F a c u l t é d e s s c i e n c e s d e l ' é d u c a t i o n . D e p l u s , c e r t a i n s p r o b l è m e s a u r a i e n t p u être é l i m i n é s e n c r é a n t d a v a n t a g e d e c o l l a b o r a t i o n e n t r e les u n i v e r s i t é s , a m é r i c a i n e s o u c a n a d i e n n e s , q u i o n t p r o c é d é à d e t e l l e s r é f o r m e s . Il a u r a i t é t é a l o r s possible d'éviter certains pièges déjà identifiés par d'autres universités. Il e s t p r é s e n t e m e n t d i f f i c i l e d e b i e n é v a l u e r l e s c h a n g e m e n t s a p p o r t é s a u c h e m i n e m e n t d e s s c i e n c e s c o m p t a b l e s . P o u r l ' i n s t a n t , la s o u r c e la p l u s i m p o r t a n t e d ' i n f o r m a t i o n est celle g é n é r é e p a r les g r o u p e s de discussion. Tel que m e n t i o n n é p r é c é d e m m e n t , cette d ' i n f o r m a t i o n est probablement partiellement biaisée. Un source autre i n d i c a t e u r d u s u c c è s d u n o u v e a u p r o g r a m m e est le t a u x de réussite des é t u d i a n t s a u x e x a m e n s d e s o r d r e s c o m p t a b l e s . P a r contre, o n doit être très prudent avec cette statistique puisque l'objectif premier du c h a n g e m e n t a p p o r t é a u p r o g r a m m e était d e m i e u x p r é p a r e r l ' é t u d i a n t à d e v e n i r p r o f e s s i o n n e l et n o n p a s à m i e u x p e r f o r m e r lors de ces e x a m e n s . M a l g r é t o u t , le t a u x de réussite d e s é t u d i a n t s a u x e x a m e n s d e 1997, soit la p r e m i è r e a n n é e ou des f i n i s s a n t s du n o u v e a u p r o g r a m m e se p r é s e n t a i e n t a u x e x a m e n s , était s e m b l a b l e à celui des a n n é e s antérieures. E n f a i t , l ' é v a l u a t i o n la p l u s p e r t i n e n t e d u n o u v e a u p r o g r a m m e d e v r a v e n i r d e s e m p l o y e u r s . A i n s i , d a n s q u e l q u e s a n n é e s , il s e r a p o s s i b l e d ' a v o i r u n e m e i l l e u r e m e s u r e d e l ' a t t e i n t e d e n o s finalités en m e s u r a n t le degré de satisfaction des employeurs face aux étudiants diplômés des s c i e n c e s c o m p t a b l e s d e l ' U n i v e r s i t é L a v a l . M a l h e u r e u s e m e n t , il e s t e n c o r e t r o p tôt p o u r p o u v o i r utiliser cette s o u r c e d ' i n f o r m a t i o n . The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 179 CONCLUSION L ' o b j e c t i f d e cet article est d e p r é s e n t e r l ' e x p é r i e n c e v é c u e p a r le D é p a r t e m e n t des s c i e n c e s c o m p t a b l e s d e l ' U n i v e r s i t é L a v a l lors d e la r é f o r m e de son p r o g r a m m e . Plusieurs facteurs ont incité le D é p a r t e m e n t d e s s c i e n c e s c o m p t a b l e s à m o d i f i e r en p r o f o n d e u r les cours offerts. P a r m i ces facteurs, on retrouve l'écart grandissant entre les besoins des e m p l o y e u r s et la f o r m a t i o n des étudiants, les c h a n g e m e n t s v é c u s p a r la p r o f e s s i o n c o m p t a b l e et les faiblesses des étudiants f a c e à l'intégration d e la m a t i è r e , à la c o m p r é h e n s i o n du cadre théorique et au j u g e m e n t critique. C e s facteurs, c o m b i n é s à la r é f l e x i o n a m é r i c a i n e sur l ' e n s e i g n e m e n t d e la comptabilité, o n t c o n t r i b u é au d é v e l o p p e m e n t d ' u n n o u v e a u p r o g r a m m e . La structure du nouveau programme est conforme aux r e c o m m a n d a t i o n s d e divers c o m i t é s a m é r i c a i n s qui se sont p e n c h é s sur la f o r m a t i o n e n s c i e n c e s c o m p t a b l e s . Plus p r é c i s é m e n t , la f o r m a t i o n au c o u r s d e la p r e m i è r e a n n é e est g é n é r a l e et elle d e v i e n t p l u s spécialisée à la fin d u p r o g r a m m e . E n p l u s d ' a v o i r m o d i f i é le c o n t e n u d e s c o u r s , l'approche pédagogique a également changé. Alors que l'ancien p r o g r a m m e avait u n e a p p r o c h e traditionnelle où l ' é t u d i a n t était surtout p a s s i f , le n o u v e a u p r o g r a m m e m e t l ' a c c e n t sur l ' a u t o n o m i e des étudiants en f a v o r i s a n t l ' é m e r g e n c e du j u g e m e n t p r o f e s s i o n n e l ainsi q u e les h a b i l e t é s et les attitudes qui y sont rattachées. L e p r o g r a m m e est a x é sur u n e c o m p r é h e n s i o n g l o b a l e f a v o r i s a n t l ' i n t é g r a t i o n des c o n n a i s s a n c e s . P l u s i e u r s o b s t a c l e s ont été r e n c o n t r é s lors de l ' i m p l a n t a t i o n du p r o g r a m m e . A i n s i , les p r o f e s s e u r s du D é p a r t e m e n t des s c i e n c e s comptables ont dû consacrer une partie anormalement élevée de leur t e m p s a u d é v e l o p p e m e n t d e m a t é r i e l p é d a g o g i q u e et ceci, au d é t r i m e n t d e leurs autres activités a c a d é m i q u e s . D e plus, en a d o p t a n t u n e a p p r o c h e p é d a g o g i q u e b a s é e s u r la p a r t i c i p a t i o n et la c o m m u n i c a t i o n , le p r o f e s s e u r fait face à un niveau d'incertitude en classe qui est plus i m p o r t a n t q u e lors de l ' e n s e i g n e m e n t d ' u n c o u r s magistral. L a r é t i c e n c e f a c e a u x c h a n g e m e n t s d e la part de certains p r o f e s s e u r s a aussi été u n o b s t a c l e i m p o r t a n t lors d e la r é f o r m e . L a p e r c e p t i o n d e s é t u d i a n t s f a c e à la r é f o r m e a é g a l e m e n t été u n p r o b l è m e . P a r e x e m p l e , l ' a b s e n c e d e t e c h n i q u e c o m p t a b l e d a n s les c o u r s d e p r e m i è r e a n n é e a a p p o r t é b e a u c o u p de c o n f u s i o n c h e z les étudiants The Canadian journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 180 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine car cela allait à l ' e n c o n t r e de leurs attentes. L'utilisation d'ateliers d e m a n d a n t aux étudiants de fabriquer un produit à l'aide de matériaux d e b r i c o l a g e a f i n d e c o n c r é t i s e r certaines n o t i o n s abstraites a aussi été p e r ç u e c o m m e e n f a n t i n tant p a r les é t u d i a n t s q u e p a r d e s p r o f e s s e u r s d ' a u t r e s d é p a r t e m e n t s de n o t r e faculté. En fait, les objectifs p é d a g o g i q u e s recherchés par ces activités n ' o n t pas été compris. É g a l e m e n t , la p r é s e n c e d e p r o b l è m e s c o m p l e x e s c a r a c t é r i s é s p a r l ' a b s e n c e de solution u n i q u e mettait les étudiants m a l à l'aise. La r é a c t i o n d e s é t u d i a n t s et d e s p r o f e s s e u r s d ' a u t r e s d é p a r t e m e n t s d e la F a c u l t é d e s s c i e n c e s d e l ' a d m i n i s t r a t i o n s u g g è r e q u ' u n é l é m e n t crucial d u s u c c è s d ' u n e t e l l e r é f o r m e r é s i d e e n la c a p a c i t é d e b i e n f a i r e c o m p r e n d r e les o b j e c t i f s r e c h e r c h é s et d ' e n faire la p r o m o t i o n . U n autre p r o b l è m e m a j e u r que nous avons rencontré lors de l ' i m p l a n t a t i o n d e la r é f o r m e a é t é le m a n q u e d e r e s s o u r c e s . N o t r e e x p é r i e n c e n o u s a fait c o m p r e n d r e l ' i m p o r t a n c e d ' a v o i r n o n s e u l e m e n t d e s r e s s o u r c e s m o n é t a i r e s et h u m a i n e s s u f f i s a n t e s , m a i s la n é c e s s i t é d ' a v o i r l ' a p p u i i n c o n d i t i o n n e l des instances supérieures. N o t r e r é f o r m e a été e f f e c t u é e d a n s u n c o n t e x t e o ù tous ces é l é m e n t s n ' é t a i e n t p a s réunis. L a c o n s é q u e n c e directe f u t d e c r é e r u n e s u r c h a r g e d e travail d e la part des professeurs résultant en u n essoufflement précoce. Au début de ce p r o j e t d ' e n v e r g u r e , n o u s a v o n s r e m a r q u é u n e certaine e f f e r v e s c e n c e qui, à d é f a u t d ' u n s u p p o r t a p p r o p r i é et s o u t e n u , a e n t r a î n é u n c e r t a i n relâchement incitant m ê m e certains professeurs à retourner à une approche traditionnelle. L'appui des instances supérieures de l ' U n i v e r s i t é e s t é g a l e m e n t c r u c i a l p u i s q u e les c r i t è r e s d e p r o m o t i o n d o i v e n t n é c e s s a i r e m e n t r é c o m p e n s e r ce g e n r e d ' i n i t i a t i v e si o n d é s i r e a v o i r u n e n g a g e m e n t d e la part des j e u n e s p r o f e s s e u r s . M a l g r é t o u s les o b s t a c l e s r e n c o n t r é s , n o u s c r o y o n s f e r m e m e n t q u e le n o u v e a u p r o g r a m m e a i d e r a les é t u d i a n t s à être p l u s a u t o n o m e s f a c e à leur a p p r e n t i s s a g e et à d e v e n i r d e m e i l l e u r s p r o f e s s i o n n e l s . E n écrivant cet article, n o u s v o u l o n s n o n s e u l e m e n t p a r t a g e r n o t r e v é c u m a i s n o u s d é s i r o n s é g a l e m e n t e x p o s e r les d i f f i c u l t é s a u x q u e l l e s p e u t s ' a t t e n d r e tout d é p a r t e m e n t q u i d é c i d e d ' i n n o v e r e n p é d a g o g i e et d u m ê m e c o u p proposer certains éléments de s o l u t i o n . ^ The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 181 Notes 1 L'American Accounting Association est un organisme comptable qui regroupe principalement des professeurs de comptabilité et certains praticiens. En plus d'organiser plusieurs congrès axés sur la recherche en sciences comptables, cet organisme publie différentes revues scientifiques. ^ L'absence de réforme des programmes en comptabilité au Canada s'explique en partie par la rareté du financement disponible, contrairement aux États-Unis, pour de telles refontes en sciences de l'administration. ^ Les problèmes complexes ou non structurés sont ceux où il existe une pluralité indéterminée de solutions possibles sans que l'on puisse jamais savoir si l'on a trouvé la meilleure. Ils impliquent qu'il y a peu ou pas d'information sur la situation initiale, la situation finale ou les opérateurs (Legendre, 1993). 4 L'University of Southern California a reçu une subvention de 250 000$ de la Coopers & Lybrand Foundation pour la réforme de leur programme en sciences comptables. ^ Bien qu'incluse dans la liste des attitudes par l'AECC, la créativité s'apparenterait mieux à la notion de style cognitif, de mode de pensée ou d'une compétence à développer. 6 En fait, une traduction plus juste du terme utilisé dans les publications comptables sur la formation serait probablement «apprentissage à apprendre» (learning to learn). Cette notion apparaît dans la plupart des documents qui sont à l'origine des changements dans la formation en sciences comptables. Cependant, il s'agit d'un concept complexe qui n'était pas expliqué dans ces documents. Dans cette optique, l'AECC et l'AAA ont publié, en 1995, un document explicite à ce sujet. Le groupe de travail à l'origine de ce texte utilise l'appellation «apprentissage intentionnel» (intentional learning). Il décrit la nature du processus, son utilité dans la formation universitaire et les conditions favorisant son développement chez l'étudiant. Les auteurs font aussi référence à son homologue dans le domaine de la psychologie cognitive, soit le concept de métacognition. Ces auteurs définissent l'apprentissage intentionnel comme un processus d'acquisition, de compréhension et d'utilisation de stratégies variées dans le but d'améliorer sa propre habileté à acquérir et à appliquer des connaissances. Ce processus résulte de, conduit à et développe l'esprit de questionnement ainsi qu'un désir d'apprendre toute la vie durant. Un étudiant qui pratique l'apprentissage intentionnel, c'est-à-dire qui gère son propre processus d'apprentissage, démontre une intention de vouloir apprendre, et choisit ce qu'il apprendra, comment ainsi que quand il le fera. The Canadian journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 182 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine 7 Traditionnellement, les universités francophones du Québec ont fait b a n d e à part en m a t i è r e d ' e n s e i g n e m e n t de la c o m p t a b i l i t é . En e f f e t , le cheminement que doivent suivre les étudiants des universités francophones du Québec désirant obtenir le titre de comptable agréé n'est pas le même que celui imposé aux étudiants des universités anglophones. À titre d ' e x e m p l e , les universités francophones du Québec permettent à leurs étudiants de se présenter aux e x a m e n s des corporations professionnelles immédiatement après l'obtention du baccalauréat alors que les étudiants des autres universités doivent d'abord compléter leur stage de formation pratique, d'une durée de deux ou trois ans dépendant des provinces. ^ C e s l a b o r a t o i r e s é t a i e n t d a v a n t a g e des s é a n c e s de r é s o l u t i o n de problèmes au tableau par un assistant de cours et les étudiants avaient très souvent un rôle passif. 9 Plusieurs universités américaines se sont contentées de réformer les cours de première année tout en introduisant des cours d'appoints entre la première et la deuxième années afin d'insérer les anciens cours de deuxième année. La plupart des universités ayant réformer en totalité leur programme de premier cycle sont celles qui ont été financées par l'AECC. Afin de favoriser les discussions en équipe dans la salle de cours, deux l o c a u x o n t été é q u i p é s de t a b l e s r o n d e s . D e p l u s , l ' a j o u t de m a t é r i e l informatique et audiovisuel a été nécessaire. 1 1 La plupart des programmes de doctorat en comptabilité en Amérique de Nord se limitent à l'enseignement des outils de recherche et pratiquement aucun cours de pédagogie n ' y est dispensé. Selon Costa (1985), il est nécessaire de combiner trois grands types d ' e n s e i g n e m e n t p o u r f a v o r i s e r le d é v e l o p p e m e n t de la p e n s é e : (a) l'enseignement pour penser (teaching for thinking): le professeur crée en classe les conditions favorables à la pensée des étudiants, par exemple en faisant usage de t e c h n i q u e s d ' e n s e i g n e m e n t s t i m u l a n t e s p o u r la p e n s é e , telles que la discussion, la résolution de problèmes, l'expérimentation et l'écriture; (b) l ' e n s e i g n e m e n t de la pensée (teaching of thinking): le professeur enseigne explicitement les habiletés intellectuelles ou les processus de pensée visés en élaborant, par exemple, un modèle descriptif des opérations de pensée; (c) et l'enseignement à propos de la pensée (teaching about thinking): le professeur aide les étudiants à devenir plus conscients de leurs propres processus cognitifs et de ceux des autres, de leur évaluation et de leur régulation, de même que l'utilisation de ces processus dans les problèmes et les situations de la vie réelle. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 183 Actuellement, la réforme implantée en sciences comptables n'a bien exploitée que le premier de ces types d'enseignement. Le temps nécessaire au développement de matériel pédagogique et l'évaluation de l'acquisition des compétences chez l'étudiant explique en partie le peu de réformes en profondeur des programmes en sciences comptables dans les universités canadiennes. La perception négative des étudiants à l'égard de l'évaluation de la participation était amplifiée par le fait que les cours offerts par les autres départements n'évaluaient généralement pas cette dimension de l'apprentissage. En plus, un montant de 50 000 $ a été offert par le Fonds d'investissement étudiant de la Faculté des sciences de l'administration pour les changements d'ordre physique de l'environnement pédagogique dans les salles de cours notamment, des tables rondes ainsi que du matériel informatique et audiovisuel. Références Accounting Education Change Commission (AECC). (1990). Issues Statement No. 1: AECC Urges Priority for Teaching in Higher Education. Accounting Education Change Commission (AECC) and American Accounting Association (AAA). (1995). In M. C. Francis, T.C. Mulder, & J.S. Stark (Eds.), Intentional learning A process for learning to learn in the accounting curriculum. Accounting Education Series, Vol. 12. American Accounting Association, Committee on the Future Structure, Content, and Scope of Accounting Education (the Bedford Committee). (1986). Future Accounting Education: Preparing for the Expanding Profession. Issues in Accounting Education, 7(1), 168-90. 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Repenser la formation en comptabilité, CA Magazine, 127(3), 41^46. Williams, D.Z. (1993). Reforming accounting education. Journal of Accountancy, 176(2), 76-82. Annexe Recommandations du rapport Bedford L'analyse du comité au sujet des pratiques comptables a indiqué que l'approche de formation en sciences comptables requiert des ajustements majeurs d'ici l'an 2000. Les recommandations contenues dans ce rapport sont destinées à servir d'indicateurs et à fournir des directives pour ceux qui ont pris l'initiative d'apporter des changements à la formation en sciences comptables. Étendre les responsabilités à tous les intervenants de la profession fournit en retour un élargissement des possibilités pour les formateurs en sciences comptables. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 185 Étendue et contenu 1. L a c o m p t a b i l i t é d e v r a i t ê t r e v u e c o m m e un v a s t e p r o c e s s u s de développement et de communication d'information économique, basée sur la c o n c e p t i o n , l ' i m p l a n t a t i o n et l ' e x p l o i t a t i o n de d i f f é r e n t s types de s y s t è m e s d ' i n f o r m a t i o n . D e ce fait, les p r o f e s s e u r s de c o m p t a b i l i t é devraient s'assurer de conserver des compétences dans le domaine des t e c h n o l o g i e s d e l ' i n f o r m a t i o n et m a i n t e n i r l e u r s e f f o r t s d a n s le développement de systèmes complets d'information pour les organisations. 2. Les membres du corps professoral en comptabilité devraient reconnaître et aviser les étudiants qu'une formation rigoureuse en matière de comptabilité générale et de développement de compétences individuelles élargies sont préférables à une spécialisation prématurée en sciences comptables. 3. Les membres du corps professoral en comptabilité devraient être réceptifs à l'élargissement des exigences d'enseignement des sciences humaines et des sciences pures, et ce en vue de développer chez l'étudiant des compétences à l'analyse, à la synthèse, à la résolution de problèmes et à la communication. 4. La formation universitaire en sciences comptables devrait mettre l'emphase s u r l e s h a b i l e t é s et les c o m p é t e n c e s n é c e s s a i r e s à u n p r o c e s s u s d'apprentissage permanent. 5. Les objectifs pédagogiques des programmes et des cours devraient être construits de manière à aider les étudiants à apprendre à apprendre, à développer leur pensée et à être créatifs. 6. Les membres du corps professoral en comptabilité devraient établir des exigences élevées pour les étudiants et ajuster les p r o g r a m m e s et les m é t h o d e s d ' a p p r e n t i s s a g e en v u e de d é v e l o p p e r les c o m p é t e n c e s professionnelles et personnelles ainsi que les connaissances générales souhaitées chez les étudiants. 7. L e s u n i v e r s i t é s d e v r a i e n t m a i n t e n i r un e n s e i g n e m e n t des s c i e n c e s comptables flexible afin de s'ajuster rapidement aux besoins d'information constamment en changement dans notre société. Structure 8. La structure des programmes devrait être suffisamment large pour englober trois degrés de formation: • une formation en sciences humaines, en arts et en sciences pures, soit une formation générale; The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 186 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine • une formation générale permettant le développement des concepts concernant la recherche, l'organisation et la communication d ' i n f o r m a t i o n s comptables, soit la formation professionnelle générale requise de tout professionnel comptable; • et une formation visant des connaissances techniques spécialisées dans une ou plusieurs des disciplines de la comptabilité, soit la formation professionnelle comptable spécialisée. 9. La formation professionnelle comptable spécialisée devrait être offerte exclusivement à un niveau supérieur d'enseignement. Dès lors, l'intégration complète des trois degrés de formation dans un programme de comptabilité devrait normalement s'échelonner sur un minimum de cinq ans. 10. Les praticiens et les professeurs-chercheurs en comptabilité devraient se baser sur le principe de l'avantage comparatif pour choisir le contenu spécialisé qui sera dispensé par les universités et celui qui sera dispensé par les employeurs ou à travers des programmes de formation continue. Aspects pédagogiques, administratifs et professionnels 11. Les activités d'apprentissage devraient requérir des étudiants qu'ils soient actifs et autonomes dans leur apprentissage et qu'ils puissent faire de la résolution de problèmes plutôt que d'être des récipients passifs d'information. 12. La formation universitaire en sciences comptables devrait concevoir des activités d'apprentissage et attribuer un certain degré de responsabilité aux professeurs en vue d'augmenter l'interaction entre étudiants et professeurs sur des enjeux intellectuels, favorisant ainsi le développement personnel des étudiants. 13. Le matériel didactique comptable, telles les notes de cours, devrait être construit pour refléter la structure future, le contenu et l'étendue des programmes de formation en sciences comptables. 14. Chaque programme universitaire en comptabilité devrait mettre des priorités appropriées sur l'évaluation des apprentissages étudiants, la recherche et le service aux ordres professionnels, et ce en accord avec les finalités de l'université et les changements requis par une profession en mutation. 15. La formation en sciences comptables devrait supporter la recherche utile au développement des connaissances dans la profession. En ce sens, la recherche pure et la recherche appliquée devraient être encouragées et supportées. The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 Vécu et contraintes lors de l'application d'une nouvelle approche pédagogique 187 16. Les universités devraient établir des standards élevés pour l'admission aux programmes en sciences comptables. Ceux-ci pourraient même inclure des critères indépendants de ceux des autres programmes. 17. Les universités devraient attribuer plus de ressources (ex.: professeurs de carrière et taille restreinte des groupes ) pour les cours d'introduction à la comptabilité et des cours intermédiaires; redéfinir et élargir le rôle des professeurs dans la structure éducative en vue d'augmenter leur implication dans l'apprentissage des étudiants; offrir à ces derniers un encadrement et des conseils systématiques dès l'inscription jusqu'à la diplômation. 18. Les universités devraient attribuer des ressources à des programmes et des activités complémentaires qui permettent de motiver les étudiants et qui augmentent la diversité des expériences d'apprentissage. 19. L e s u n i v e r s i t é s d e v r a i e n t i m p l a n t e r l ' é v a l u a t i o n p a r les p a i r s des programmes en sciences comptables, soit par des professeurs provenant d'autres disciplines ou des professeurs en sciences comptables d'autres institutions et par des praticiens. 20. Les universités devraient encourager une plus grande interaction des professeurs en sciences comptables entre eux et avec ceux des sciences sociales. 21. Les universités devraient encourager le développement de programmes de cycles supérieurs en sciences comptables. 22. L e s u n i v e r s i t é s d e v r a i e n t m e t t r e l ' e m p h a s e sur la v a l o r i s a t i o n et l'utilisation par les professeurs de ressources éducatives d ' a p p o i n t en provenance des sciences humaines et des sciences pures. 23. Les universités devraient permettre la décentralisation des programmes et fournir plus d'autonomie aux enseignants en sciences comptables en ce qui a trait, par e x e m p l e , à l ' é t a b l i s s e m e n t des critères d ' a d m i s s i o n et de rétention supérieurs à ceux de l'université afin que les programmes en sciences comptables puissent s'adapter plus rapidement aux changements . de l'éducation professionnelle. 24. Réduire la technique comptable aux seuls cours ou domaines requis pour l'accréditation. 25. En préparant les étudiants à leur future vie professionnelle, les facultés en sciences comptables devraient se baser sur la pratique, la recherche en sciences comptables et la recherche multidisciplinaire pour construire le The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXX, No. 1, 2000 188 D. Coulombe, L. Guilbert, N. Lacombe, R. Mathieu & H. Racine c o n t e n u d e s p r o g r a m m e s p l u t ô t q u ' u n i q u e m e n t sur la p r é p a r a t i o n immédiate des étudiants à l'exercice de la pratique actuelle. 26. L e s e m p l o y e u r s des f u t u r s e x p e r t s - c o m p t a b l e s d e v r a i e n t avoir une meilleure compréhension de l ' e n v i r o n n e m e n t économique propre à la formation en sciences comptables ainsi que des coûts et des bénéfices découlant des changements de politique des universités concernant les p r o g r a m m e s de f o r m a t i o n en sciences comptables, non seulement au premier cycle mais aussi aux deuxième et troisième cycles. 27. Les institutions devraient considérer des structures qui encouragent une recherche diversifiée et vitale de la part des professeurs-chercheurs, tout en respectant la liberté académique et les règles d'agrégation. 28. Des subventions de recherche devraient être accordées à des projets qui tentent d'expliquer raisonnablement l'environnement économique propre à la formation en sciences comptables. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXX, No. 1, 2000
Authors
- Louise Guilbert
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- Daniel Coulombe
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- Nicole Lacombe
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- Robert Mathieu
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- Helene Racine
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