93 Reviews -' Recensions René Hurtubise, éd., L'Université québécoise du proche avenir. Montréal, Hurtubise HMH, 1973, 403 pages. Publié en 1973, ce livre conserve cependant toute son importance tant parla densité des réflexions qui y sont présentées que par son actualité, le Ministère de l'Education du Québec ayant décidé de mettre en oeuvre, cet automne, une enquête sur les objectifs et le fonctionnement des universités québécoises. C'est principalement du "Rapport du Comité d'Etude du Conseil des Universités du Québec sur les objectifs de l'enseignement supérieur" dont il s'agit dans ce livre. Il constitue l'aboutissement d'un long travail d'enquête et de recherche auprès de toutes les instances concernées par l'enseignement supérieur, auquel se sont adjoints des spécialistes dont nous retrouvons les études spécifiques dans la troisième partie du livre. Le Rapport tout comme les études particulières couvrent la majorité des aspects reliés à l'enseignement supérieur et s'appuient sur des problématiques qui sans se contredire, ne sont pas toujours homogènes. C'est pourquoi il devient extrêmement difficile d'en tirer une synthèse ou encore de traduire, sous forme de propositions concrètes, les lignes directrices qui s'en dégagent. S'inspirant principalement des études faites par l'OCDE, par l'UNESCO et par la Commission Carnegie, les auteurs s'accordent pour dire qu'il faut repenser le rôle de l'Université et son insertion dans le milieu social québécois, qui "sans être au stade de la société post-industrielle, en possède quelques caractéristiques". D'où un double questionnement qui en découle: comment définir la société québécoise actuelle et ses axes de développement? Comment assurer la transformation de l'université québécoise pour ne pas dire sa resocialisation sur la base des choix qui seront faits par tous les éléments qui composent la société (gouvernants, corps intermédiaires et citoyens)? Dans l'Introduction du livre, René Hurtubise, directeur général de la Conférence des Recteurs et des Principaux des Universités du Québec, présente une mise en parallèle de deux modèles définis comme alternatives de la société: "la société industrielle dans sa seconde phase" et "la société centrée sur l'individu." Cette confrontation de ces deux modèles de société demeure présente dans tout le Rapport dont les conclusions se veulent une option pour la seconde alternative: " . . .Le Comité se prononce nettement en faveur de la formation continue, il souligne l'importance de l'autonomie et de la créativité de l'individu et il rappelle la nécessité de varier et d'enrichir les modes d'apprentissage" tout en tenant compte "de l'impact et des effets prévisibles de la société post-industrielle." Pour le comité, c'est la question de "la formation récurrente ou continue" qui devient la pierre angulaire de la réorientation de l'université. L'Université ne doit plus être réservée au 18-23 ans et il devient nécessaire de "restructurer le savoir, de refaire les curriculums d'études et de repenser l'apprentissage afin de mettre fin à la ségrégation par classes d'âge, d'élargir le recrutement de la population étudiante et le champ des connaissances". Le comité s'appuyant sur les conclusions du rapport Higgins, Martin et Raynault: "Les orientations du développement économique régional dans la province de Québec", (Ottawa, Ministère de l'Expansion Economique Régionale, 1970), qualifie d'urgente la situation du Québec, étant donné son état relatif de sous-développement économique, social et culturel et étant donné que "les retards, les disparités et la dépendance du Québec par rapport au Canada et à l'Amérique du Nord tendent à s'accentuer au lieu de diminuer" 94 Reviews -' Recensions L'une des tâches du comité consiste donc à définir l'objectif principal de l'enseignement supérieur au Québec, tout en tenant compte des caractéristiques socio-économiques du Québec. Sa proposition est la suivante: "il est proposé que l'objectif majeur de l'enseignement universitaire québécois durant la prochaine décennie soit d'apporter une contribution significative et qualitative au développement économique, social et culturel du Québec. Que ce but et cette dimension soient une constante préoccupation des responsables du système universitaire..." Pour réaliser cet objectif, les universités devront s'engager dans une réflexion critique et "jouer un rôle de premier plan sur la nature même, les types et les orientations du développement au Québec" (idem). Je ne crois pas que cet objectif tel que défini suscitera de vives réactions et entraînera des débats passionnés. Tel que formulé, il peut susciter l'adhésion d'individus ou de groupes ayant des vues fort différentes sur l'Université. Il en va ainsi lorsque l'on tente d'analyser les implications véhiculées par l'une des propositions envisagées pour réaliser cet objectif: "les universités doivent contribuer à la création d'un modèle de développement original et propre au Québec, conçu en fonction de ses besoins, de ses aspirations et de ses caractéristiques culturelles et ce, par une production scientifique créatrice". Tous les débats commencent dès lors qu'il s'agit de définir "ce modèle de développement propre au Québec" et de concevoir ce qu'est "une production scientifique créatrice". Et lorsqu'il s'agit de poser ces questions et de les débattre, je dois reconnaître que le Rapport manque de consistance et ignore trop souvent les enjeux réels qui sont ceux du Québec des années '70. Ainsi il est accordé beaucoup d'importance à la constitution d'un processus intégré d'éducation permanente et l'on propose un certain nombre de mesures à prendre pour le réaliser, mesures qui nous semblent tout à fait congruentes avec l'objectif poursuivi. Ce qui manque cependant à cette étude pour qu'on puisse la transformer en propositions d'actions concrètes, c'est une analyse des obstacles à franchir et des oppositions à contrer pour réaliser les changements proposés. Ainsi, le Rapport tout comme les études particulières n'envisagent pas de façon systématique la question du financement des universités, question qui se pose dès qu'une transformation, si mineure fut-elle, est amorcée. Empruntant à plusieurs études déjà faites dans d'autres pays sur les réformes du système universitaire, la plupart des textes ayant servi à alimenter le Rapport s'envisagent surtout comme des essais critiques du système universitaire actuel et tentent de proposer quelques nouvelles orientations et axes de développement de ce système pour la prochaine décennie. Conséquemment, le Rapport proposera, entre autres, les mesures suivantes pour amorcer l'implantation d'un processus d'éducation permanente: "l'insertion de l'éducation des adultes à l'éducation permanente"; "l'assouplissement des structures d'accueil de façon à ce que l'expérience personnelle d'un candidat puisse être considérée comme l'équivalent du diplôme d'enseignement collégial"; "dans la perspective d'une éducation permanente qui va du début jusqu'à la fin de la vie, la reconsidération du contenu et de la durée des programmes d'études proposés comme réguliers". Certaines de ces mesures sont déjà prises dans quelques universités telles l'Université du Québec à Montréal et permettent déjà de dresser un bilan critique de leur efficacité et des moyens à prendre pour les corriger si nécessaire. C'est ce que tente de présenter l'un des auteurs dans son étude sur "l'université utopique: de l'éducation des adultes à l'éducation permanente", tout en demeurant un peu loin des expériences concrètes telles que celle mentionnée ci-haut. Une autre des études propose de faire de l'université, un milieu de vie en y intégrant 95 Reviews -' Recensions "des éléments de la contre-culture", "l'université devant devenir le lieu de cette recherche d'une symbiose nouvelle et d'une osmose originale entre la vie et le travail". Il m'est impossible dans une si brève recensión de présenter et de discuter toutes les idées qui émergent de ce Rapport et qui conduisent à repenser les structures, les objectifs et le fonctionnement social de l'Université québécoise. Je n'ai pu qu'esquisser certains des axes qui font actuellement la trame des débats et qui orienteront certainement quelquesunes des réformes et des transformations peut-être radicales qui seront celles de "l'Université québécoise du proche avenir", celles-ci étant liées, bien sûr, aux rapports dialectiques des forces sociales qui tenteront de s'approprier l'université pour en contrôler son développement. Céline Saint-Pierre Professeur Département de Sociologie Université du Québec à Montréal Vers un enseignement supérieur de masse. Nouvelles tendances et options, OCDE, Paris, 1974,240 pp. Politiques de l'enseignement supérieur. Rapport général, Conférence sur les structures futures de l'enseignement post-secondaire, Paris 26-29 juin 1973, OCDE, Paris, 1974,250 pp. Ces ouvrages réunissent une série de documents qui ont été préparés à l'occasion de la conférence internationale organisée par l'OCDE en 1973 sur l'enseignement supérieur, l'objectif de la conférence était "d'étudier l'avènement de l'enseignement supérieur de masse, ses caractéristiques et ses formes principales, en vue d'identifier les mesures d'ordre politique propres à transformer dans le sens souhaité les structures du système". Y ont participé des hommes politiques, des fonctionnaires, des universitaires ayant des responsabilités de gestion et de planification, des spécialistes des systèmes d'enseignement postsecondaire. Ces derniers ont agi comme experts et ont préparé les études devant servir aux discussions. Les deux recueils qui font l'objet de cette recensión contiennent une partie des études de base et des analyses effectuées en vue de la conférence. Parmi d'autres documents qui ont été préparés à cette occasion, il faut mentionner ceux qui figurent dans le troisième recueil de la série, et qui portent essentiellement sur les problèmes de l'organisation de l'enseignement et de la recherche au sein de l'université de masse*. Vers un enseignement supérieur de masse offre un aperçu général de l'état de l'enseignement supérieur dans les pays de l'OCDE, en juxtaposant quatre études. Il y est question d'évolution des effectifs de l'enseignement post-secondaire durant les années soixante, des politiques d'admission pratiquées à ce niveau en Europe et en Amérique, des relations * Structure des études et place de la recherche dans l'enseignement supérieur de masse, OCDE, 1974, 163 p. On trouvera la liste complète des d o c u m e n t s publiés lors de la conférence dans l'Annexe I au Rapport général (Politiques, pp. 231-232).