Review — Recension Comit ë d'études sur l'organisation du système universitaire: l'organisation à l'Université. Commission d'étude sur les universités, 1 9 7 9 , 1 3 7 pages. et la gestion On se souviendra que 1976 avait été une année particulièrement perturbée dans les établissements du réseau universitaire québécois et qu'à la suite de deux très longues grèves, le gouvernement de la Province avait décidé de constituer une commission d'étude, commission connue sous le nom de Commission Angers, du nom de son président. La Commission Angers, en plus de présenter un rapport d'ensemble, s'était elle-même divisée en comités, dont l'un, présidé par monsieur Edouard Pagé, s'était attaché à l'étude de l'organisation du système universitaire. Le Comité Pagé a déposé, sur ce sujet, un rapport de trois volumes. Je me propose de commenter ici le deuxième volume du rapport Pagé, qui traite de l'organisation et de la gestion à l'Université. Disons, en tout premier heu, que le Comité Pagé, comme, d'ailleurs, la Commission Angers dans son ensemble, a toujours porté sur l'organisation et l'administration des universités un jugement extrêmement sévère. La quasitotalité des maux dont souffrent nos universités seraient causés par l'administration des établissements, laquelle se révélerait, tour à tour, centralisatrice, bureaucratique, tatillonne et, à la fois, lourde et lente. C'est là, évidemment, un point de vue qui se défend mais que ni la Commission Angers ni le Comité Pagé n'ont cru bon d'étayer par une démonstration rigoureuse. On a souvent l'impression que les membres du Comité Pagé ont trop facilement accepté cette théorie à la mode qui veut que "small is beautiful" et qu'ils en ont systématiquement conclu à l'inefficacité de tout ce qui, au niveau des structures, était de grande taille. L'ennui d'une telle attitude est que la plupart des universités québécoises sont précisément de grande taille et qu'elles vont le demeurer dans l'avenir prévisible. Il eût été plus utile, à mon avis, d'accepter carrément cette réalité et de s'attacher à étudier et à proposer des réformes administratives adaptées à des grands ensembles, plutôt que de déplorer à pleine page la taille qu'ont nos universités, les difficultés qu'ont connues les universités après 1960, suite à l'intervention massive de l'Etat dans le domaine de l'enseignement supérieur, et la dépersonnalisation qu'entraîne nécessairement la croissance des établissements. Ainsi, le Comité Pagé se donne-t-il, comme l'une de ses deux hypothèses de travail, ce qui suit: Le rythme effarant des changements subis par l'université pendant une période de forte croissance est responsable, en bonne partie, des orientation d'organisation et de gestion inadaptées que l'on constate actuellement; (page 6) On retrouve, dans ce texte, une indication extrêmement précise des motifs qui ont animé les auteurs du rapport. Ainsi, il est acquis que les universités québécoises ont connu, depuis 1960, une période de croissance extrêmement rapide. Fallait-il ajouter que le 118 Reviews - Recensions rythme en était "effarant"? N'aurait-on pas plutôt signaler combien cette croissance représentait un défi pour le monde universitaire? Défi que les universités ont relevé. De la même manière, était-il bien justifié de passer un constat aussi sévère sur les orientations "inadaptées" de gestion et d'organisation, qui seraient, d'après le Comité, le résultat de la croissance effarante que nous avons connue? Les années qui se sont écoulées depuis 1960 sont généralement considérées comme les périodes fastes de notre système universitaire. Bien sûr, la croissance que nos institutions y ont connue a donné lieu à des difficultés administratives, guère différentes, soit dit en passant, de celles que connaîtrait toute entité en pleine expansion. Ces difficultés ont été relevées avec succès, et souvent par des personnes qui n'étaient pas des administrateurs de carrière. Qu'il y ait eu des ratures en cours de route, quoi de plus normal; qu'il existe maintenant des domaines où l'administration universitaire doive être assouplie, cela va de soi. Mais il me parait injustifié d'en conclure que t o u t ce qui a pu se faire en ce domaine depuis le début des années 1960 était systématiquement inadapté. Encore eût-il fallu faire la démonstration qu'un autre modèle administratif eût rendu de meilleurs services et qu'il eût été mieux adapté aux dimensions et aux besoins intrinsèques de nos institutions. On se surprend donc moins que le Comité nous trace un portrait presque idyllique des universités québécoises d'avant 1960 et qu'on en vante l'harmonie et l'informalité. Il convient de noter que ce sont sans doute ces modes harmonieux et informels de gestion qui ont permis, par exemple, à l'Université de Montréal de devenir insolvable et de demeurer en tutelle pendant près de dix ans. On pourrait se surprendre un peu plus, cependant, de cette affirmation que l'on retrouve à la page 7 du rapport selon laquelle la croissance des universités et l'intervention de l'Etat conduisirent à la centralisation des administrations universitaires, au recul du pouvoir des professeurs et, par voie de réaction, à la constitution d'organismes syndicaux pour la défense des droits des enseignants. Vraiment, l'intervention de l'Etat dans le domaine de l'enseignement supérieur ne date-t-elle que des années 1960. Voilà de quoi à faire sourire ceux qui ont connu monsieur Duplessis. Vraiment, les pouvoirs des professeurs étaient-ils réellement plus considérables dans les universités canoniques des années quarante ou cinquante qu'ils ne le sont présentement? Voilà de quoi à faire sourire ceux qui ont connu monsieur Duplessis et (au choix) le cardinal Villeneuve, monseigneur Duranleau ou monseigneur Cabana. Il serait difficile, objectivement, de faire autre chose que d'affirmer que jamais les droits des professeurs et, puisque les auteurs considèrent les deux éléments comme indissociables, les libertés académiques n'ont été mieux protégés et plus complets que depuis la révolution tranquille. Après donc avoir fait le procès des administrations universitaires dont on déplore la lourdeur, les membres du Comité en sont venus à formuler des recommandations. Compte tenu de l'acuité des problèmes qu'ils avaient définis, on est en droit de s'étonner du peu de spécificité des solutions proposées. Si les universités sont en fait mal administrées, comme le Comité le suppose, ce n'est pas la formation de groupes de travail chargés de se pencher sur les objectifs à moyen et long termes des universités qui semblerait être la solution la plus imminemment concrète. De la même manière, le Comité ayant fait ressortir la lourdeur des systèmes administratifs en place, il semble un peu étonnant que ses recommandations s'orientent vers une décentralisation poussée et vers la création de structures horizontales de concertation que 119 Reviews - Recensions l'on veut coopérative plutôt que compétitive. Il n'est pas évident que la création d'un pareil appareil diminuerait de beaucoup la lourdeur et la lenteur qui, aux yeux du Comité, caractérisent les structures en place. Egalement, les auteurs du rapport manifestent une foi presque macluhanesque dans les possibilités qu'offrent les communications. Des communications bien faites viendraient à b o u t , nous dit-on, de la plupart des difficultés dans lesquelles nous nous débattons. Les universités véhiculent maintenant une quantité impressionnante d'information. Cette diffusion ainsi que l'existence de mécanismes élaborés de participation expliquent, bien plus que la centralisation, le rythme assez peu rapide de prise de décision dans nos institutions. Or, ce que le Comité nous propose c'est de renforcir ces mécanismes de participation, par l'avènement, entre autre, d'un système parlementaire, et de donner à l'information qui circule un impact plus grand en améliorant sa présentation. Notons que ce ne sont pas là des solutions qui vont contribuer à diminuer l'ampleur de l'appareil administratif, mais bien plutôt à l'augmenter. Il faudra trouver des personnes pour faire fonctionner les mécanismes de participation ainsi que pour produire l'information nouveau style. Cela se traduira, inévitablement, par des créations de postes et par des imputations budgétaires. Qu'après tout cela, certaines recommandations plus secondaires du Comité soient éminemment sensées (par exemple, la création de programmes en administration universitaire ou l'assouplissement des relations de travail) ne sauraient nous écarter de la constatation que le Comité Pagé a, pour ainsi dire, écrit sa propre épitaphe, lorsqu'il nous dit (page 1), après avoir évoqué les crises qu'avait subies notre système d'enseignement supérieur: Mais, il est bien évident que les choses ne sont ni aussi simples, ni aussi dramatiques que ne le suggère l'aspect caricatural qu'il faut souvent leur donner pour les souligner à l'attention publique. Philippe Guay Université de Montréal