The Canadian Journal of Higher Education La revue canadienne d'enseignement supérieur Volume XXXI, No. 2, 2001 pages 103 - 1 3 4 Conceptions des futurs maîtres du primaire relativement à l'utlisation de la resolution de problèmes en mathématiques LUCIE DEBLOIS & NANCY VÉZINA Université Laval RÉSUMÉ Cet a r t i c l e r a p p o r t e les r é s u l t a t s d ' u n e é t u d e p o r t a n t sur les c o n c e p t i o n s de l ' e n s e i g n e m e n t des m a t h é m a t i q u e s chez des f u t u r s maîtres qui suivent leur premier cours en didactique des mathématiques. Quatre activités d ' e n s e i g n e m e n t , portant sur la multiplication et la division, ont été proposées. Les futurs maîtres ont identifié les forces et les faiblesses lors d ' u n e première discussion en sous-groupes. Ils ont ensuite été invités à valider et justifier leurs choix en groupe d'experts, selon la modalité proposée en apprentissage coopératif. Enfin, de retour dans leur groupe initial, ils ont identifiés ce qu'ils considèrent important à r e t e n i r p o u r l ' a p p r e n t i s s a g e et l ' e n s e i g n e m e n t de la n o t i o n mathématique en jeu. U n e analyse des 88 questionnaires, complétés durant les discussions, a été réalisée. Nos résultats laissent apparaître certaines conceptions à l'égard de ce type d'activité d'enseignement n o t a m m e n t l ' i m p o r t a n c e p o u r eux d ' i l l u s t r e r un p r o b l è m e p a r un matériel et d'être conforme aux objectifs d'apprentissage. En outre, le questionnement est vu comme un générateur de confusions chez les élèves. Les d i s c u s s i o n s en g r o u p e d ' e x p e r t s s e m b l e n t susciter un a p p r o f o n d i s s e m e n t de ces c o n c e p t i o n s dans le cas où les activités d'enseignement ne posent pas de problème de contenu mathématique 104 L. DeBlois & N. Vézina aux f u t u r s maîtres. Les résultats obtenus permettent de dégager des moments de tension qui guideront nos interventions dans la classe de didactique à l'université. ABSTRACT This article discusses the results of a study on preservice teachers's conceptions of a teaching activities included problem-solving. Four teaching activities on the concept of multiplication and division were porposed during a course. First, the preservice teachers were asked to i d e n t i f i y the strengths and w e a k n e s s e s . They were then invited to validate and justify their choice with expert subgroups according to cooperative learning strategies. Finally, they determined what should be retained for the learning and teaching of these mathematical notions. Analysis of the 88 questionnaires allowed us to study the conceptions of teaching activities used the problem-solving as a teaching strategie. It appears conceptions about these type of teaching activities. For example, preservice teachers viewed the illustration of a problem as the primary strength, but asking questions as a web to create confusion in pupils. W h e n the mathematics content present no confusion, they can reflect more on the activities of pupils. The results help us to identify tension who will guide pedagogic intervention for the program. PROBLÉMATIQUE Les études en didactique des mathématiques ont tenté d'identifier divers facteurs ayant une influence sur les pratiques privilégiées dans la c l a s s e de m a t h é m a t i q u e s . C e r t a i n s t r a v a u x se sont i n t é r e s s é s aux enseignants et aux enseignantes en exercice alors que d'autres ont été réalisés auprès de futurs maîtres. L'étude de Wideen, Mayer-Smith et M o o n ( 1 9 9 8 ) p e r m e t de r e c o n n a î t r e l ' é t e n d u e et la d i v e r s i t é des recherches qui tentent de cerner le développement de l'apprentissage de l'enseignement. Alors que certaines études s'attardent aux conceptions des futurs maîtres, d'autres s'intéressent à l'influence des programmes de formation ou encore au phénomène d'insertion professionnelle durant la première année d'enseignement. Nous situons cette étude à l'intérieur de The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 105 c e l l e s qui s ' i n t é r e s s e n t aux c o n c e p t i o n s des f u t u r s m a î t r e s s o u s l'influence d'un dispositif d'enseignement dans une classe universitaire. N o ë l et M u r a ( 1 9 9 9 ) , J a w o r k s i ( 1 9 9 4 ) , E r n e s t ( 1 9 8 9 , 1991), U n d e r h i l l (1988) et D i o n n e (1988) entre autres, se sont attardés à l'identification des conceptions des mathématiques comme facteur ayant une i n f l u e n c e en classe de mathématiques. 1 Civil (1993), Johnston (1990) et Ross (1987) ont étudié certaines sources génératrices de ces conceptions. Ils ont reconnu l'importance des premières expériences d'apprentissage, par exemple au primaire, ou encore l'expérience des c o u r s de m a t h é m a t i q u e s c e n t r é s sur la r é s o l u t i o n de p r o b l è m e s ( E m e n a k e r 1995). Toutefois, pour Britzman (1991) les conceptions j o u e r a i e n t le rôle de filtre, mais de façon plus c o m p l e x e q u ' o n ne pourrait le croire. En effet, les conceptions susciteraient la création de mythes c o m m e celui-ci: l'enseignant qui n'établit pas le contrôle ne pourra faire apprendre ses élèves. U n d e u x i è m e f a c t e u r a y a n t u n e i n f l u e n c e en c l a s s e de mathématiques touche la formation reçue sur le développement de la pensée des élèves (Fenema, Carpenter, Franke, Levi, Jacob & Empson, 1996). Alors que cette formation semble permettre aux enseignants en exercice de prendre plus de temps pour écouter les élèves et pour les a m e n e r à t r o u v e r p l u s i e u r s s o l u t i o n s au m o m e n t de r é s o u d r e des problèmes, une formation semblable ne semble pas donner les mêmes résultats chez les futurs enseignants. En effet, Nesbitt Vacc et Bright (1999) ont observé que les futurs maîtres développent une connaissance de l'enseignement qu'ils qualifient de fragile. Ainsi, les futurs maîtres modifieraient leurs conceptions pour une orientation plus constructiviste et e n s e i g n e r a i e n t s e l o n les p r i n c i p e s p r o p o s é s p a r la f o r m a t i o n Cognitively Guided Instruction dans certains contextes seulement. Les auteurs posent posent deux hypothèses pour expliquer cette différence: la première concerne la différence d ' e x p é r i e n c e d ' e n s e i g n e m e n t , la seconde est relative à la nécessité de développer simultanément une connaissance de la pensée et de l'apprentissage des élèves de m ê m e qu'un ensemble de stratégies d'enseignement. Il nous semble donc souhaitable de lier le contenu disciplinaire à enseigner et le développement de la pensée des élèves au moment de The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 106 L. DeBlois & N. Vézina former des futurs maîtres à l'enseignement des mathématiques. En effet, compte tenu du fait que la plupart des contenus à l'étude au primaire portent sur des notions que les futurs maîtres utilisent depuis longtemps, ces notions semblent simples. Une relation entre le contenu disciplinaire à enseigner et le développement de la pensée de l'élève pourrait leur permettre de reconnaître la complexité de l'apprentissage de notions, en apparence très élémentaires. N o u s i n s c r i v o n s ainsi cette étude dans la f o u l é e de celles qui analysent les dispositifs de formation mis en place (Bednarz, Gattuso, & Mary, 1997; Hong, 1995; Westerman, 1991; Wilcox, Lanier, Schram, & Lappan, 1992). L'ensemble des recherches, portant sur les interventions à court ou long terme qui sont réalisées auprès des futurs enseignants, laissent apparaître divers problèmes. Certains problèmes sont liés à la r e l a t i o n entre les p e r s p e c t i v e s p h i l o s o p h i q u e s de l ' e n s e i g n a n t qui accueille l'étudiant dans sa classe et les perspectives philosophiques impliquées dans le programme d'étude (Nesbitt Vacc & Bright, 1999). alors que d'autres sont amenés par la différence entre les attentes des formateurs et des futurs enseignants. Wideen, Mayer-Smith, et Moon (1998) posent d'ailleurs l'hypothèse selon laquelle une confrontation e n t r e les c o n c e p t i o n s de l ' a p p r e n t i s s a g e d e s f u t u r s e n s e i g n a n t s p e r m e t t r a i e n t d ' e n t r e r d a n s u n e p r e m i è r e é t a p e du p r o c e s s u s de l'apprentissage de l'enseignement. Nous nous intéressons donc à l'étude des retombées d'un dispositif d'enseignement, en classe de didactique, dans lequel les conceptions des futurs maîtres du primaire sont activées et discutées en début de formation. U n e é t u d e de B e d n a r z ( 2 0 0 0 ) , m e n é e a u p r è s d ' e n s e i g n a n t s et d'enseignantes en exercice, a déjà révélé qu'une discussion portant sur un pré test conduisait à s'attarder aux connaissances antérieures, aux stratégies de résolution, aux raisonnements et aux difficultés de leurs é l è v e s . D a n s le cas où les d i s c u s s i o n s p o r t a i e n t sur des activités d ' e n s e i g n e m e n t , ce sont plutôt les habitudes d ' e n s e i g n e m e n t et le contenu à enseigner qui ont fait l'objet de débats. L'étude de Vacc et Bright (1999) nous sensibilise à la différence de résultats q u ' i l est possible d'obtenir auprès des futurs maîtres compte tenu de l'absence d'expérience d'enseignement. Nous choisissons donc de susciter des The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 107 discussions chez des futurs maîtres enseignants à partir de certaines a c t i v i t é s d ' e n s e i g n e m e n t en m a t h é m a t i q u e s . Q u e l l e s c o n c e p t i o n s explicitent-ils? C'est la question à laquelle nous nous sommes attardées. Comment lier contenu disciplinaire à enseigner et développement de la pensée des élèves Les activités d'enseignement se réalisent au moment de présenter aux élèves des situations d'apprentissage. En didactique des mathématiques, divers modèles permettent une réflexion au moment de la planification d'une situation d'apprentissage. Par exemple, Vergnaud (1991) utilise la n o t i o n de situation p o u r d é s i g n e r e s s e n t i e l l e m e n t des s i t u a t i o n s problèmes pour lesquelles l'élève peut ou non disposer des connaissances nécessaires à leur résolution, ce qui peut apporter une exploration et une nouvelle réflexion. Brousseau (1986), quant à lui, appelle situation didactique le jeu d'appropriation de connaissances scolaires réalisé par l'élève. Ainsi, l'élève est placé non seulement devant un problème à résoudre, mais dans un milieu. Ainsi, le matériel utilisé, le choix du problème présenté par le maître, le questionnement de ce dernier, de même que les discussions entre les pairs sont autant de composantes de la s i t u a t i o n d ' a p p r e n t i s s a g e qui d e v i e n t un m i l i e u d ' a p p r e n t i s s a g e . B r o u s s e a u d i s t i n g u e alors les situations d ' a c t i o n des situations de f o r m u l a t i o n , de validation ou d'institutionnalisation. Ces modèles, présents dans plusieurs recherches en didactique des mathématiques, semblent complexes pour le futur maître qui débute. Nous nous tournons donc vers une définition proposée pour les maîtres en exercice. Selon les o r i e n t a t i o n s du m i n i s t è r e de l ' É d u c a t i o n du Q u é b e c (MEQ), une situation d'apprentissage se présente en trois phases: la phase de préparation, la phase de réalisation et la phase d'intégration. La p h a s e de préparation p e r m e t au maître d ' a c t i v e r les connaissances antérieures des élèves de manière à encourager l'exploration de diverses avenues pour résoudre le problème posé. La lecture du fascicule L (MEQ, 1988) précise qu'au moment de la phase de réalisation: l ' e n s e i g n a n t guide, propose, questionne. Il aide l ' é l è v e à o b j e c t i v e r son action, fait des suggestions, d o n n e l'information jugée trop difficile à découvrir. Il incite l'élève The Canadian journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 108 L. DeBlois & N. Vézina à poursuivre ou à reprendre certaines tâches, observe et soutient l'élève qui éprouve des difficultés. Bref, il facilite le traitement du contenu d'apprentissage (p. 47). Précisons que cette phase présente généralement un défi aux élèves et ce, par la présentation d ' u n problème. Enfin, la phase d'intégration c h e r c h e à s u s c i t e r l ' o b j e c t i v a t i o n et la p r i s e de c o n s c i e n c e des apprentissages réalisés. Pour les besoins de cette étude, nous avons donc privilégié la définition du MEQ. En outre, nous nous attardons aux conceptions explicitées par les futurs maîtres lors de la présentation d'une phase de réalisation. D a n s ce cadre, la résolution de p r o b l è m e est vue c o m m e une stratégie d'intervention à privilégier afin de susciter l'élaboration d'un sens à donner aux concepts mathématiques. L'étude d'Emenaker (1995) a permis de reconnaître que des cours de mathématiques, centrés sur la résolution de problèmes, amenaient les futurs maîtres à reconnaître que plus d'une démarche permettait d'arriver à une bonne réponse et que la compréhension était plus importante que la mémorisation de règles. Toutefois, les futurs enseignants sont-ils en mesure de reconnaître l'apport de cette stratégie d'enseignement dans le développement de la compréhension des élèves? Nous savons que dans la pratique quotidienne des écoles, la notion de résolution de problèmes est multiple. Miller (1996) a d'ailleurs identifié diverses conceptions et leurs implications dans les pratiques des enseignants et des enseignantes. Ainsi, la résolution de problèmes peut être vue comme la recherche de modèles ou de régularités. Elle est vue aussi comme une expérience de recherche et de créativité qui suscite l'exploration et la collaboration entre les élèves, ou encore comme le regroupement de problèmes d'application et d'exercices qui apportent la construction d'un ensemble de "ruses" et d'habiletés. Le programme du ministère de l'Éducation du Québec (1988) propose de concevoir la résolution de problèmes comme un moyen pour initier les élèves aux m o d e s de pensée et d ' e x p r e s s i o n mathématique. La résolution de problèmes devient une stratégie d'intervention qui amène les élèves à développer leur compréhension à travers des situations d'apprentissage q u i d o n n e n t du s e n s aux c o n c e p t s m a t h é m a t i q u e s . L e r ô l e de The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 109 l'enseignant et de l'enseignante est alors de créer un environnement qui suscite une réflexion chez l'élève. L'étude des conceptions des futurs maîtres relativement à une phase de préparation nous a déjà permis de reconnaître l'intérêt que les futurs m a î t r e s a c c o r d e n t au m a t é r i e l , aux e x p é r i e n c e s des é l è v e s et à l'importance de limiter les difficultés (DeBlois, Uwimana, & Vézina, 1998). Toutefois, puisque les futurs maîtres croient qu'il est souhaitable de l i m i t e r les d i f f i c u l t é s d a n s u n e s i t u a t i o n d o n n é e , c o m m e n t comprennent-ils le concept de résolution de problèmes comme modalité d'intervention? Accordent-ils aux élèves le droit d'utiliser différentes procédures pour résoudre un problème? Comment réagissent-ils lorsque nous leur présentons une situation d'apprentissage planifiée selon un e n s e m b l e de questions à adapter aux élèves plutôt que selon une explication linéaire de règles? Les études de Benken et Wilson (1996) de même que celle de Steele (1994) ont permis de reconnaître l'importance des exemples spécifiques de la classe, de l'apprentissage coopératif et de la m a n i p u l a t i o n de c o n c e p t s c o m m e f a c t e u r s d ' i n f l u e n c e sur les conceptions des futurs maîtres. La situation d'apprentissage offerte à la discussion durant le cours de didactique, invite les futurs maîtres à imaginer les réactions des élèves. Elle est alors considérée comme étant une activité d'enseignement. Les problèmes ayant une structure multiplicative Nous nous attarderons plus particulièrement à la mise en œuvre de problèmes ayant une structure multiplicative. Ces problèmes impliquent, entre autres, la multiplication et la division (Vergnaud, 1991). À l'instar des travaux de Zazkis et Campbell (1994), l'étude des examens déjà réalisés par des futurs maîtres nous sensibilise aux difficultés qu'ils éprouvent lorsqu'il s'agit d'élaborer des situations d'apprentissage portant sur les structures multiplicatives. En effet, les futurs maîtres semblent voir la multiplication essentiellement comme une addition répétée. De plus, ils confondent très souvent le sens mesure et le sens partage qui apparaît dans les problèmes de division. Nous nous sommes intéressées à connaître, dans un contexte de négociation de connaissances, le fonctionnement implicite que les futurs The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 110 L. DeBlois & N. Vézina maîtres d o n n e n t aux p r o b l è m e s ayant une structure multiplicative. Compte tenu des difficultés précisées précédemment, nous avons proposé à la discussion des activités d'enseignement dans lesquelles différents problèmes sont présentés. La multiplication fait d'abord intervenir la r é u n i o n d ' e n s e m b l e s é q u i p o t e n t s . D a n s le p r e m i e r cas, l ' a c t i v i t é d'enseignement laisse surgir une des propriétés de la multiplication: la commutativité; dans le deuxième, l'activité d'enseignement laisse surgir une relation entre multiplication et division. U n e troisième activité d ' e n s e i g n e m e n t f a i t e n s u i t e i n t e r v e n i r un p r o d u i t c a r t é s i e n . N o s expériences nous montrent que les futurs maîtres voient essentiellement la multiplication comme une addition répétée. Cette activité risque donc de p o s e r d e s p r o b l è m e s q u i p o u r r a i e n t s u s c i t e r u n e d i s c u s s i o n intéressante. Enfin, la quatrième activité d'enseignement présente un p r o b l è m e de division faisant appel au sens de partage, celui qui est p r i v i l é g i é p a r les f u t u r s m a î t r e s , dans lequel une m a n i p u l a t i o n de l ' e n s e i g n a n t e expose le sens mesure. Enfin, les futurs maîtres sont informés q u ' u n e des quatre activités d'enseignement pose un contreexemple ou une faiblesse particulière. L'enjeu est donc de repérer cette faiblesse et de justifier leur choix. Ces types de problèmes sont présentés a u x é l è v e s du p r i m a i r e à p a r t i r de la t r o i s i è m e a n n é e (8 a n s ) . L'exploration de ces notions se poursuit jusqu'en sixième année (12 ans). MÉTHODE Selon la classification des recherches réalisées par Boero, Dapueto et Parenti (1996), nous nous situons à l'intérieur d'une méthode où une discussion est suscitée à partir de problèmes professionnels rencontrés en c l a s s e . Il s ' a g i t d ' é t u d i e r l ' e x p l i c i t a t i o n d e s c o n c e p t i o n s de l ' e n s e i g n e m e n t de c e r t a i n s c o n c e p t s m a t h é m a t i q u e s à t r a v e r s les difficultés d ' u n e activité d'enseignement. Nous privilégions la formule de l'apprentissage coopératif (Johnson & Johnson, 1988). Cette modalité d'intervention s'appuie sur certains principes comme l'interdépendance p o s i t i v e , l ' a p p r e n t i s s a g e p a r u n e v e r b a l i s a t i o n s i g n i f i c a t i v e , le développement d'habiletés coopératives et le développement du sens des responsabilités chez les individus. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 111 Ces principes ont justifié la mise en place de deux types de groupes. Le premier, appelé le groupe de base (4 personnes), avait pour but de susciter une d i s c u s s i o n sur l ' e n s e m b l e des quatre activités d'enseignement et d ' e n faire une première analyse pour identifier les forces et les faiblesses. Nous savons que les premières analyses des étudiants et des étudiantes les amènent souvent à porter des jugements (DeBlois & Squalli, 1997). Nous avons donc privilégié des questions qui laissent une place à cette tendance tout en cherchant à susciter une réflexion plus profonde. Chaque personne de cette première équipe devenait alors responsable d'une des quatre activités d'enseignement et devait faire un résumé de la discussion dans le deuxième groupe. 2 Ce d e u x i è m e groupe, que nous avons appelé groupe d ' e x p e r t s (8 à 10 personnes), avait pour mission de réutiliser les informations des équipes de base en s'attardant à une seule activité d'enseignement. Les futurs maîtres devaient alors déterminer une seule force de même qu'une seule faiblesse et justifier leur choix. Nous avons voulu amener les futurs e n s e i g n a n t s à se l i b é r e r d ' u n e é v a l u a t i o n d i c h o t o m i q u e en approfondissant les raisons de leurs choix. Le retour au groupe de base permettait de poursuivre la discussion en répondant à trois questions plus générales: Que développons-nous chez les élèves? Que retenez-vous p o u r l ' e n s e i g n e m e n t de c e t t e n o t i o n ? Q u e r e t e n e z - v o u s p o u r l'apprentissage de cette notion? Ajoutons que les objectifs visés par les activités d'enseignement ont été précisés parce que nous connaissons la difficulté des futurs maîtres à reconnaître les concepts mathématiques dans une situation d'apprentissage. Enfin, le rôle des professeures était, d'une part, d'observer les groupes de travail afin d'évaluer les apprentissages et les interactions. D'autre part, nous cherchions aussi à soutenir les futurs maîtres en encourageant la discussion en groupe et en répondant aux difficultés individuelles. Populations impliquées dans cette recherche et cueillette des données Nous avons voulu réaliser cette étude auprès de futurs maîtres qui s o n t i n s c r i t s p o u r la p r e m i è r e f o i s à un c o u r s de d i d a c t i q u e des mathématiques. Nous avons utilisé cette modalité d'intervention auprès The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 112 L. DeBlois & N. Vézina de 3 groupes de 75 futurs maîtres. Rappelons qu'ils n'ont encore jamais enseigné. U n e fois par semaine, ils réalisent des stages en classe du primaire. Ils en sont donc à leur quatrième rencontre de trois heures sur une série de quinze rencontres. Dès le premier cours, les futurs maîtres se sont familiarisés, avec les différentes composantes d ' u n e situation d'apprentissage (Ministère de l'Education du Québec, 1988). Nous avons ensuite consulté, en classe, une des collections utilisées dans les écoles du Québec pour repérer et évaluer les phases de réalisation proposées. Les futurs maîtres constatent alors la différence entre un problème et un exercice. Des lectures sur l'élaboration de situations d'apprentissage et sur la notion de problème ont précédé les discussions que nous analysons dans cette étude. En outre, n o u s a v o n s exploré le contenu des objectifs m a t h é m a t i q u e s m i n i m a u x du p r i m a i r e . U n e d i s c u s s i o n p o r t a n t sur la p h a s e de préparation d ' u n e situation d'apprentissage a permis aux futurs maîtres de se familiariser avec la modalité de l'apprentissage coopératif. Ces discussions permettaient ensuite un point d'ancrage pour la suite du cours de didactique. Les futurs maîtres étaient libres de nous remettre les feuilles sur lesquelles ils avaient inscrit leurs réponses. Toutes les questions étaient inscrites sur une même feuille dans un tableau. Quatre-vingt-huit futurs maîtres ont accepté de nous soumettre, par écrit, leur cheminement durant ces discussions. Ces futurs maîtres sont répartis ainsi: vingt (20) ont analysé la première activité d'enseignement, vingt-trois (23), la deuxième a c t i v i t é d ' e n s e i g n e m e n t , v i n g t - t r o i s ( 2 3 ) , la t r o i s i è m e a c t i v i t é d'enseignement et vingt-deux (22), la quatrième activité d'enseignement. Ces écrits ont servi à l'analyse des données, analyse réalisée en utilisant la méthode des catégories émergentes (Strauss & Corbin, 1990). Ainsi, nous avons d'abord regroupé les écrits en attribuant une lettre (A, B, C, D) à chacune des activités d'enseignement, puis à chacun des futurs maîtres (ex. A - l ou C-3). Nous avons ensuite isolé chacune des activités d'enseignement. Nous avons distingué les discussions réalisées dans les groupes de base de celles des groupes d'experts. Nous avons regroupé les forces et les faiblesses identifiées par les futurs maîtres en unités de sens et ce, p o u r les groupes de base et pour les g r o u p e s The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 113 d'experts. Nous avons enfin identifié des unités de sens pour chacune des situations en ce qui concerne les trois autres questions. Après avoir c o n s t a t é q u e p l u s i e u r s unités de sens se r é p é t a i e n t p o u r ces trois questions, nous avons regroupé les quatre activités d'enseignement pour analyser les réponses obtenues à ces trois questions. En conclusion, cette étude rapporte l'analyse d ' u n e situation de formation vécue dans une classe de didactique. En effet, il nous a semblé q u ' u n e étude approfondie des propos tenus par les futurs maîtres au m o m e n t d ' u n apprentissage pourrait être riche de retombées sur nos dispositifs d'enseignement. ANALYSE DES ACTIVITÉS D'ENSEIGNEMENT DISCUTÉES EN MILIEU UNIVERSITAIRE Nous avons choisi de présenter l'analyse de chacune des pratiques d'enseignement d'abord au moment de la discussion en groupe de base, puis au moment de la discussion en groupe d'experts. La présentation successive de ces deux moments permettra au lecteur de reconnaître les conceptions qui ont émergé dans les groupes de base de m ê m e que l'approfondissement amené par la discussion qui a suivi dans les groupes d ' e x p e r t s . N o u s réserverons essentiellement nos interprétations, de même que les forces et les limites de la situation de formation comme telle, dans la section discussion. Première activité d'enseignement discutée Les élèves sont en 3e année. L'objectif visé: familiariser les élèves avec le sens de la multiplication et de la division. Le m a t é r i e l utilisé est l ' a r g e n t de Monopoly. L ' e n s e i g n a n t e donne à chaque élève environ 20 billets de 1$. L'enseignante pose le problème suivant: A l'école d'Emilie, il y a une grande cafétéria. On y sert un menu du jour. Emilie aime beaucoup manger à la cafétéria. Cette semaine, elle a décidé de manger tous les jours à la cafétéria. Chaque repas coûte 3$. C o m b i e n va-t-elle payer cette semaine? Montre comment tu as procédé. Existe-t-il d'autres moyens? Lequel de ces moyens semble le plus rapide? The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 114 L. DeBlois & N. Vézina Après la première semaine, les prix augmentent. Le menu du jour est maintenant 5$. Emilie décide alors de manger à la cafétéria 3 jours seulement. Combien va-t-elle payer pour ses repas cette semaine? Va-t-elle payer plus que la semaine précédente? Explique. Discussion Rappelons que 20 personnes nous ont remis leurs écrits sur cette activité d'enseignement. L'analyse réalisée nous permet de constater que lors de la discussion en groupe de base, plus de la moitié des futurs maîtres ont identifié comme étant une force le fait d'utiliser du matériel pour représenter la situation. Par exemple, un futur maître écrit: "Les élèves peuvent manipuler l'argent et effectuer la multiplication avec cet outil." Ce résultat confirme l'importance accordée à cette composante, comme nous l'avons constaté lors de l'analyse des discussions portant sur la phase de préparation (DeBlois et al., 1998). Ajoutons que certains d'entre eux doutent de la pertinence d'utiliser l'addition pour résoudre ce problème. Toutefois, cette composante ne retient l'attention que de 20% des futurs maîtres lors de la discussion dans le groupe d'experts. En effet, le débat semble mener la moitié des futurs maîtres à attribuer la principale force au fait de revenir sur des connaissances antérieures des élèves et de susciter l'utilisation de plusieurs stratégies. Ainsi, un futur maître écrit: "Obligé de passer par ce qu'ils connaissent pour aller vers la multiplication; [les] questions l'y obligent." Il s'agit sans doute dans ce cas à la fois d'une manifestation de l'apprentissage que nous avons voulu susciter lors de la rencontre précédente et de l'émergence d'une nouvelle prise de conscience. En ce qui concerne les faiblesses attribuées à cette activité d'enseignement, la majorité des futurs maîtres croient que le fait de ne traiter que d'une partie de l'objectif visé est une faiblesse. En outre, près du tiers des personnes croient que trop de questions sont posées. Un futur maître explique ce choix en répondant: "Existe-t-il d'autres moyens de faire et comment? L'enfant va-t-il être capable de trouver d'autres moyens? Trop de questions." Le débat en groupe d'experts ne modifie pas ces dernières conceptions de façon notable. En effet, le fait de ne pas traiter de la division et de limiter le matériel à utiliser est The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 115 retenu par près de 75% d'entre eux. Le nombre de personnes qui voient le questionnement comme une faiblesse a toutefois diminué. Devons-nous interpréter ces résultats comme une recherche de conformité à la formulation des objectifs du programme d'études? Nous reconnaissons plutôt, dans ce cas, un moment propice pour le formateur qui souhaite attirer l'attention des futurs maîtres sur les implications d ' u n e stratégie d'enseignement comme la résolution de problème et les programmes d'études. Le tableau 1 regroupe les résultats obtenus. Tableau 1 Analyse des conceptions pour la première activité d'enseignement Groupes d'experts Groupes de base Problème répresente par du matériel: Questionnement amène l'exploration: Forces 12 4 Commutativité: 2 Ensemble des éléments précédents: 1 Clartédu problème: 1 Connaissances antérieures et développement de stratégies: 12 Commutativité amenée par le questionnement: 4 Problème représente par le matériel: 4 Total des personnes: Total des personnes: 20 Ne traite pas l'objectif visé: Faiblesses 20 12 Ne traite pas l'objectif visé: 10 Trop de questions: 6 Le matériel est limité: 6 Le matériel est limité: 1 Trop de questions: 3 Aucune: 1 Aucune: 1 Total des personnes: 20 Total des personnes: 20 The Canadian journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 116 L. DeBlois & N. Vézina Deuxième activité d'enseignement discutée Les élèves sont en 4e année. L'objectif visé: se familiariser avec le sens de la multiplication et de la division. Chaque élève a une centaine de jetons. L'enseignante présente aux élèves le problème suivant: Vous êtes à une exposition. Pour gagner un jeu, vous devez avoir 36 jetons. Vous êtes 5 amis. Vous décidez de regrouper vos jetons. Chaque enfant a 6 jetons. Combien de jetons a v e z - v o u s en tout? C o m m e n t procédez vous? Existe-t-il d ' a u t r e s m o y e n s ? Lequel de ces m o y e n s semble le plus rapide? Avez-vous suffisamment de jetons pour les échanger contre le jeu? Combien manque-t-il de jetons? Que ferezvous pour obtenir le jeu? Maintenant, tu as 30 jetons. Tu les distribues à tes amis de façon que chacun en reçoive 6. A combien d'amis peux-tu distribuer tes jetons? Comment procèdes-tu? Existe-t-il d'autres moyens? Lequel de ces moyens semble le plus rapide? Discussion Les vingt-trois (23) futurs maîtres ayant discuté de cette activité d ' e n s e i g n e m e n t en g r o u p e de b a s e a t t r i b u e n t de n o u v e a u , majoritairement, l'utilisation de matériel comme étant la principale force. La discussion en groupes d'experts semble toutefois les amener à r e v o i r c e t t e p o s i t i o n p o u r s ' a t t a r d e r p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t à la compréhension de l'opération de multiplication. Par exemple, un futur maître précise la relation qu'il a reconnue entre la multiplication et la division en écrivant: "Problèmes en relation avec les objectifs. Les deux problèmes se complètent. Les propriétés de la x et de la Pour ce qui est des faiblesses, à nouveau près des deux tiers des f u t u r s m a î t r e s c r o i e n t que le n o m b r e de q u e s t i o n s p l a n i f i é e s est problématique. "Trop de questions dans le problème. L'élève peut être d é s t a b i l i s é , " é c r i t un f u t u r m a î t r e . D e u x e x p l i c a t i o n s s e m b l e n t apparaître. D ' u n e part, la formulation de questions déstabilise l'élève. D'autre part, susciter une déstabilisation des connaissances de l'élève The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 117 revient à placer ce dernier dans une situation non souhaitable. Cette conception demeure lors de la discussion dans le groupe d'experts. Le tableau 2 donne l'ensemble des résultats obtenus. Troisième activité d'enseignement discutée. L'activité concerne la classe de 5e année. L'objectif visé est de familiariser les élèves avec le sens de la multiplication et de la division. Les élèves peuvent utiliser des crayons de couleur pour illustrer les situations. L'enseignante présente aux élèves le problème suivant: Trois garçons et quatre filles veulent danser. Chaque garçon veut danser avec chaque fille et chaque fille avec chaque Tableau 2 Analyse des conceptions pour la deuxième activité d'enseignement Groupes de base Forces Faiblesses Groupes d'experts Problème répresente par du matériel: 9 Créer des liens entre les opérations: 4 Connaissances antérierures: 4 Questions: 3 Problème clair: 2 Problèmes en relation avec l'objectif visé: 1 Total des personnes: 23 Compréhension des opérations: 16 Connaissances antérierures: 3 Stratégies de résolution variées: 4 Total des personnes: 23 Trop de questions: Trop de matériel: Trop facile: Ne traite pas l'objectif visé: Aucune faiblesse: Aucune réponse: Total des personnes: 15 2 2 Trop de questions: Trop d'opérations: Trop de matériel: 15 5 3 1 1 2 23 Total des personnes: 20 The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 118 L. DeBlois & N. Vézina garçon. Combien y a-t-il de couples possibles? L'enseignante invite les élèves à imaginer un dessin qui pourrait décrire la situation. Montre comment tu as procédé. Existe-t-il d'autres moyens? Lequel de ces moyens semble le plus rapide? Discussion Durant la discussion en groupe de base, plus de 80% des vingt-trois (23) f u t u r s maîtres qui se sont attardés à cette activité attribuent la principale force à l'utilisation du dessin pour représenter le problème. Par exemple, un futur maître écrit: "Dessiner la situation facilitera la compréhension." Il s'agit donc, de nouveau, d ' u n intérêt marqué pour l'utilisation de matériel. La discussion en groupe d'experts confirme cette position sans toutefois que cette tendance ne soit aussi importante que dans les deux premières activités d'enseignement. De nouvelles unités de sens émergent. Moins de la moitié des futurs maîtres semblent prendre conscience que les élèves pourraient présenter des stratégies de résolution variées et que les élèves pourraient trouver eux-mêmes. Ainsi, une fois que le produit cartésien est reconnu comme étant un des sens de la multiplication, la discussion pourrait permettre aux futurs maîtres de r e c o n n a î t r e que la diversité des procédures réalisées par les élèves devient une force. Un futur maître écrit: "Petit nombre utilisé. Illustration du problème. Permet de voir plusieurs façons de faire le problème." Dans le cas où ces deux thèmes seraient regroupés, nous pourrions conclure que le groupe d ' e x p e r t s a permis de discuter de l ' a c t i v i t é d ' e n s e i g n e m e n t en p r e n a n t en c o m p t e l ' i m p o r t a n c e de l'activité de l'élève, mais pour moins de la moitié de ces futurs maîtres. La principale faiblesse de cette activité d'enseignement est attribuée, par plus de 75% des futurs maîtres, au fait de ne pas traiter la division. Notons que parmi eux, certains ne voient pas d'opération de multiplication au moment de la discussion dans le groupe de base, comme nous nous y attendions. Ainsi, un futur maître écrit: "Pas de présence de la division et mauvais exemple pour la multiplication." Très peu de personnes ont soulevé le fait qu'il y ait plusieurs questions. Ces résultats se sont cristallisés autour du thème "ne traite pas de l'objectif visé" durant la discussion en groupe d'experts. Le tableau 3 donne le détail des résultats obtenus. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 119 Tableau 3 Analyse des conceptions pour la troisième activité d'enseignement Groupes d'experts Groupes de base Forces Illustrer le problème par un dessin: 20 Questionnement: 1 Connaissances antérieures: 1 Les élèves trouvent eux-mêmes: 1 Total des personnes: Faiblesses Ne traite pas l'objectif visé: Trop de questions: Trop facile our trop difficile: Carté de l'énoncé Aucune: Total des personnes: 23 Illustrer par un dessin: Les élèves trouvent eux-mêmes: 12 3 Stratégies de résolution variées: 7 Connaissances antérieures: 1 Total des personnes: 23 Ne traite pas 14 2 3 1 3 23 l'objectif visé: 23 Quatrième activité d'enseignement à discuter (contre-exemple) Total des personnes: 23 L ' a c t i v i t é se d é r o u l e en 4e année. L ' o b j e c t i f visé est de s u s c i t e r la c o m p r é h e n s i o n du s e n s d e la d i v i s i o n . L'enseignante privilégie les jetons comme matériel. L ' e n s e i g n a n t e p o s e le p r o b l è m e s u i v a n t : Trois e n f a n t s partagent 15 pommes. Combien de pommes chaque enfant reçoit-il? L ' e n s e i g n a n t e prend ensuite 15 j e t o n s et fait un premier ensemble de 3 jetons, ensuite un autre de 3 autres jetons et ainsi de suite. Elle compte ensuite le nombre de groupements de 3 jetons. Elle trouve 5. Elle donne aux élèves le m ê m e problème avec les nombres suivants: 60 et 4. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 120 L. DeBlois & N. Vézina Discussion De nouveau, la discussion en groupe de base amène 75% des vingtdeux (22) futurs maîtres à considérer l'utilisation d'un matériel comme une force. En outre, ils attribuent une force au fait que l'enseignante offre une démonstration de la procédure aux élèves. Un futur maître écrit: " L a modélisation, la visualisation o f f e r t e par l ' e n s e i g n a n t e . " Toutefois, seulement la moitié d'entre eux reconnaissent une confusion entre le sens partage du problème et le sens mesure de la manipulation offerte par l'enseignante. Cela ne nous surprend guère, comme nous l ' a v o n s déjà évoqué. La discussion en groupes d'experts semble les sensibiliser à cette erreur, ce qui montre l'apport de cette modalité d ' i n t e r v e n t i o n dans l ' a p p r o f o n d i s s e m e n t des contenus à enseigner. "L'enseignante fait la démonstration avec des ensembles de 3, alors que le problème suggère plutôt de répartir les éléments en 3 groupes (de 5, évidemment) et non 5 groupes de 3 éléments (pommes)." écrit un futur maître. Toutefois, aucun nouveau thème n'émerge de cette deuxième discussion. Il semble donc que la clarification du contenu mathématique ait occupé tout l'espace et tout le temps de discussion. Le tableau 4 rapporte l'ensemble des catégories qui ont émergé de l'analyse. Tableau 4 Analyse des conceptions pour la quatrième activité d'enseignement Groupes de base Forces Faiblesses Problème représenté par le matériel: Démonstration: Grandeur des nombres: Total des personnes: Groupes d'experts 16 5 1 22 Confusion de sens: 10 Faire une démonstration: 5 Grandeur des nombres: 3 Matériel choisi: 4 Total des personnes: 22 The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 Problème représenté par le matériel: Rien: 20 2 Total des personnes: 22 Confusion de sens: Démonstration et confusion de sens: 16 Total des personnes: 22 6 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 121 Synthèse des forces et des faiblesses pour les quatre activités d'enseignement En réalisant une synthèse de ces résultats, nous constatons que les d i s c u s s i o n s en g r o u p e de base a m è n e n t 6 5 % des f u t u r s m a î t r e s à considérer c o m m e une force le fait d'illustrer la situation avec un matériel ou un dessin. Un ensemble d'autres thèmes émergent de façon moins importante: le questionnement offert aux élèves, l'importance à accorder aux c o n n a i s s a n c e s antérieures, les actions posées sur des e n s e m b l e s d ' o b j e t s pour introduire la multiplication, la création de relations entre les opérations de multiplication et de division. Ces résultats donnent le portrait d ' u n e première conception à l'égard des scénarios d'enseignement proposés. Les discussions en groupes d'experts semblent enrichies par de n o u v e a u x t h è m e s . T o u t e f o i s , dans le cas de la t r o i s i è m e et de la quatrième activité d'enseignement ces nouveaux thèmes n'apparaissent p a s . Il se p e u t que la d i s c u s s i o n n ' a i t porté que sur ce qui p o s a i t p r o b l è m e : le s e n s p r o d u i t c a r t é s i e n p o u r la t r o i s i è m e a c t i v i t é d ' e n s e i g n e m e n t et la présence des deux sens de la division dans la quatrième activité d ' e n s e i g n e m e n t . Ces confusions liées au contenu m a t h é m a t i q u e o n t été r é s o l u e s s a n s p e r m e t t r e s i m u l t a n é m e n t d ' a p p r o f o n d i r le thème relatif à l'utilisation du matériel. En ce qui concerne les deux premières activités d'enseignement, de nouvelles unités de sens émergent, plus particulièrement en ce qui c o n c e r n e l ' a c t i v i t é de l ' é l è v e : les connaissances antérieures des élèves et le développement des stratégies de résolution par les élèves. Ces deux thèmes ont été regroupés car ils apparaissent souvent simultanément pour près du tiers d'entre eux. Le développement de la compréhension de concepts retient l'attention de moins d ' u n cinquième des futurs maîtres. Le tableau 5 donne les résultats obtenus. En somme, l'apport d'une deuxième discussion laisse apparaître de n o u v e l l e s c o n c e p t i o n s r e l a t i v e m e n t à une activité d ' e n s e i g n e m e n t m e t t a n t en scène les c o n c e p t s de m u l t i p l i c a t i o n et de division: la compréhension tient une place en mathématiques, l'illustration d ' u n p r o b l è m e p o u r r a i t faciliter cette c o m p r é h e n s i o n , cette illustration The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 122 L. DeBlois & N. Vézina Tableau 5 Synthèse de forces identifiées par l'ensemble des futurs maîtres3 Groupes de base Problème représenté par un matériel: Questionnement: Connaissances antérieures: Démonstration: Créer des liens entre les opérations: Clarté du problème: Commutativité: Problèmes en relation avec l'objectif: Grandeur des nombres: Ensemble d'éléments: Groupes d'experts 65% 9% 6% 6% 5% 3% 2% 1% 1% 1% Problème représenté par le matériel: Connaissances antérieures et développement de stratégies de résolution: Compréhension des opérations: Les élèves trouvent eux-mêmes: Commutativité amené questionnement: Aucune: 41% 30% 18% 3% 5% 2% f a c i l i t e r a i t l ' é m e r g e n c e d e s c o n n a i s s a n c e s a n t é r i e u r e s et le développement de stratégies de résolution chez les élèves. Rappelons que ces nouvelles conceptions n'apparaissent que dans le cas où les a c t i v i t é s d ' e n s e i g n e m e n t ne p o s e n t pas de p r o b l è m e de c o n t e n u mathématique. D ' a u t r e part, la rencontre qui a précédé cette étude a suscité une discussion sur la phase de préparation, phase dans laquelle un accent est mis sur le thème "connaissances antérieures des élèves". L'étude du tableau 5 montre que ce thème a été retenu par 6% des futurs maîtres dans les groupes de base et par 30% d'entre eux dans les groupes d'experts. Il est possible que les futurs maîtres cherchent à intégrer au débat les connaissances nouvellement acquises. D e u x a s p e c t s sont à é v i t e r au m o m e n t de v i v r e des a c t i v i t é s d ' e n s e i g n e m e n t p o u r les f u t u r s maîtres: l ' a b s e n c e de c o n f o r m i t é à l'objectif visé (28%) et le fait de poser des questions aux élèves (26%). Si la discussion en groupe d'experts a pu provoquer un enrichissement au plan du contenu mathématique, elle n ' a pas permis d'approfondir ni de remettre en question les faiblesses déjà identifiées. Ainsi, 38% des The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 123 futurs maîtres considèrent toujours c o m m e une faiblesse le fait de ne pas avoir traité, en tout ou en partie, de l'objectif visé alors que 2 0 % des futurs maîtres croient toujours que trop de questions sont posées. N o u s p o u r r i o n s p o s e r d e u x h y p o t h è s e s à l ' é g a r d de ces résultats. La conformité aux objectifs pourrait être le reflet de l'importance à réaliser un enseignement correct du point de vue des futurs maîtres. En outre, il est possible que certains futurs maîtres aient une intuition selon laquelle le questionnement peut être vu comme une façon de guider les élèves. Toutefois, ils ne sont pas en mesure d'articuler une argumentation qui pourrait influencer l'ensemble des futurs maîtres. Le tableau 6 illustre l'ensemble des résultats obtenus. En conclusion, il semble qu'une phase de réalisation, où un problème suivi de questions est proposé, laisse émerger une conception selon laquelle le questionnement peut poser problème aux élèves: il est donc considéré indésirable. En outre, nous pourrions retenir que, pour eux, le respect d'un objectif correspond à leur conception d'une bonne activité d'enseignement. Tableau 6 Synthèse de faiblesses identifiées pour l'ensemble des futurs maîtres Groupes d'experts Groupes de base Ne traite pas de l'objectif: 31% Trop de questions: 26% Confusion de sens: 11% Trop ou limite de matériel: 7% Trop facile our trop difficile: 6% Faire une démonstration: 6% Grandeur des nombres: 3% Aucune réponse: 6% Aucune: 3% Clarté de l'énoncé: 1% Ne traite pas de l'objectif: 38% Trop de questions: Confusion de sens: Matériel limité ou trop de matériel: Démonstration et confusion de sens: 20% 18% 10% 7% Trop d'opérations: 6% Aucune: 1% The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 124 L. DeBlois & N. Vézina Ces quatre activités d'enseignement suscitent chez les élèves... N o u s avons demandé aux futurs maîtres, en groupes de base, ce qu'ils croient possible de développer chez les élèves en proposant de t e l l e s s i t u a t i o n s d ' a p p r e n t i s s a g e . P r è s de 7 5 % d ' e n t r e e u x r e c o n n a i s s e n t q u e le d é v e l o p p e m e n t d ' u n e c o m p r é h e n s i o n d e s c o n c e p t s m a t h é m a t i q u e s est suscité. Par exemple, un f u t u r m a î t r e écrit: "Des habiletés à travailler avec du matériel pour concevoir le concept de division (ou autre opération). De leur faire voir que la division peut se travailler avec du concret au semi-concret. Ainsi, des habiletés à imaginer dans sa tête la situation avec la manipulation du p r o b l è m e . " Parmi ces derniers, 15% croient que nous cherchons à s u s c i t e r l ' é v o l u t i o n de la c o m p r é h e n s i o n des e n s e m b l e s v e r s les o p é r a t i o n s c o m m e l ' e x p l i q u e l ' u n d ' e u x : " L e concept d ' e n s e m b l e pour enseigner la multiplication et en venir au concept de division. A d d i t i o n répétée." Enfin, 17% des futurs maîtres croient que nous suscitons le développement de stratégies de résolution chez les élèves. A i n s i , l ' u n d ' e u x écrit: " C a p a c i t é de t r o u v e r des s t r a t é g i e s p o u r résoudre plus facilement les divisions." Le tableau 7 donne un aperçu de l'ensemble des résultats. Tableau 7 Identification de l'apport des activités d'enseignement Le développement d'une compréhension des concepts mathématiques 59% L'évolution des ensembles vers les opérations 16% Le développement de stratégies de résolution chez les élèves 17% La création de liens entre le vécu des élèves et les mathématiques 4% La notion d'ensembles 3% Pas de réponse 1% The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 125 Que retenez-vous pour l'enseignement de cette notion? C e t t e q u e s t i o n v i s a i t à i d e n t i f i e r c o m m e n t les f u t u r s m a î t r e s conçoivent leur rôle dans la classe. Nous leur avons posé la question suivante: "Que retenez-vous pour l'enseignement de cette notion?" Le tiers des personnes ont répondu qu'ils accorderont une importance aux relations à créer entre les opérations. Un futur maître s'exprime ainsi: " L a multiplication et la division doivent être traitées parallèlement." Vingt-huit pour cent écrivent q u ' e l l e s se préoccuperont de l ' a s p e c t concret en utilisant soit un matériel soit le vécu des élèves. Les autres réponses se distribuent entre un enseignement vu dans une perspective plus constructiviste (guider les élèves par des questions, se préoccuper des connaissances antérieures des élèves ou placer les élèves en activité 21%) et, dans une moindre mesure, un enseignement vu comme une démarche d'explication (la clarté des propos à tenir aux élèves et les explications à leur donner 11%). Il semble donc que plus de la moitié des futurs maîtres se préoccupent d'abord du contenu mathématique a v a n t de s ' a t t a r d e r à des p r i n c i p e s d ' e n s e i g n e m e n t . Le t a b l e a u 8 regroupe les informations recueillies. Tableau 8 Conceptions du rôle de l'enseignant our de l'enseignante Créer des liens entre les opérations 33% Le matériel ou le vécu des élèves 28% La clarté des propos et des explications à donner aux élèves 11 % Guider par des questions 10% Connaissances antérieures 6% Ensemble des précautions 5% Placer les élèves en activités 5% Se concentrere sur les notions plutôt que sur la situation 1% Rien 2% The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 126 L. DeBlois & N. Vézina En somme, seulement 26% des futurs maîtres conçoivent leur rôle dans u n e p e r s p e c t i v e constructiviste. En nous r é f é r a n t aux t h è m e s relatifs à la création de relations entre les opérations et entre le vécu des élèves, nous constatons que 61% d'entre eux s'attardent au sens à donner aux c o n c e p t s m a t h é m a t i q u e s . La conception qui veut q u ' e n s e i g n e r corresponde à expliquer n'est retenue que par 11% des futurs maîtres. Que retenez-vous pour l'apprentissage de cette notion? La dernière question visait à identifier comment les futurs maîtres conçoivent le rôle des élèves. Nous leur avons posé la question suivante: "Que retenez-vous pour l'apprentissage de cette notion?" De nouveau, l'utilisation du matériel (38%) émerge de façon importante, suivi de près par l'identification des connaissances antérieures pertinentes chez les é l è v e s (28%>). N o u s c r o y o n s q u e la m a n i f e s t a t i o n d ' u n i n t é r ê t à reconnaître les connaissances antérieures des élèves pourrait devenir une e n t r é e p o u r la m i s e en œ u v r e d ' u n q u e s t i o n n e m e n t . T o u t e f o i s , l ' e x p l o r a t i o n de la part de l'élève, exploration qui permettrait à ce dernier de développer de nouvelles stratégies, ne retient explicitement l'attention que de 19% des futurs maîtres, ce qui nous semble paradoxal. Il est possible que le fait de mentionner l'importance de l'utilisation du matériel implique, pour eux, une exploration de la part des élèves. Le tableau 9 regroupe l'ensemble des résultats obtenus. Tableau 9 Conceptions des rôles de l'élève Le matériel 38% Connaissances antérieures chez les élèves 28% Choix des stratégies et l'exploration de la part de l'élève 19% Créer des liens entre les opérations 6% Leçons doivent être simples et concrètes 3% Questions à formuler 3% Croient que ces concepts son plus longs à acquérir que + et - 1% Pas de réponse 2% The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 127 Ainsi, il semble que l'ensemble des futurs maîtres se préoccupe essentiellement de l'utilisation du matériel. L'identification des thèmes, c o n n a i s s a n c e s a n t é r i e u r e s et e x p l o r a t i o n des é l è v e s p o u r susciter l ' a p p r e n t i s s a g e de cette notion, pourrait être interprété c o m m e une manifestation des rôles de l'enseignant et de l'élève simultanément. L'émergence de ces deux pôles, au même moment, pourrait générer une tension cognitive chez les futurs maîtres. DISCUSSION ET IMPLICATIONS PÉDAGOGIQUES N o u s n o u s s o m m e s p o s é s les q u e s t i o n s s u i v a n t e s : Q u e l l e s c o n c e p t i o n s les f u t u r s m a î t r e s e x p l i c i t e n t - i l s au m o m e n t d ' u n e discussion sur une phase de réalisation? Puisque, au m o m e n t de la discussion sur une phase de préparation les futurs maîtres croient qu'il est souhaitable de limiter les difficultés à présenter, comment le concept d e r é s o l u t i o n de p r o b l è m e s e s t - i l c o m p r i s à t i t r e de s t r a t é g i e d ' e n s e i g n e m e n t ? C o m m e n t r é a g i s s e n t - i l s à u n e p l a n i f i c a t i o n qui présente des questions plutôt qu'une démarche d'explication linéaire? Nos résultats laissent apparaître certaines conceptions à l'égard de ce type d'activité d'enseignement. Dans un premier temps, comme cela a été le cas chez les enseignants et les enseignantes en exercice (Bednarz, 2000), les futurs enseignants s'attardent au contenu mathématique. L ' i l l u s t r a t i o n du p r o b l è m e p a r un m a t é r i e l t i e n t alors u n e p l a c e importante. Les discussions en groupe d'experts ne semblent susciter un approfondissement que dans le cas où le contenu mathématique ne pose plus de problème aux futurs maîtres. A ce moment, leur attention est attirée par le développement de la compréhension chez les élèves. Les discussions en groupe d'experts n'ont pas permis de remettre en question les faiblesses déjà identifiées comme l'absence de conformité aux objectifs d'apprentissage ou le questionnement. Les discussions en g r o u p e d ' e x p e r t s ont laissé apparaître une utilisation stricte de la situation d'apprentissage en regard de l'objectif à traiter. Il semble donc y avoir une recherche de conformité au curriculum qui pourrait créer une première tension chez les futurs maîtres au moment d'une expérience en classe. En e f f e t , u n e s t r a t é g i e d ' i n t e r v e n t i o n p a r la r é s o l u t i o n de The Canadian journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 128 L. DeBlois & N. Vézina p r o b l è m e s n é c e s s i t e d ' i n t e r p r é t e r les o b j e c t i f s en les r e g r o u p a n t , éventuellement, différemment de la façon dont ils sont élaborés dans les programmes d'études. Attardons-nous davantage au questionnement. T h o m p s o n (1984) révèle que les croyances des futurs maîtres du p r i m a i r e sont s e m b l a b l e s à celles des " m a t h o p h o b e s . " N o u s expliquerions leur appréhension différemment. Les discussions semblent avoir conduit les futurs maîtres à concevoir leur rôle comme étant celui qui p e r m e t aux é l è v e s de créer des relations entre les o p é r a t i o n s . R a p p e l o n s que plus de la moitié des futurs maîtres se p r é o c c u p e n t d'abord du contenu mathématique avant de s'attarder à des principes d'enseignement. Cette conception pourrait les conduire à entretenir un mythe: l'enseignant doit détenir toutes les réponses. Que signifie détenir toutes les réponses? Les réponses aux questions de contenu disciplinaire ou les interventions par rapport à une procédure imprévue de l'élève. Un g l i s s e m e n t de sens a p p a r a î t r a i t entre le c o n t e n u à e n s e i g n e r et le "comment"enseigner. En effet, le " c o m m e n t " enseigner devient une réponse à une question professionnelle. Les futurs maîtres exprimeraient donc plutôt une insécurité par rapport aux réactions à adopter devant une réponse imprévue d ' u n élève. En effet, que faire avec la réponse de l ' é l è v e ? R é p o n d r e à cette question, c ' e s t concevoir l ' a p p r e n t i s s a g e comme un processus. T o u t e f o i s , les f u t u r s m a î t r e s e x p r i m e n t plutôt u n e c o n c e p t i o n " m a g i q u e " de l'apprentissage. En effet, l'élève utilise du matériel et laisse émerger les connaissances antérieures pertinentes à la résolution du problème. L'identification de ces thèmes pourrait être interprétée c o m m e une assimilation des rôles de l'élève à ceux de l'enseignant. L'émergence de ces deux pôles, au même moment, pourrait générer une deuxième tension chez les futurs maîtres puisqu'ils ne distinguent pas vraiment le rôle de l'élève de celui de l'enseignant. C a r p e n t e r et F e n e m a ( 1 9 8 9 ) a v a i e n t c o n s t a t é c o m m e n t u n e c o n n a i s s a n c e a p p r o f o n d i e de la p e n s é e des élèves p e r m e t t a i t a u x enseignants de les questionner et d'être à l'écoute de leurs réponses. Il semble que les futurs maîtres cheminent plutôt à partir de la façon dont ils imaginent les manipulations que les élèves réalisent avec du matériel. Ainsi, à partir d'une discussion portant sur l'illustration d'un problème The Canadian Journal ofHigher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 129 émergeraient les thèmes relatifs au développement de la compréhension des élèves (connaissances antérieures des élèves et au développement de stratégies de résolution facilitant une compréhension). Leurs expériences d'élèves pourraient avoir une grande influence dans cette démarche. L'hypothèse selon laquelle des discussions entre des futurs maîtres sur des activités d ' e n s e i g n e m e n t déjà planifiées les conduiraient à q u e s t i o n n e r leur conception de l ' e n s e i g n e m e n t des m a t h é m a t i q u e s semble confirmée en partie. En effet, nous avons pu reconnaître l'apport de la d i s c u s s i o n en g r o u p e d ' e x p e r t s à certaines conditions. Pour chacune des activités d ' e n s e i g n e m e n t , la lecture des tableaux nous p e r m e t de c o n s t a t e r q u ' u n t h è m e a été p r i v i l é g i é : l ' u t i l i s a t i o n du matériel. Les futurs maîtres ont ensuite exploré, en groupe d'experts, d'autres thèmes comme la diversité des procédures des élèves, puis la nécessité de l'activité des élèves, mais seulement dans le cas où le c o n t e n u m a t h é m a t i q u e ne poserait pas de p r o b l è m e . Ces résultats confirment donc l'hypothèse de Wideen, Mayer-Smith et Moon (1998) qui reconnaissaient l'influence de l'apprentissage coopératif et du jeu entre les concepts présents dans les problèmes proposés. Toutefois, ces discussions ont des limites à deux moments. En effet, dans le cas où le contenu mathématique devrait être clarifié et dans celui où l'attention d e s f u t u r s m a î t r e s e s t a t t i r é e sur les f a i b l e s s e s d ' u n e a c t i v i t é d'enseignement, les conceptions semblent se cristalliser. L e s m o m e n t s de t e n s i o n i d e n t i f i é s p o u r r a i e n t n o u s g u i d e r au moment de formuler des implications pédagogiques. La recherche de conformité au curriculum qui peut créer un conflit avec une stratégie d ' i n t e r v e n t i o n p a r la r é s o l u t i o n de p r o b l è m e s , de m ê m e q u e l'assimilation des rôles de l'élève à ceux de l'enseignant, nous invitent à p r é c i s e r les q u e s t i o n s à p r o p o s e r aux f u t u r s m a î t r e s d u r a n t leurs discussions. Ainsi, il semble préférable de susciter des discussions sur ce qu'ils considèrent comme une force: l'utilisation d'un matériel didactique et sa pertinence dans le développement de la compréhension de l'élève. En effet, une discussion portant sur les faiblesses n'apporte pas les résultats escomptés. Ce n'est que par la suite que l'étude des procédures et des réflexions d ' u n élève qui présente des difficultés deviendrait nécessaire à la réalisation de l'activité d'enseignement dans The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 130 L. DeBlois & N. Vézina une classe. Cette étude de la pensée de l'élève pourrait leur permettre, dans un premier temps, de distinguer le rôle qu'ils auront à jouer de celui qu'ils ont toujours joué. Dans un deuxième temps, cette étude pourrait les s é c u r i s e r d e v a n t des r é a c t i o n s i m p r é v u e s d ' é l è v e s . Le questionnement pourrait être vu différemment. Toutefois, ces discussions devront être complétées afin d'amener les futurs maîtres à cerner les implications d ' u n e telle modalité d'intervention plus particulièrement sur le plan des contraintes d'une classe. En n o u s intéressant à l'explicitation des conceptions des futurs m a î t r e s du p r i m a i r e au début de leur formation, nous avons voulu comprendre comment ils conçoivent la résolution de problèmes comme stratégie d'intervention. Une telle explicitation nous permet d'apporter des éléments de réponses aux questions relatives à la construction de savoirs et de pratiques à l'université. En effet, une explicitation des c o n c e p t i o n s a p p o r t e c e r t a i n e s r é p o n s e s à la q u e s t i o n du t y p e de didactique à présenter à l'université. U n e didactique qui conduit les futurs maîtres à interpréter ce qui se passe dans une classe pour créer leurs interventions.^ Les notes 1 Dans le cadre de cette étude, l'expesssion conception est ici privilégiée à celle de représentation comme le porposent Jonnaert et Van der Borght (2000). En effet, la notion de représentation peut être confondue avec celle de représentations sociales. Pour cette raison, les idées et les croyances des futurs maîtres relativement aux concepts mathématiques, mais aussi aux idées et aux croyances relativement à leur enseignement et leur apprentissage seront intégrées à l'intérieur du vocable conception. ^ Nous avons choisi de présenter les quatre activités d'enseignement dans la section analyse afin d'éviter des redondances et de faciliter la lecture et la compréhension des analyses sans devoir retourner sans arrêt à la section méthode. ^ En transformant nos résultats en pourcentage, nous avons complété à l'unité lorsque nous obtenions 0,5, ce qui explique que certains tableaux donnent un total de oo$ plutôt que 100%. The Canadian Journal of Higher Education Volume XXXI, No. 2, 2001 L'évolution du contrat social de la recherche universitaire 131 Références Bednarz N., Gattuso L., & Mary, C. (1997). Changes in student teacher views of the mathematics teaching/learning process at the secondary school. 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