T h e Canadian Journal of H i g h e r Education, Vol. XXIII-1, 1993 L a revue canadienne d'enseignement supérieur, Vol. XXIII-1, 1993 Les indicateurs du financement privé de la R - D universitaire au Québec: Critique de la méthode MICHEL LECLERC* & YVES GINGRAS+ Résumé La mesure du financement privé de la R-D universitaire plus à la confusion, données, censées de même au fur que les définitions en rendre compte. de cette question. l'entreprise et à mesure usuelles, traditionnelle? financement l'instant R-D privé de la RDU Mais, par en évaluer le phénomène de risque l'ampleur, relayé en revanche en partie paramètres le véritable qu'on sur le et financement la est si récent, en particulier, i.e. l'impact de méthodes tissés entre l'université réelle. Sans doute de nouveaux ont-ils à vrai dire, capital les les principaux financiers depuis une décennie, privé a peu varié en terme d'intensité financement les sources ou qu 'évoluent Ce texte tente de clarifier S'il est vrai que les flux se sont intensifiés (RDU) prête de plus en que se multiplient modes de commandite s'agissant du ne sait pas pour financement de la definitions and universitaire. Abstract With the multiplication methods R&D of calculation, (HERD) of data sources, the measurement has become a difficult, the use of different of the private investment not to say confusing, in University task. This paper *Michel Leclerc est responsable du Service des indicateurs de politique scientifique au Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, 1033, De La Chevrotière, Edifice Marie-Guyant, Aile René-Lévcsque, 4e étage, Québec, Québec, G1R 5K9. ^Yves Gingras est professeur au Département d'Histoire de l'Université du Québec à Montréal et chercheur au CREDIT, C.P. 8888, Succ. A, Montréal, H3C 3P8. Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 75 seeks to clarify the main aspects of this problem. Though it is true that University-industry relations have intensified over the last ten years, private investment in HERD has a tendency to stagnate when evaluated as a proportion of business expenditures on R&D (BERD). Though new modes of financing have appeared in addition to the usual contracting practices, like the use of venture capital, it is a recent phenomenon and it is important to measure their impact on university R&D. Jusqu'à la fin des années 1970, le financement des activités de recherche et développement ( R - D ) incombait prioritairement aux pouvoirs publics et aux entreprises. A partir des années 1980, le secteur des entreprises a supplanté les pouvoirs publics en tant que principal bailleur de fonds de la recherche et du développement (R-D) dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Ce constat, posé par l ' O C D E dès le début des années 1980', s'est trouvé raffermi au cours de la présente décennie. S ' a g i s s a n t du niveau et de l ' é v o l u t i o n des r e s s o u r c e s de la R - D , la p r é d o m i n a n c e de l ' e n t r e p r i s e n ' e s t plus c o n t e s t a b l e : a u j o u r d ' h u i , p o u r emprunter les termes de Bruno Latour, 2 « l a recherche-développement est d ' a b o r d une affaire i n d u s t r i e l l e . » Au Québec, en 1990, plus de 50% des dépenses de R - D provenaient du secteur des entreprises, tandis que pris de 60% des activités de recherche étaient exécutées par lui. C'est donc dans ce contexte de transfert de p r é d o m i n a n c e du f i n a n c e m e n t des activités de R - D , que l'entreprise a été appelée à contribuer davantage au financement de la recherche universitaire. En subordonnant, au milieu des années 1980, le financement des organismes subventionnaires et de la recherche universitaire à l'exigence d'une meilleure articulation d'ensemble du système de recherche, en particulier par l ' i n t e n s i f i c a t i o n d e s é c h a n g e s e n t r e l ' u n i v e r s i t é et l ' e n t r e p r i s e , les g o u v e r n e m e n t s espéraient entraîner un accroissement des flux f i n a n c i e r s intersectoriels. C e t t e o p t i o n d e s g o u v e r n e m e n t s en v u e d ' u n r a p p r o c h e m e n t u n i v e r s i t é - e n t r e p r i s e repose g é n é r a l e m e n t sur une c o n v i c t i o n puissante: l'université peut contribuer à stimuler le processus d'innovation industrielle. Cette contribution est aujourd'hui largement démontrée. Selon une enquête réalisée par E. Mansfield auprès de 76 responsables de la recherche dans des firmes de sept secteurs, environ 11% des produits et 9% des procédés n'auraient pas été mis au point sans l'apport de la recherche universitaire. Mansfield e s t i m e à 7 , 2 m i l l i a r d s de d o l l a r s les é c o n o m i e s r é s u l t a n t des p r o c é d é s d é v e l o p p é s g r â c e à la R - D u n i v e r s i t a i r e . S a n s r e c h e r c h e u n i v e r s i t a i r e , 76 Michel Leclerc & Yves Gingras estimaient par ailleurs ces responsables de la recherche, il aurait fallu en moyenne neuf années supplémentaires pour mettre sur le marché ces produits ou mettre en oeuvre ces procédés. 3 Ce qui est n o u v e a u , c ' e s t m o i n s la p a r t i c i p a t i o n de l ' e n t r e p r i s e au financement des activités de recherche de l'université que sa contribution à des échelles sans précédent. Du moins vit-on sous l'impression durable que tels sont les faits. Pourtant, l'intensité de l'effort de R - D industrielle reste modeste: en 1989, les dépenses de R - D des entreprises du Québec ne représentaient guère plus de 0,84% du produit intérieur brut (PIB), comparativement à 0,97% en Ontario et à plus de 2% aux États-Unis, en Allemagne fédérale et en Suède. Par ailleurs, le tissu industriel québécois est en grande partie composé de petites et moyennes entreprises (PME), peu ou pas engagées en R - D . En 1987, 82,1% des entreprises manufacturières du Québec étaient constituées de PME où était c o n c e n t r é le tiers de la m a i n - d ' o e u v r e m a n u f a c t u r i è r e en R - D . En fait, seulement 857 des 11,183 entreprises manufacturières du Québec réalisaient des travaux de R - D cette année-là et 734 à peine si l'on exclut les entreprises comptant moins d ' u n c h e r c h e u r - année. Il s'ensuit que moins de 7% des e n t r e p r i s e s m a n u f a c t u r i è r e s é t a i e n t r é e l l e m e n t a c t i v e s en R - D . " P o u r schématique que puisse paraître ce survol de la capacité de recherche du secteur industriel québécois, il n'en caractérise pas moins la nature et le potentiel des partenaires avec lesquels l'université cherche de plus en plus à s'associer. M a i s q u e l l e est l ' a m p l e u r r é e l l e du f i n a n c e m e n t p r i v é d e la R - D universitaire (RDU) au Q u é b e c ? La réponse à cette question apparaît fort fluctuante, ainsi que nous l'avons déjà observé. 5 Est-il exact, par exemple, que ce f i n a n c e m e n t équivaut à 17,6% du f i n a n c e m e n t global de la recherche universitaire ainsi qu'on l'affirme parfois? 6 Que penser par ailleurs de cette récente étude de l ' O C D E qui situe le Canada, et par conséquent le Québec, en tête des pays industrialisés quant à la part de la R - D universitaire financée par le secteur privé? 7 On peut se demander, finalement, si cet indicateur constitue u n e m e s u r e v a l i d e de l ' i n t e n s i t é des i n v e s t i s s e m e n t s p r i v é s en m i l i e u universitaire? Ce texte cherche à répondre à ces questions de trois façons: premièrement, en explicitant la portée véritable des indicateurs qui servent à mesurer la c o n t r i b u t i o n du s e c t e u r p r i v é au f i n a n c e m e n t de la R - D u n i v e r s i t a i r e ; deuxièmement, en clarifiant le contenu des différentes sources statistiques; troisièmement, en comparant les données entre elles et en les désagrégeant au besoin. Les indicateurs du f i n a n c e m e n t privé de la R - D universitaire au Q u é b e c 1. 77 Des sources statistiques contradictoires Au Québec, l'évaluation des revenus de la recherche universitaire s'effectue à partir de trois bases de données distinctes: les statistiques financières des universités et collèges du Canada compilées par l'Association canadienne du personnel administratif universitaire (ACPAU); les estimations des dépenses canadiennes au titre de la R - D nationale réalisées par Statistique Canada; et, enfin, les statistiques sur la recherche subventionnée et commanditée dans les universités du Québec compilées par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche universitaire (DGERU) du ministère de l ' E n s e i g n e m e n t supérieur et de la Science (MESS). Chacun de ces organismes établit ses propres catégories de pourvoyeurs de fonds. Cette liste n'est donc pas uniforme d'une source à l'autre, ainsi que le montre le tableau 1. En ce qui a trait au financement de sources « p r i v é e s , » les contenus apparaissent plus hétérogènes encore. Statistique Canada, qui sert en quelque sorte d'étalon de mesure en matière de statistiques de R-D, inclut d a n s le c a l c u l du f i n a n c e m e n t en p r o v e n a n c e des « e n t r e p r i s e s commerciales,» l'ensemble des firmes, organismes et institutions qui vendent des biens et services au public, de même que les organismes privés sans but lucratif (OSBL) donnant des services aux entreprises, ainsi que les sociétés d'État. L'ACPAU définit le financement privé comme la somme des « l e g s , dons et octrois non g o u v e r n e m e n t a u x . » Cette catégorie inclut les revenus provenant des particuliers, des entreprises privées, des fondations et des OSBL. Pour la DGERU, enfin, la définition du secteur privé comprend les revenus provenant des compagnies, des fondations et des particuliers. Dans ce cas, les revenus issus des sociétés d'État sont attribués au secteur para-public plutôt qu'au secteur privé. Il va de soi que l'estimation des revenus de sources privées de la recherche universitaire aboutira à des résultats différenciés suivant la définition attribuée au secteur privé, ce dont rend compte le tableau 2. Selon les données de Statistique Canada, le financement privé de la recherche universitaire (RDU) au Québec était égal à 11,4% des revenus totaux de la RDU en 1988.8 Selon l'ACPAU, la part des revenus de sources privées serait presque deux fois supérieure à celle mesurée par Statistique Canada et s'élèverait donc à 21,6% de la RDU. Quant à l'estimation de la DGERU, elle s'établit à 17,1%, soit presque à mi-chemin entre ces deux valeurs extrêmes. Pour fins de comparaison, nous avons appliqué la définition du secteur privé utilisée par Statistique Canada aux données de la DGERU. Les chiffres du tableau 3 comptabilisent les revenus de sources privées auxquels on a amputé Tableau 1 D é f i n i t i o n du f i n a n c e m e n t de source privée selon différentes enquêtes statistiques S o u r c e s statistiques Direction générale de l'enseignement et de la recherche universitaire (DGERU) Association Canadienne du Personnel Administratif Universitaire (ACPAU) Statistique Canada Sources: - Catégorie des sources de f i n a n c e m e n t Privé Public Para-public Autre • Subventions et contrats gouvernementaux (fédéral, provincial, régional, municipal, autres provinces et étranger) • Legs, dons et octrois non gouvernementaux • Frais de scolarités • Vente de produits et de services • Revenus de placement • Divers • Administration fédérale • Administrations provinciales • Entreprises commerciales • Organismes sans but lucratif • Secteur de l'étranger Définition d u f i n a n c e m e n t privé Le secteur « p r i v é » inclut: - Compagnies, corporations - Fondations, associations, sociétiés - Particuliers - Autres que ceux énumérés ci-haut La rubrique « L e g s , dons et octrois non gouvernementaux» inclut: - Particuliers - Entreprises privées constituées en corporation et sous contrôle privé - Fondations (qui opèrent exclusivment pour fins de charité) - Organisations à but non lucratif Le secteur des «entreprises c o m m e r c i a l e s » inclut: - Firmes, organismes et institutions qui vendent des biens et des services au public - Organismes privés sans but lucratif principalement au service de ces entreprises - Sociétés d'État ACPAU, Statistiques financières des universités et collèges pour l'année financière se terminant en 1990. Brochure explicative, Ottawa 1990; MESS, Système d'information sur la recherche universitaire. Manuel de procédure et tables du système 1989-90, DGERU, juin 1990; Statistique Canada, Activités scientifiques et technologiques des administrations provinciales 1982-1983 à 1989-1990, Ottawa, août 1990. Tableau 10 Financement privé de la R-D universitaire au Québec en % de la DIRDES selon différentes sources statistiques. 1979-1988 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 Statisque Canada 7,3 8,2 7,7 7,3 9,7 8,4 7,0 7,0 10,0 11,4 ACPAU nd 18,4 16,7 16,5 17,3 16,5 16,6 17,7 20,5 21,6 DGERU nd nd 13,0 11,5 11,2 11,3 10,5 10,9 13,7 17,1 Sources: Statistique Canada, Les estimations des dépenses canadiennes au titre de la recherche et du développement (DIRD) nationale, 1963 à 1990 et par province, 1979 à 1988, Ottawa, août 1990; ACPAU, Statistiques financières des universités et des collèges, 1979-1980 à 1988-1989, Ottawa; DGERU, compilations spéciales. 80 Michel Leclerc & Yves Gingras les revenus provenant des fondations mais auxquels on a ajouté les revenus provenant des sociétés d'état. En vertu de cette définition, les revenus de sources privées de la R - D universitaire s'établissaient à 11,3% de l'ensemble des revenus de la RDU de 1988, soit un recul de 5,8% par rapport au calcul initial fondée sur la catégorisation du secteur privé employée par la DGERU. Cette nouvelle mesure correspond exactement aux résultats obtenus par Statistique Canada. On constatera aussi que la part des entreprises dans le financement de sources privées a crû de près de 11% entre 1980 et 1988, passant de 52,6% à 63,3%. En revanche, la part des revenus en provenance des sociétés d'état québécoises a chuté de 2,6 fois au cours de cette période, passant de 23,1% à 8,7% des revenus de sources privées, tandis que la part du financement privé en provenance des sociétés d'état situées à l'extérieur du Q u é b e c s ' a c c r o i s s a i t c o n s i d é r a b l e m e n t et a t t e i g n a i t 12,7% en 1988, comparativement à 1,4% seulement en 1981. Q u e l e n t e n d e m e n t f a u t - i l d o n n e r à des r é s u l t a t s a p p a r e m m e n t si discordants? Dans une optique plus large, on peut considérer à la manière de Michel Callon, que multiplier les indicateurs ou les sources de données, c'est non seulement « r e n d r e possibles les interprétations contradictoires», 9 mais c'est aussi risquer de miner la confiance mise dans les sources statistiques elle-mêmes. Cette mise à l'épreuve de la confiance risque d'être accentuée d a v a n t a g e l o r s q u e l ' i n v e s t i g a t i o n s t a t i s t i q u e est s u j e t t e à des a l é a s méthodologiques qui viennent perturber les résultats connus et modifier du même coup les interprétations courantes qu'on en avait tirées. Le tableau 4 fait état de pareilles variations statistiques imputables à l'introduction de nouvelles règles de calcul. Ainsi, selon les modèles estimatifs du financement privé utilisés jusqu'en 1986 par Statistique Canada, la part du financement privé de la RDU québécoise est passée de 3,1% en 1981 à 2,8% en 1986. L ' i n s t a u r a t i o n de la politique f é d é r a l e de contrepartie 1 0 a permis à Statistique Canada d'affiner les instruments de mesures utilisés jusque là. A partir des informations financières fournies par les organismes subventionnaires fédéraux (Conseil de recherches médicales, Conseil de recherches en sciences humaines et Conseil de recherches en sciences naturelles et du génie) dans le cadre de cette politique, Statistique Canada a été en mesure d'évaluer sur une base plus solide la part du financement privé attribuable à chacune des sources: corporations privées, organismes sans but lucratif, fondations, etc. Aussi bien, à partir de 1987, les revenus de sources privées provenant des entreprises incluent, dans une proportion qui reste cependant inconnue, des crédits d'organismes sans but lucratif versés à la recherche universitaire." Tableau 10 Financement privé (FP) de la RDU au Québec selon la définition de Statistiqu Canada et les données de la DGERU FP de sources canadiennes FP de sources étrangères Autres sources Total financement privé Total toutes sources Compagnies et corporations Particuliers Autres Sociétés d'État québécoises Sociétés d'Etats (autres) SOUS-TOTAL Compagnies et corporations Particuliers SOUS-TOTAL Autres 1980-1981 Montant % 4,333,543 52,6 1,224,124 1988-1989 Montant % 23,041,014 63,0 1,904,070 23,1 2,342,614 31,843 3,158,711 118,865 1,4 4,630,467 12,7 7,580,602 649,041 91,9 33,204,649 3,197,796 91,2 8,8 — 14,700 663,741 108,582,091 8,244,343 117,979,221 14,8 — 7,9 1 0,18 6,4 0,09 8,7 — 100,0 (7,0) 3,197,796 283,196,155 36,402,445 100,0 (11,3) 100,0 321,902,434 100,0 8,1 8,8 Tableau 4 L'évolution du financement privé de la recherche universitaire: comparaisons méthodologiques 1981 1982 1983 1984 1985 1986 Statistique Canada' 3,1 3,0 4,0 3,4 2,6 2,8 Statistique Canada 2 6,3 5,8 7,6 6,7 6,7 7,1 DGERU' 6,4 4,8 5,1 4,6 4,8 — DGERU" 13,0 11,5 11,2 11,3 10,5 10,9 1987 — 10,0 — 13,7 1 Méthodologie avant 1987 Méthodologie 1987 (SNG et SSH) Méthodologie avant 1986 " Méthodolgie 1986 2 Sources: Statistique Canada, Les estimations des dépenses canadiennes au titre de la recherche et du développement région, 1979 à 1986 (revisée), Ottawa, Division des sciences, de la technologie et du stock de capital, septembre, 1988; D G E R U , Compilations spéciales. par Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 83 Les résultats antérieurs à 1987 ont donc été ajustés afin de tenir compte de ces nouvelles informations. En conséquence, l'ensemble des données passées sur le financement privé ont été réévaluées à la hausse: dans le cas de l'année 1986, l'application de ces nouvelles règles de calcul a eu pour effet d'accroître de 2,5 fois la part du financement privé. On observe un impact analogue du financement de contrepartie sur les données compilées par la DGERU. 2. Le financement privé de la recherche universitaire au Québec A l'inverse des données de Statistique Canada, les données rassemblées par la DGERU permettent de désagréger les revenus de la RDU en fonction des diverses catégories de financement de sources privées. Par ailleurs, ces données sont constituées exclusivement d'informations fournies par les établissements universitaires eux-mêmes, informations qui font ensuite l'objet d'une validation systématique. En dépit des divergences méthodologiques caractérisant les deux bases de données, la mesure des revenus de sources privées aboutit à des résultats très proches. Selon les données de la DGERU (tableau 5), les revenus de sources privées de la recherche universitaire s'établissaient à 55M$ en 1988. Statistique Canada, quant a lui, estimait ces revenus à 50M$. En valeur relative cependant, les résultats différaient de façon significative. En proportion des revenus de la RDU, le financement de sources privées s'établissait en effet à 17,1% selon les données de la DGERU et à 11,4% selon les données compilées par l'organisme fédéral. L'explication d'un tel écart entre ces deux ratios trouve son origine dans ce que chacun des organismes rapporte les revenus de la recherche à un dénominateur distinct. Alors que la DGERU met les revenus de s o u r c e s p r i v é e s en r a p p o r t avec les seuls r e v e n u s de la « r e c h e r c h e subventionnée et c o m m a n d i t é e » (331,5M$), a contrario, Statistique Canada ajoute à ces revenus l'ensemble des revenus correspondant à la valeur estimée des coûts de recherche équivalents à la proportion du temps consacré à la R - D par le personnel universitaire. En 1988, la somme de ces revenus totalisait 437M$. La part du financement privé mesuré est donc forcément moindre puisque les revenus de sources privées sont mis en relation avec une valeur numérique supérieure. Selon les données de la DGERU, en l'espace de neuf années la part du financement privé de la R - D universitaire est passée de 11,6% à 17,1% et a été soumise à des variations continues, mais relativement peu importantes, du moins jusqu'en 1986. Au cours de cette période, la part du financement privé s'est établie à 12,8% et à aucun moment cette part n'a été inférieure à 10,0%. La proportion des revenus privés en provenance des corporations privées a crû considérablement au cours de cette période. Grâce à une croissance de 431% du Tableau 10 Financement privé (FP) de la R-D universitaire au Québec selon les catégories de pourvoyeurs de fonds en $ et en % 1980-1988 Compagnies, corporations Fondations, associations, sociétés Particuliers Autres privés Autres sources Total FP/% RDU 1980-81 4,333,543 8,102,622 1,224,124 104,318,932 117,979,221 11,6 1981-82 5,300,969 10,625,016 1,354,168 123,506,957 140,787,110 12,3 1982-83 3,827,449 11,463,003 1,586,999 139,471,038 156,350,089 10,8 1983-84 4,571,621 12,474,104 1,654,201 158,018,838 176,718,764 10,6 1984-85 8,260,047 15,903,188 1,902,556 201,081,759 227,147,550 11,5 1985-86 8,155,805 15,883,446 2,178,548 4,864 219,217,716 245,440,379 10,7 1986-87 10,887,921 18,989,213 2,145,742 8,000 227,663,949 259,694,825 12,3 1987-88 15,296,844 24,717,833 2,223,172 252,441,002 294,678,851 14,3 1988-89 23,041,014 29,641,261 2,342,614 31,843 266,845,702 331,494,528 17,1 1980-88 83,675,213 145,799,686 16,612,124 46,307 1,692,565,893 1,940,699,223 12,8 Source: DGERU, Compilations spéciales 1,600 Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 85 volume des revenus en provenance de l'industrie, la part de celle-ci dans le financement de sources privées est passée graduellement de 31,7% à 41,8%. La croissance globale des revenus en provenance des fondations à été égale à 265% entre 1980 et 1988 et représentait 53,8% des revenus de sources privées en 1988, comparativement à 59% au début de la décennie. 3. Les comparaisons internationales L'hétérogénéité des méthodes de calcul et des sources de données rend à toute fin pratique impossible une comparaison directe entre ces résultats et ceux enregistrés dans les autres pays industrialisés. D'autre part, la composition structurelle des systèmes industriels étrangers, de même que les particularismes nationaux propres à chacune des structures éducatives, rend hasardeuse ce type de p a r a l l é l i s m e . Si d a n s une r é c e n t e é t u d e sur les r e l a t i o n s université-entreprise 1 2 l ' O C D E a pu établir de telles comparaisons, c'est d'abord parce qu'elle a pris soin de procéder à des ajustements systématiques des données transmises par chacun des pays, de façon à rendre celles-ci plus compatibles entre elles." En dépit de ces précautions méthodologiques, il convient de considérer les statistiques de l ' O C D E c o m m e des ordres de grandeur approximatifs, mais cependant valables, plutôt que comme des estimations parfaitement rigoureuses. Ces données montrent notamment que le Canada, et a fortiori le Québec, détient le maillot jaune des pays membres de l'OCDE quant à l'importance relative du financement privé de la RDU. Les données de l'OCDE 14 montrent qu'avec un financement respectivement égal à 8,7% et à 7,9% des revenus totaux de la RDU, la Belgique et le Canada devancent l'ensemble des pays de la zone O C D E . Selon ces données, le Canada et le Québec devanceraient légèrement la Suède (6,9%), l'Allemagne (6,5%) et le Royaume-Uni (5,5%) et se situeraient largement devant la plupart des autres pays, incluant les États-Unis (4,4%). C o m m e n t e x p l i q u e r ces r é s u l t a t s ? C o m m e n t , a u s s i , e x p l i q u e r la performance du Canada dont on a si souvent mis en évidence l'état chronique de «désindustrialisation?» 1 5 Et surtout, quelles sont les sources de son avance par rapport aux États-Unis, pays où l'adoption dès le XIXe siècle du Land Grant Act a été à l'origine de rapport quasi mutualiste entre l'université et l'entreprise? Il n'existe pas d'explication unique à ce phénomène, mais une combinaison particulière de motifs en apparence indépendants les uns des autres. Disons tout d'abord que loin de constituer un obstacle, les carences du système industriel s e m b l e n t au contraire constituer un levier d é t e r m i n a n t en f a v e u r d ' u n 86 Michel Leclerc & Yves Gingras rapprochement plus vigoureux entre l'université et l'entreprise, l'absence d'une i n f r a s t r u c t u r e a d é q u a t e de r e c h e r c h e industrielle créant une situation de dépendance v i s - à - v i s de l'université. J e a n - J a c q u e s Salomon observe, à ce propos, que: Plus la recherche fondamentale absorbe une part considérable des activités de recherche, moins le système de la recherche semble intégré au système de production, c'est-à-dire source d'applications exploitées. Les pays ol le budget de la recherche universitaire est proportionnellement le plus important semble bien être ceux dont les structures industrielles se prêtent le moins à l'innovation technologique,16 En 1989, les dépenses de la R - D universitaire représentaient 25,4% de la dépense intérieure brute de R - D canadienne (DIRD) et 28,6% de la DIRD du Québec. En comparaison, ces dépenses étaient égales à 13,1% de l'effort global de r e c h e r c h e de la R F A . Ce ratio atteignait 15% en F r a n c e , 15,3% aux États-Unis et, selon les données de 1986, 18,8% en Belgique. En fait, dans aucun des 24 pays membres de l ' O C D E , à l'exception de l'Australie et du Portugal, cette proportion n'était supérieure à celle enregistrée au Canada ou au Québec. 17 Une étude réalisée par K. Pavitt, a par ailleurs révélé que c'est en Belgique et au Canada que le contrôle étranger sur l'activité technologique domestique était le plus intense.' 8 Par conséquent, une moins grande part de l'activité industrielle de recherche serait menée localement. La conjugaison de ces deux facteurs ferait en sorte que les industries locales sont plus fortement incitées qu'ailleurs a faire appel à l'expertise de recherche universitaire, principalement dans le but de favoriser la réalisation de projets de recherche qu'elles seraient incapables de réaliser avec succès de fa'on autonome. Dans ce contexte, les statistiques canadiennes et québécoises seraient bien davantage le reflet d'une carence systémique de l'infrastructure de recherche industrielle locale que le résultat d'une concertation réussie et délibérée entre la science et l'appareil de p r o d u c t i o n . Les d o n n é e s du tableau 3 f o u r n i s s e n t un autre indice de ce phénomène de dépendance vis-à-vis des firmes étrangères. On y constate en effet que le financement de sources privées en provenance de l'étranger était égal à 8,8% du financement privé total en 1988 et à 1% des revenus globaux de la recherche universitaire. En comparaison, aux États-Unis, seulement 0,4% du f i n a n c e m e n t de la R - D universitaire provenait du f i n a n c e m e n t de f i r m e s é t r a n g è r e s en 1986, ce qui équivalait à 5 , 5 % du f i n a n c e m e n t de la R - D universitaire de sources privées." Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 87 Tableau 6 Financement de la recherce universitaire par l'entreprise privée aux États-Unis en % de la DIRDES et en % de la DIRDE. 1979-1988 1979 1980 1981 DIRDE En % 0,5 0,5 0,6 DIRDES 3,6 3,9 4,3 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 0,6 0,6 0,7 0,7 0,9 0,9 0,9 ¡4,6 4,9 5,5 5,8 6,3 6,4 6,5 En % ! DIRDES: Dépense intérieure brute de R-D dans le secteur de l'enseignement supérieur DIRDE: Dépense intérieure brute de R-D dans le secteur de l'entreprise Sources: National Science Board, Science & Engineering Indicators - 1989, Washington, DC: U.S. Government Printing Office, 1989 (NSB 89-1), pp. 297 et 351 ; OCDE, La coopération université-industrie en matière de R-D: description statistique, Programme Technologie/Economie (TEP), Paris, 2-5 juillet 1990. Mais comment expliquer en revanche la performance américaine? Les données du tableau 6 montrent bien que, quel que soit l'indicateur choisi, le financement privé de la RDU américaine reste modeste en valeur relative. Selon les chiffres de la National Science Foundation, la part du financement privé a t t e i n d r a i t s e u l e m e n t 6 , 5 % des d é p e n s e s de r e c h e r c h e des u n i v e r s i t é s américaines en 1988. Ce piètre résultat s ' e x p l i q u e aisément: la définition américaine des entreprises inclut « t o u t e s les subventions et contrats de R - D en provenance d'organismes sans but lucratif, qu'ils soient ou non engagés dans des activités de production, de distribution, de recherche, de services, ou dans tout autre a c t i v i t é » , mais n'inclut pas en revanche « l e s subventions et contrats provenant de fondations sans but lucratif financées par l'industrie.» 2 0 Pour rendre les données américaines compatibles avec les données canadiennes, il faut ajouter aux 698M$ versés aux universités en 1988 par l'entreprise, les 723M$ versés par les autres sources, lesquelles incluent notamment les crédits attribués par les O S B L et les organismes bénévoles reliés au domaine de la santé. Les données ainsi ajustées, la part du financement privé de la recherche universitaire américaine s'établit donc à 13,3%, soit 4% de plus que le ratio affiché par l'ensemble des universités canadiennes. 4. Mesure de l'intensité du financement privé Pour satisfaisant que soit le classement du Québec parmi les pays où le secteur privé contribue le plus au financement de la recherche universitaire, il est sans 88 Michel Leclerc & Yves Gingras doute raisonnable d'attacher une importance nuancée au type d'indicateur qui permet d'étayer un tel jugement. Un examen sommaire de ces chiffres ne peut conduire, p e n s e - t - o n généralement, q u ' à une conclusion unique et massive: l'entreprise québécoise a très fortement accrû sa contribution au financement de la recherche universitaire. Un examen plus attentif des résultats incite pourtant à m e t t r e en d o u t e ce j u g e m e n t . A c e t t e p r e m i è r e c o n c l u s i o n , il f a u t immédiatement en opposer une seconde: en termes relatifs, le financement industriel de la recherche universitaire stagne depuis 1979. C e j u g e m e n t se f o n d e s u r la c o n s t a t a t i o n s u i v a n t e : l ' i n d i c a t e u r h a b i t u e l l e m e n t r e t e n u p o u r m e s u r e r la c o n t r i b u t i o n de l ' e n t r e p r i s e au financement de la R - D universitaire n'est pas pertinent pour évaluer l'intensité réelle de cette contribution. En effet, rapporter le financement industriel aux dépenses totales de la recherche universitaire risque de créer une illusion statistique dès lors que les rythmes de croissance des dépenses de l'une ou l'autre des sources de financement cessent d'évoluer en parallèle ou, le cas échant, suivent des courbes divergentes. Ainsi, dans l'hypothèse d'un recul du financement de source gouvernementale, la part du financement industriel continuerait de croître même si son volume de dépenses restait inchangé. Plus f o n d a m e n t a l e m e n t , cet indicateur n ' a pas la signification q u ' o n lui prête habituellement: les résultats qu'on en tire ne nous apprennent rien sur l'intensité du financement industriel. Si le Québec est en tête des pays industrialisés, selon cet indicateur, cela ne signifie pas que l'entreprise finance mutatis mutandis plus qu'ailleurs la recherche universitaire. Cela signifie plus modestement que la part du f i n a n c e m e n t g o u v e r n e m e n t a l , incluant les f o n d s g é n é r a u x des universités (FGU), est moindre en proportion au Québec et que l'entreprise privée a commencé à relayer, en partie seulement il est vrai, l'effort public. Le graphique 1 illustre parfaitement ce type de dissymétrie: à travers des v a r i a t i o n s a n n u e l l e s p e r s i s t a n t e s , le f i n a n c e m e n t i n d u s t r i e l de la R - D universitaire a crû de 354,5% en valeur absolue entre 1979 et 1988, tandis que la croissance des dépenses de la R - D universitaire a enregistré une croissance de 191,3%. Autrement dit, la hausse du financement industriel, telle qu'elle nous apparaît au moyen de cet indicateur, est en partie imputable à un effet statistique. Le graphique 2, qui caractérise ces écarts sous forme de tendances, fait état d'évolutions fortement différenciées. Les variations relatives des taux de c r o i s s a n c e j o u e n t ici tout autant sinon plus que l ' a c c r o i s s e m e n t des i n v e s t i s s e m e n t s p r i v é s . A j o u t o n s , p a r a i l l e u r s , q u e la p r o g r e s s i o n du f i n a n c e m e n t p r i v é s ' e s t a c c o m p a g n é e d ' u n f l é c h i s s e m e n t p a r a l l è l e du financement public. Par conséquent, la part du financement privé en proportion Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec Graphique 1 Taux de croissance comparés de la DIRDES et du financement industriel (FI) de la DIRDES — % c r o i s s a n c e DIRDES % c r o i s . FI/DIRDES 89 90 Michel Leclerc & Yves Gingras Graphique 2 Tendances - Taux de croissance comparés de la DIRDES et du financement industriel (FI) de la DIRDES, 1980-1988 — SS c r o i s s a n c e DIRDES - f - % crois. FI/DIRDES Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 91 du f i n a n c e m e n t public de la R - D universitaire s ' ç s t accrue presque sans interruption entre 1981 et 1988, passant de 13,2% à 19,1% selon les données de Statistique Canada ou de 16,5% à 23,9% selon les chiffres de la DGERU. Pour mesurer avec fiabilité la contribution réelle de l'entreprise il faut rapporter celle-ci à l'ensemble des dépenses de R - D de l'entreprise au cours • d'une année. De la même manière que nous rapportons la DIRD au PIB pour, estimer l'intensité relative de l'effort de recherche, il faut évaluer les dépenses universitaires de source industrielle en regard des dépenses de recherche de l ' i n d u s t r i e . N o u s o b t i e n d r o n s a l o r s un v é r i t a b l e indice d'intensité du financement industriel. Le tableau 7 rend compte de cette intensité: on y voit que la contribution financière de l'entreprise a crû de seulement 0,8% depuis 1979, le financement industriel de la RDU ne représentant en 1988 que 4,3% des dépenses globales de la recherche industrielle. Cependant, en regard de son propre e f f o r t de financement de la R - D industrielle, la contribution de l'entreprise équivalait à 5,3% en 1988 comparativement à 4% en 1979. En somme, en termes réels, le financement industriel de la recherche universitaire a plafonné pendant la majeure partie de la décennie précédente pour croître ensuite de moins de 1%. Tout au long de la décennie 1980, le niveau d'intensité du financement privé au Québec a été supérieur à celui observé en Ontario et, depuis 1980, il n'a jamais été inférieur à celui de l'ensemble des provinces canadiennes. Plus révélateur encore, la confrontation des statistiques nationales c o n f i r m e la position prédominante du Canada en regard de cet indicateur. Les données du tableau 8 indiquent qu'avec un indice d'intensité de la RDU égal à 3,3% en 1987, le Canada occupe le peloton de tête des principaux pays industrialisés: le Canada fait non seulement mieux que la Suède (2,98%), son plus proche concurrent à cet égard, mais davantage que la Belgique (2,25%), la Finlande (2,03%), la Norvège (1,54%), la France (1,39%), l'Allemagne (1,31%), le Japon (0,45%), et environ quatre fois plus que les entreprises américaines (0,85%). Ces résultats mettent donc à j o u r une évolution contrastée: la part du financement industriel s'est accrue dans l'ensemble des sources de financement de la R - D universitaire entre 1979 et 1988, en même temps que l'indice de financement industriel enregistrait une évolution plutôt modérée. Au total, c'est un véritable plafonnement qui caractérise le mieux l'évolution de l'intensité du financement privé depuis 1979. Ces chiffres mettent-ils en cause la capacité des chercheurs à intéresser l'entreprise à leurs travaux? Cela n'est pas sûr. D'autant plus que ces chiffres t r a d u i s e n t p e u t - ê t r e s i m p l e m e n t un c h a n g e m e n t d a n s les s t r a t é g i e s de Tableau 10 Indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec, en Ontario et au Canada en pourcentage. 1979-1988 1979 Ontario Canada 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 FP en % de la DIRDES 7,3 8,2 7,7 7,3 9,7 8,4 7,0 7,0 10,0 11,4 FP en % de la DIRDE Québec 1980 3,5 3,8 3,1 2,6 3,6 2,8 2,8 2,7 3,5 4,3 FP en % de la DIRDES FP en % de la 9,6 10,4 10,7 9,2 9,2 9,7 7,9 7,5 8,7 10,2 3,3 3,2 2,8 2,3 2,3 2,3 2,3 2,2 2,5 3,1 7,9 7,6 8,0 7,0 7,7 7,9 6,7 6,4 7,9 9,3 3,8 3,4 3,0 2,6 2,9 2,7 2,8 2,7 3,2 3,9 DIRDE FP en % de la DIRDES FP en % de la DIRDE Source: Statistique Canada, Estimations des dépenses canadiennes au titre de la recherche et du développement (D1RD) nationale, 1963 à 1990 et par province, 1979 à 1988, Ottawa, août, 1990. Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 93 Tableau 8 R - D universitaire financée par l'entreprise privée en % de la D I R D E dans certains pays de l'OCDE. 1987 Belgique Canada Danemark Finlande 2,25 Japon 3,33 0,60 2,03 France Allemagne Italie 1,39 1,31 0,35 Norvège Espagne Suède Royaume-Uni USA Yougosalvie 0,45 1,54 1,46 2,98 1,16 0,85 11,82 Source: OCDE, Principaux indicateurs de la science et de la technologie 1990, vol. 1, Paris, OCDE, 1990. financement des entreprises, changements d'ailleurs partiellement guidés par l ' é v o l u t i o n d e s p o l i t i q u e s g o u v e r n e m e n t a l e s en f a v e u r d e s r e l a t i o n s université-entreprise, de même que la multiplication des canaux de financement e m p r u n t é s . Il est possible, par e x e m p l e , que le f i n a n c e m e n t direct de la recherche universitaire, par le biais de commandites ou de contrats, ne soit plus la f o r m e p r é d o m i n a n t e de transfertfinancier ou de support industriel à la recherche universitaire. Ainsi, une part toujours plus importante du financement industriel de la R - D universitaire transite désormais par le soutien aux chaires industrielles de recherche, de même que par les sociétés à capital de risque (infra, p. 20). Bref, il est possible q u ' u n e partie croissante du financement industriel de la R - D universitaire échappe à nos investigations statistiques traditionnelles. Quoi qu'il en soit du sens exact à conférer à cet indicateur, il paraît à tout le moins judicieux de tempérer l'enthousiasme régnant: en dépit d'une progression substantielle du volume des dépenses, aucune donnée actuelle ne permet de conclure à un engagement significativement plus intense de l'entreprise en faveur de la recherche universitaire et cet essouflement industriel est de nature à jeter un doute sur l'efficacité des programmes de contrepartie et de partenariat mis en place par les gouvernements depuis le milieu des années 1980. 5. La performance des universités La désagrégation des statistiques permet de mettre en relief un éventail assez large des faits saillants qui ont m a r q u é le f i n a n c e m e n t privé de la R - D universitaire au Québec depuis le début des années 1980. On essaiera de décrire ci-après les évolutions les plus significatives. 94 Michel Leclerc & Yves Gingras Tableau 9 Financement privé de la R-D universitaire au Québec par les 85 premières entreprises. 1988-1989 (1) 85 entreprises 516,316 667,233 (2) Total secteur privé 12,202,490 13,868,057 1,500 386,086 152,563 119,460 1,500 976,924 743,589 4,665,427 UQAH INRS McGill Concordia 440,735 69,360 1,293,241 503,017 126,052 2,289,670 553,371 TOTAL 4,743,892 Laval Montréal HEC Polytechnique Sherbrooke UQAM UQTR UQAC UQAR 7,219,011 2,774,012 532,644 1,060,617 1,343,903 16,454,624 (l)/(2) % 4,2 4,8 0,2 8,3 2,1 4,3 0,3 92,1 19,2 12,5 96,2 1,424,793 3,1 8,8 63,603,648' 7,5 ' Incluant l'UQAR, l'UQAT, l'ENAP, l'IAF, l'ETS et la Téluq. Redressement cophones des investissements privés chez les universités fran- La croissance des revenus en provenance du secteur privé a contribué à définir un décor nouveau. La conséquence principale de l'expansion continue des revenus de sources privées dans les universités a sans doute été une concentration croissante des investissements privés au sein des universités francophones. En 1988, 73,8% des investissements de sources privées alloués a u x u n i v e r s i t é s q u é b é c o i s e s é t a i e n t c o n c e n t r é s au sein des u n i v e r s i t é s francophones, contre 49,5% en 1981 (tableau 10). Il s'ensuit que la capacité d'attraction des fonds privés a chuté de 24,3% au cours de cette période parmi les universités anglophones. Alors que la part des universités anglophones s'établissait à 50,5% en 1981, elle était inférieure à 27% en 1988. Pire encore, l'essentiel de cette chute a été réalisé au cours des trois dernières années seulement, la part des universités anglophones régressant de 15% entre 1986 et 1988. C ' e s t l ' U n i v e r s i t é L a v a l et l ' U n i v e r s i t é du Q u é b e c q u i o n t proportionnellement le plus accru leur part du marché des investissements Tableau 10 Financement de la recherche universitaire par l'entreprise privée: répartition et évolution selon l'université au Québec. 1981-1988. Universitées francophones Laval Montréal H.E.C. Polytechnique Mtl/HEC/Poly Sherbrooke Québec Sous-total Universitées Anglophones Bishop's McGill Concordia Sous total TOTAL 1982 1981 1983 1984 1985 1986 1987 1988 % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. % Fin. %Ens. privé des privé des privé des privé des privé des privé des privé des privé des univ. univ. univ. univ. univ. univ. univ. univ. 5,9 8,7 7,0 7,8 10,8 19,4 10,5 10,6 0,6 7,9 6,1 5,9 23,5 6,5 10,0 23,4 21,0 3,9 19,1 15,2 6,5 49,5 0,1 48,9 1,5 50,5 18,6 13,0 100,0 11,2 9,3 0,3 3,5 13,1 15,4 6,4 8,1 6,5 18,4 5,4 8,2 46,1 14,8 19,5 0,1 52,1 4,3 1,6 17,5 53,8 11,5 100,0 Source: DGERU, Compilations spéciales. 5,8 7,4 3,4 9,5 7,8 16,3 9,6 12,2 0,2 4,4 16,8 14,3 9,7 7,2 5,6 2,9 12,0 7,1 21,4 50,4 7,6 8,5 0,1 47,7 24,9 16,7 1,8 16,6 49,6 11,2 100,0 5,8 15,3 8,1 8,5 12,0 18,1 5,4 12,2 7,6 0,1 5,3 13,0 15,9 8,6 54,4 0,1 43,0 2,2 45,3 11,3 100,0 7,3 5,4 2,8 8,9 6,2 12,2 9,4 8,0 20,7 17,2 6,1 15,7 13,6 8,9 0,1 5,0 14,0 9,7 14,3 51,7 0,1 45,7 2,4 483 10,5 100,0 9,6 4,2 7,7 10,6 6,2 14,0 8,6 9,3 5,3 14,9 11,4 14,4 16,8 5,9 12,6 10,3 0,3 6,7 12,9 12,8 6,3 16,8 12,0 16,3 58,8 10,9 100,0 11,4 0,2 17,0 14,4 20,1 25,8 16,4 19,8 13,2 7,3 18,9 12,7 16,2 13,5 65,6 17,3 0,04 13,4 36,5 4,6 41,2 17,8 14,6 14,4 24,6 15,9 0,05 12,6 29,1 15,5 4,5 11,5 33,7 15,0 14,6 13,7 100,0 20,1 20,6 1,3 7,4 29,3 10,1 14,3 73,8 0,03 23,6 2,6 26,2 16,6 100,0 96 Michel Leclerc & Yves Gingras privés durant cette période, celle-ci croissant respectivement de 2,3 fois et de 2,2 fois. En 1988, l'Université de Montréal détenait 20,6% des investissements de sources privées, soit une croissance de 1,9 fois par rapport à l'année 1981. Si la part de l'École des HEC a doublé pendant ce temps, en revanche la part de l'École Polytechnique a affiché un recul de 0,5% en valeur relative. Quant à l'Université de Sherbrooke, dont la part de marché accaparée à l'origine pouvait sembler disproportionnée en regard de sa taille, elle ne détenait plus que 10,1% du marché des investissements privés en 1988, comparativement à 15,2% en 1981. La part des investissements privés double dans la plupart des universités francophones Entre 1981 et 1988, la part des revenus de sources privées dans l'ensemble du financement des activités de R - D est passée de 5,9% à 17% à l'Université Laval, de 7,8% à 14,4% à l'Université de Montréal, de 10,8% à 20,1% à l'École des HEC et de 6,5% à 15,9% dans le réseau de l'Université du Québec (tableau 10). On constate également que la progression relative des investissements privés fut moins prononcée dans les institutions qui, dès 1981, étaient déjà intensément engagées dans des rapports soutenus avec l'entreprise: à l'École Polytechnique la part du financement privé dans l'ensemble des sources de f i n a n c e m e n t de la r e c h e r c h e est p a s s é e de 19,4% à 2 5 , 8 % , t a n d i s q u ' à l'Université de Sherbrooke cette part atteignait 24,6% en 1988, soit une hausse de 1,1% seulement depuis 1981. Pour l'ensemble des universités toutefois, l'année 1987 marque une rupture soudaine avec les modèles antérieurs de financement de la recherche. En 1987, en e f f e t , la part du f i n a n c e m e n t de sources privées s'est accrue de façon inhabituelle pour la plupart des universités francophones, ainsi que le montre le tableau 10. On se souviendra que le programme fédéral de financement de contrepartie a été implanté en 1986. En vertu de ce programme, les universités du Québec se sont vu octroyer 22% des revenus canadiens admisssibles au programme cette année là, soit 14,9M$. En 1987, cette proportion était égale à 31,6 %et totalisait 25,2M$. 21 Quel que soit le succès réel de ce programme, il est certain par ailleurs que les i n v e s t i s s e m e n t s a d d i t i o n n e l s q u ' i l a suscités expliquent, au moins partiellement, la croissance subite des investissements privés enregistrés en 1987. Fléchissement du financement privé à l'Université McGill L ' u n e d e s é v o l u t i o n s les p l u s r é v é l a t r i c e s d e s a n n é e 1980 r é s i d e certainement dans le fléchissement durable des investissements privés destinés à l'Université McGill. En 1981, la part des dépenses de R - D en provenance du Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 97 secteur privé s'établissait à 21% à cette université. En 1988, cette part atteignait 15,5%. Dans ce cas particulier, le financement de contrepartie n'a pas suffi à stopper le déclin des investissements privés. En 1986 la part du financement privé dans l'ensemble des sources de financement de la recherche à l'Université McGill a chuté de 2,2% par rapport à l'année précédente. En 1987, en dépit de la croissance importante des revenus de contrepartie versés aux universités québécoises, la part du financement privé a régressé de 0,3% à l'Université McGill. Par conséquent, seulement 23,6% des investissements privés étaient concentrés au sein de cette université en 1988, alors que cette part équivalait à 48,9% en 1981. L ' e n t r é e des universités f r a n c o p h o n e s dans un marché traditionnellement dominé par les chercheurs de l'Université McGill explique en partie sans doute le fléchissement des investissements privés destinés à cette institution. 6. Le financement privé par grands secteurs disciplinaires C'est sans surprise que l'on constate que le secteur privé finance au premier chef les secteurs disciplinaires les plus susceptibles d'engendrer des bénéfices immédiats et que les ordres de priorité guidant les investissements privés sont restés inchangés au fil des ans. Ce sont d'abord les secteurs des sciences de la santé et des sciences appliquées qui bénéficient de l'essentiel des ressources en provenance du secteur privé (tableau 11). En 1988, environ 65% des investissements privés étaient concentrés dans ces deux secteurs seulement, les sciences de la santé accaparant près de 37% de ceux-ci, soit une hausse de 1,6% par rapport à l'année 1981. Là encore, on observe une hausse du niveau de concentration des ressources au sein de quelques secteurs privilégiés: en 1981, ces deux secteurs regroupaient 56,5% des investissements privés, soit 8,4% de moins qu'en 1988. Ces secteurs représentent également les secteurs disciplinaires où la part du financement de sources privées est proportionnellement la plus élevée par rapport à l'ensemble des sources de financement: en sciences de la santé, cette proportion était égale à 23,1%, tandis qu'elle atteignait 22,7% en sciences appliquées. Dans tous les autres cas, la part du financement privé reste inférieure à la m o y e n n e générale égale à 16,6% en 1988 et la part des investissements privés totaux attribués à chacun n'excède jamais 6,3% et varie de 1 à 3%.22 Les données de Statistique Canada, quoique compilées sur la base d'une classification différente des grands secteurs disciplinaires, viennent confirmer g l o b a l e m e n t ces résultats (tableau 12). Selon cette s o u r c e , la part du financement de sources privées aurait atteint 14% au Québec en 1987 dans le T a b l e a u 10 F i n a n c e m e n t de la r e c h e r c h e u n i v e r s i t a i r e par l'entreprise privé selon les grands secteurs disciplinaires. 1 9 8 1 - 1 9 8 8 1982 1981 1 Sciences santé Sciences pures Sciences appliquées Sciences humaines Sciences éducation Sciences administratives Arts Lettres 2 23,9 10,8 14,3 35,2 16,7 1 1984 1983 2 1 1 2 1986 1 2 1 2 1987 1988 1 2 1 2 36,8 19,7 17,8 11,3 14,7 22,6 30,0 26,4 19,2 9,8 9,4 19,7 10,0 11,8 20,9 10,2 17,2 23,1 32,8 23,7 28,6 30,9 30,2 24,7 15,7 33,2 26,8 14,2 29,3 10,8 8,5 23,8 35,1 11,4 22,7 3,2 2,6 4,4 3,8 4,8 3,7 7,6 8,0 4,0 4,2 6,9 6,1 8,4 6,3 1,4 7,4 2,2 7,9 2,7 4,9 1,0 3,4 1,2 5,9 1,5 10,8 2,2 11,4 1,6 6,5 1,1 9,9 1,9 8,8 1,6 15,7 3,8 9,7 3,6 5,8 2,2 13,6 2,9 15,1 3,1 0,04 7,7 0,2 0,2 0,1 0,1 12,0 0,2 3,7 0,3 7,9 0,1 2,3 11,4 0,1 0,4 5,8 0,1 19,2 5,0 0,8 6,9 6,4 0,8 10,6 6,0 2,8 0,2 0,2 Autres 3,9 3,3 10,9 27,3 6,6 10,8 0,8 0,7 2,5 Total 13,0 100,0 40,9 17,1 21,3 23,3 8,9 8,9 3,9 2,6 5,7 0,3 21,1 11,5 100,0 19,8 2 1985 11,3 0,3 17,0 11,2 100,0 1 1 3 100,0 1 - Financement d'entreprise en proportion du financement total 2 - Part du financement d'entreprise en proportion de tous les secteurs 1,1 10,5 100,0 1,8 10,9 100,0 1,9 13,9 4,8 13,7 100,0 28,1 16,6 100,0 Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 99 domaine des sciences naturelles et du génie (SNG), comparativement à 9,9% en sciences de la santé et à seulement 3,2% en sciences sociales et humaines (SSH). Ce schéma de financement est conforme à celui observé en Ontario et dans l'ensemble des autres provinces canadiennes. Fait à signaler, pourtant, la part du financement privé dans les SSH est sensiblement plus élevée au Québec en 1987 que partout ailleurs au Canada. Les données fédérales mettent donc elles aussi en évidence le caractère conjoncturel et inusité de ce résultat. Le tableau 13 désagrège les données relatives aux sciences de la santé en fonction de la classification CLARDER 2 5 des disciplines et rend compte du degré de dépendance des différents domaines scientifiques v i s - à - v i s le financement de sources privées. On peut y constater qu'à elle seule la médecine bénéficie de plus de 20% des investissements privés versés aux sciences de la santé. Statistique paradoxale, puisqu'avec 28% de ses revenus de recherche provenant du secteur privé cette discipline enregistre l'un des taux les plus faibles de ce secteur. Plus de 10% des investissements privés en santé sont attribués à l'immunologie dont la part des revenus de sources privées est égale à 35,1%. Le reste des investissements privés de ce secteur apparaît très dispersé parmi une quinzaine de disciplines approximativement. Fait remarquable, les disciplines bénéficiant d'une part moindre des investissements privés totaux versés aux sciences de la santé, sont également celles où les revenus de sources privées sont proportionnellement les plus élevés. En ce qui a trait aux sciences appliquées, on observe une importante concentration du financement privé autour de deux disciplines prioritaires: le génie électrique, qui regroupe 24,8% des investissements privés du secteur des sciences appliquées, et le génie chimique, qui totalise environ 12% du financement privé. Si la part du financement privé représente respectivement 33,3% et 21,3% des revenus totaux du génie électrique et du génie chimique, la palme revient toutefois aux technologies de l'ingénierie dont environ 80% des revenus de recherche dépendent d'investissements privés. Cette hiérarchisation disciplinaire du financement privé s'explique par le rôle prédominant du secteur pharmaceutique dans le financement de la R - D universitaire. En 1989, les sociétés pharmaceutiques canadiennes et étrangères ont versé 9M$ aux universités québécoises. Cette année-là, par ailleurs, quatre sociétés à capital de risque ont été créées dans le secteur de la santé: le Centre de recherche en diagnostic médical informatisé (7,5M$), le Centre de recherche en optométrie du Québec (1,5M$), le Centre de développement de lalame basale du Québec (1,4M$) et le Centre de recherche dentaire du Québec (0,5M$). Ce mode de financememnt de la R - D universitaire commence à prendre une Tableau 12 Évolution du financement privé de la R-D universitaire selon les grands secteurs disciplinaires. 1979-1987 1979 1982 1983 1984 FP en % RDU 6,0 6,4 6,3 5,8 7,6 6,7 5,1 10,0 9,5 8,3 11,0 Se. santé 9,4 5,3 5,5 6,2 SSH Ontario 1981 SNG Québec 1980 1,5 1,5 1,5 FP en % RDU 7,2 r 7,6 1 1985 1986 1987 6,7 7,1 10,1 9,9 9,7 10,3 14,0 7,6 6,5 6,4 6,8 9,9 1,4 1,7 1,6 1,6 1,8 3,2 7,8 6,8 6,8 7,3 7,9 7,6 8,7 ^ 11,4 12,3 12,3 10,8 10,4 11,4 12,8 12,0 14,2 Se. santé 7,4 7,7 8,3 7,0 7,4 7,6 7,9 7,8 8,7 SSH 1,8 1,7 1,8 1,6 1,5 1,6 1,8 1,7 1,7 FP en % RDU 6,0 5,8 6,2 5,4 5,9 6,1 6,7 6,4 7,9 SNG 9,3 9,4 9,8 8,3 9,0 9,4 10,2 9,9 12,2 Se. santé 6,1 5,2 5,9 5,4 6,1 6,2 6,7 6,4 7,9 SSH 1,4 1,3 1,4 1,2 1,3 1,3 1,4 1,4 1,8 SNG Canada Source: Statistique Canada, Compilations spéciales Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 101 Tableau 13 Financement de la R-D universitaire en sciences de la santé et en sciences appliquées. 1988-89 Disciplines SCIENCES DE LA SANTÉ Médecine Immunologie Cardiologie et hématologie Pneumologie et rhumatologie Biologie et biochimie médicale Médecine expérimentale Pédiatrie Médecine spécialisée Obstétrique et gynécologie Pharmacie Chirurgie buccale Chirurgie générale Médecine vétérinaire Médecine dentaire, chriurgie dentaire Epidémiologie Autres Total SCIENCES APPLIQUÉES Génie électrique, électronique, informatique et des communications Génie chimique (incluant le raffinage du pétrole) Phytotechnie Génie métallurgique Technologie de l'ingénierie Génie mécanique Génie civil, de la construction et du transport Vivres, science et technologie des aliments Sciences de l'informatique Foresterie, génie forestier sciences du bois et sylviculture Génie biologique et biomédical Génie des pâtes et papiers Génie géologique Science et systèmes de l'informatique Secteur de l'ingénerie Autres Total % FP des se. de la santé Part des revenus de sources privées 20,7 10,2 7,6 7,3 6,6 5,7 5,3 3,9 3,8 3,4 2,4 2,1 1,3 1,1 0,8 19,8 100,0 28,3 35,1 46,1 52,6 36,7 19,6 34,2 27,5 41,7 51,6 91,2 39,7 12,4 27,0 4,8 13,9 25,5 24,8 11,8 7,8 5,4 4,7 3,6 2,8 2,8 2,7 33,3 21,3 29,4 25,2 79,1 10,3 7,7 18,6 30,7 2,3 2,0 1,9 1,9 1,6 1,6 22,4 100,0 19,4 15,4 22,9 34,5 16,6 21,4 16,3 21,2 102 Michel Leclerc & Yves Gingras Tableau 14 Financement privé de la R-D universitaire au Québec selon les facultés. 1989-90 Facultés Financement privé en M$ Financement privé en % des dépenses de R-D Médecine 20,432 12,6 Génies G. électrique G. min, et métal G. mécanique G. chiminique G. civil Se. de la terre 11,510 4,812 1,503 943 2,391 1,147 367 16,3 29,5 16,5 11,5 30,3 15,9 5,7 Sciences humaines 2,095 3,1 Sciences pures Biologie Physique Chimie Math, et informatique 2,342 360 421 523 721 4,3 1,9 3,4 4,4 7,2 Agriculture 1,817 9,1 Foresterie 1,051 22,5 38,965 10,1 Total ampleur inaccoutumée au Québec et risque d'avoir au cours des prochaines années un impact considérable sur les politiques publiques d'investissement. 24 Dans le domaine des sciences du génie et des sciences appliquées, les entreprises du secteur des télécommunications ont versé 3,4M$ (dont 3,3M$ par Bell-Northern Telecom) aux universités; celles du secteur des mines et de la métallurgie 2,8M$; celles du secteur des forêts et des ordinateurs 1,2M$ chacune; les entreprises du secteur du pétrole et du gaz 1,1 M$ et celles des secteurs de l'aéronautique et de la microélectronique 0,5M$ chacune. Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 103 Une ventilation du financement privé sur la base des structures facultaires plutôt que sur celles des catégories disciplinaires produit des résultats sensiblement différents quant aux détails, mais largement comparables quant au portrait d'ensemble. Le tableau 14 montre que c'est prioritairement dans les facultés de génie et de médecine que la part du financement privé reste la plus importante, aussi bien en valeur absolue qu'en valeur relative: la part des unes et des autres équivaut respectivement à 16,3% et 12,6%. Dans les facultés de foresterie, la part du financement privé apparaît sans doute plus élevée encore (22,5%), mais les revenus d'entreprises totalisent à peine 1M$. Dans les facultés de génie, ce sont d'abord les départements de génie chimique et de génie électrique qui dépendent le plus du financement privé avec environ 30% de leurs revenus de recherche provenant de cette source. Approximativement 16% des revenus de recherche des départements de génie civil et de génie minéral originent du secteur privé. A l'opposé, le financement de source privée ne représente que 3,1% des revenus totaux des facultés des sciences sociales et 4,3% de ceux des départements de sciences pures. Dans ce cas, ce sont d'abord les départements de mathématique et d'informatique (7,2%) qui bénéficient le plus du financement privé et les départements de biologie (1,9%) qui en profitent le moins. Quant aux facultés d'agriculture, près de 10% de leurs revenus totaux de recherche dépendent de l'aide du secteur privé. Ces r é s u l t a t s f o n t r e s s o r t i r c l a i r e m e n t un c o m p o r t e m e n t q u e les programmes de contrepartie semblent parfois tenir dans l'ignorance: la propension des industries à investir dans la recherche universitaire varie intensément suivant les secteurs. Autrement dit, les domaines de recherche qui sont les plus s u c e p t i b l e s de m e n e r é v e n t u e l l e m e n t à des p r o d u i t s commercialisables sont soutenus en priorité par l'entreprise. Appliquer de manière uniforme les mêmes principes d'allocation des fonds publics à des programmes gérés par des organismes ayant des clientèles aussi diversifiées que le CRM, le CRSH et le CRSNG ne constitue pas la manière la plus efficace de tenir compte des spécificités disciplinaires. Conclusion Ce n'est qu'au début des années 1980 que la plupart des pays industrialisés ont véritablement pris conscience que la santé des systèmes nationaux d'innovation ne dépendait pas seulement du nombre des brevets générés par la recherche, mais de plus en plus de l'interface entre l'offre de connaissances nouvelles et la demande pour elles. 25 Les relations université-entreprise sont peu à peu apparues, dans certains milieux tout au moins, comme une réponse intrinsèque née de la force des choses. Et il n'y a aucune raison d'en douter, les réseaux 104 Michel Leclerc & Yves Gingras d'interactions entre l'université et l'industrie constituent une transformation irréversible. 26 Nous avons tenté de mesurer l'intensité des liens qui se sont noués depuis une décennie entre l'université et l'entreprise à partir d'informations que nous savions contradictoires. Si les différentes sources de données que nous avons examinées aboutissent à des conclusions fortement différenciées, c'est bien évidemment parce que chacune d ' e l l e s renvoie à des réalités tout aussi contrastées. La séparation des méthodes n'est pas forcément une pratique malsaine, à condition toutefois que ces méthodes s'élaborent par rapport à une référence centrale. Tant et aussi longtemps que les organismes chargés de mesurer les flux financiers entre l'entreprise et l'université ne recoureront pas à une définition commune du secteur privé, les résultats qu'ils tireront de leur enquête respective resteront source et objet de c o n f u s i o n . A cet égard, incorporer les fondations et les OSBL dans le calcul du financement privé ne peut conduire qu'à une altération des faits et à une dénaturation de l'objectif de cette mesure. Le financement privé de la RDU doit être reconnu comme un indication de la fécondité des liens qui unissent l'entreprise et l'université, autrement dit l'indice mesurable de rapports interactifs entre la science et le marché. Dans ce contexte, le financement privé de la RDU constitue une façon d'évaluer la viabilité commerciale des travaux menés à l'université, de même que la capacité de l'économie à exploiter ce potentiel. Or, pour l'entreprise, le marché et l'espérance de profits est à l'origine de la décision de soutenir financièrement l'université. La logique des usages, déterminée par la demande en provenance du marché, doit donc guider le choix des composantes de ce calcul. Il se trouve que la décision d'allocation des fondations et des OSBL n'obéit pas à des critères de ce type et répond à des motifs qui ne font pas intervenir la réalité du marché. Une fois de plus, il s'agit moins de savoir comment mesurer les faits, que de déterminer lesquels s'accordent le mieux aux réalités dont on cherche à comprendre le sens. Il n ' y a pas eu, entre 1980 et 1988, de longévité de c r o i s s a n c e du financement privé. Ce n'est que depuis 1986 qu'on enregistre un véritable redressement des investissements financiers en provenance du secteur privé. Si les investissements se sont singulièrement accrus depuis ce moment, alors qu'ils étaient ralentis depuis 1980, rien ne permet de conclure que ce mouvement est l'expression d'une volonté politique nouvelle et soutenue des entreprises. Cette croissance, on l'aura remarqué, coïncide avec la mise en oeuvre de programmes publics de soutien aux relations université-entreprise. Les moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics ont-ils été supérieurs à ceux retenus par les Les indicateurs du financement privé de la R-D universitaire au Québec 105 gouvernements étrangers ou, au contraire, est-ce donc la capacité du secteur privé à e x p l o i t e r ces m o y e n s qui est en c a u s e ? La r é p o n s e reste e n c o r e incertaine, mais ce qui paraît assuré, en revanche, c'est que cette évolution est tout autant lerésultat d'une croissance forcée du financement privé - dont les gouvernements supportent l'essentiel des coûts - que le fruit d'une impulsion délibérée du secteur privé. Concrètement, on est encore loin de l'épanchement f i n a n c i e r a n n o n c é par certains. On peut à j u s t e titre c o n s i d é r e r que si le financement privé s'est trouvé en position de croissance, c'est en raison du déclin du financement de source publique autant que de la croissance de ses propres moyens. Qu'il suffise de rappeler, à ce propos, que les crédits d'impôts à la R - D octroyés par le Gouvernement du Québec en 1988 totalisaient 87M$, soit 37M$ de plus que l'ensemble des contributions du secteur privé à la R - D universitaire." Par ailleurs, la croissance du financement privé reste insignifiante en regard de l'augmentation relative des budgets de la R - D industrielle. On retiendra s e u l e m e n t , à ce p r o p o s , q u e la r e c h e r c h e u n i v e r s i t a i r e n ' a pas p r o f i t é équitablement de la croissance de la DIRDE au cours de la décennie 1980. Il peut être tentant, au sein des administrations universitaires, de considérer les statistiques de la recherche comme autant de boîtes noires inaccessibles à la critique ou à l'examen. Notre analyse suggère au contraire qu'il est essentiel de bien comprendre la signification réelle des indicateurs si l'on veut refléter fidèlement les faits observés. Les statistiques sinon risquent d'apparaître bien vite comme des porteuses de chimères plutôt que des emblèmes de la vérité. Notes: 1 OCDE, Indicateurs de la science et de la technologie - OCDE, no. 2, Paris, 1986 2 B. Latour, La science en action, Paris, uvcrte, 1989, p. 275. 3 E. Mansfield, Academic Research and Industrial Innovation, Research Policy, vol. 20, no. 1, 1992, pp. 1-12 ^ Statistique Canada, Industries manufacturières du Canada: niveaux national et provincial, Ottawa, catalogue 31-203, 1988; Bureau de la statistique du Québec, Statistique sur la recherche et le développement industriels au Québec, 1988, Québec, 1990; Ministrère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, La recherche scientifique et le développement expérimental au Québec - Répertoire 1987-1988, Québec, 1988. 5 Michel Leclerc, Les relations université-entreprise entre l'État et le besoin, Revue canadienne de l'enseignement supérieur, vol. XXI, no. 1, 1991, pp. 54-70. ^ Conseil de la science et de la technologie, Conjoncture 1991, Québec, avril 1991, p. 80. 106 Michel Leclerc & Yves Gingras 7 OCDE, Les relations université-entreprise février 1990 (DSTI/SPR/89.37). dans les pays de l'OCDE, Paris, 21 8 Au moment de réaliser cette élude, les données de 1989 n'étaient pas disponibles pout l'ensemble des sources untilisés, ce qui rendait impossible toute comparaison entre les méthodes. Quant aux données les plus récentes, elles ne modifient aucunement les principales conclusions de la présente étude: au contraire, elles soulignent encore davantage la confusion méthodologique qui préside au décompte des statistiques du financement industriel de la RDU au Canada. Signalons, par ailleurs, que les données publiées en août 1992 (Statistique Canada, Estimâtes of Canadian Research and Development Expenditures [GERD], National 1963 to 1992, and by province 1979 to 1990, Ottawa) fixent à 8,1% ce niveau de financement pour l'année 1989 au Québec, niveau qui chute à 7% en 1990. ® M. Callón, Les indicateurs des sciences et des techniques, Recherche Technologie, No. 1, janvier-mars 1986, p. 50. et En novembre 1986, le gouvernement fédéral adoptait un plan quinquennal de financement des conseils subventionnaires grâce auquel toute augmentation des budgets des conseils supérieure au budget de référence de l'année 1985-1986 serait accordée à condition qu'elle fut assortie d'une contribution équivalente du secteur privé. Le f i n a n c e m e n t s u p p l é m e n t a i r e des b u d g e t s des c o n s e i l s était d o n c a c c o r d é en « c o n t r e p a r t i e » d'une contribution jugée admissible du secteur privé et ce jusqu'en 1990-1991. ' ' Statistique Canada, Estimation des dépenses au titre de la recherche et du développement dans le secteur de l'enseignement supérieur, 1988-89, Ottawa, août 1990, St-90-05, p. 15. 12 OCDE, op. cit. Pour l'OCDE, le secteur de l'enseignement supérieur comprend, outre les universités, toutes « l e s grandes écoles, instituts de technologie et autres établissements post-secondaires, quelle que soit l'origine de leurs ressources financières et leur statut juridique. Il comprend également tous les instituts de recherche, les stations d'essai et les cliniques travaillant sous le contrôle direct des établissements d'enseignement supérieur ou administrés par ou rattachés à ces derniers, > > in OCDE, La mesure des activités scientifiques et techniques, <<Manuel de Frascati,>> Paris, 1989. OCDE, Les relations université-entreprise, op. cit. Voir à ce sujet Conseil des sciences du Canada, Le maillon consolidé, Rapport No. 29, Ottawa, février 1979; John N.H. Britton et James M. Gilmour, Le maillon le plus faible. L'aspect technologique du sous-développement industriel du Canada, Etude No. 43, Ottawa, Conseil des sciences du Canada, 1980. 16 J.-J. S a l o m o n , Science et politique, Paris, Seuil, 1970, p. 209. C e t t e disproportion de l'effort de recherche fondamentale menée à l'université par rapport aux dépenses de recherche industrielle consacrées à la recherche finalisée constitue, par ailleurs, l'un des particularismes des « p e t i t s p a y s » selon Vivian Walsh (Technologie et compétitive et les problèmes des petits pays, ST1 Revue, No. 2, septembre 1987, pp. 85-140). Les indicateurs du financement privé de la R - D universitaire au Q u é b e c 107 Ces données sont tirées de OCDE, Principaux indicateurs de la science et de la technologie, 1982-1988, Vol. 2, Paris, 1988; MESS, Indicateurs de l'activité scientifique - Compendium 1992, Québec, mai 1992. K. Pavitt, What makes basic research economically useful?, Research Vol. 20, No. 2, avril 1991, p. 116. Policy, General Accounting Office, R&D Funding - Foreign Sponsorship University Research, GAO/RCED - 88-89-BR, Washington, D.C., 1988. of U.S. Cette définition est tirée du questionnaire d'enquête Survey of scientific and engineering expenditures at universities and colleges, FY 1990, fournie par la Division of Science Resources Studies de la NSF. Voir aussi à ce sujet National patterns ofR & D resources: 1989, NSF, 89-308 (Washington, DC: NSF, 1989). 71 Conseil de la science et de la technologie, Conjoncture, 1991, Québec, avril 1991, p. 82. En raison d'une subvention exceptionnelle, mais modeste, accordée au secteur des arts en 1987, la part du financement privé se situe à un niveau plus élevé que celui enregistré dans les autres secteurs. Mais parce que l'année 1987 constitue une anomalie dans le secteur des arts et que la part des investissements privés qui lui revient reste marginale en regard des investissements privés globaux (0,8%), il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans cette analyse. On observera, par ailleurs, que la part du financement privé dans le secteur des arts oscille traditionnellement entre 0,8% et 3,3%. La classification CLARDER des disciplines a etc introduite par l'Université du Québec en 1972. Elle constitue une adaptation de la classification américaine HEGIS et répartit les disciplines et sous-disciplines en 408 catégories. Voir à ce DGERU, Classification et regroupement des domaines d'enseignement et de recherche. La classification générale 2/83 CLARDER, Québec, janvier 1984; R.A. Huff, A Taxonomy of Instructional Programs in Higher Education, Western Interstate Commission for Higher Education and M.O. Chandler, Office of Education and National Centre for Educational Statistics, Washington, 1970. La firme de courtage Lévesque Beaubien Inc. a d'ailleurs lancé à l'été 1991 un ambitieux programme, étalé sur deux ans, de financement par capital de risque d'une valeur globale de 130 millions de dollars. Ce financement est destiné à soutenir des projets de recherche biomédicale pilotés par l'Université McGill, le CHUL et l'Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM). Voir à ce sujet Research Money, Vol. 5, No. 12, 17 juillet, 1991, pp. 1-4. R. Nelson, Institutions supporting technical change in the United States. In G. Dosi et al., Technical change and economic theory, Londres, Pinter Publishers, 1988, pp. 312-329. M.C. Baba, University innovation to promote economic growth and industry relations, Austin, IC2 Institute, 1987. 27 MESS, op. cit., p. 23. university/
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