24 Marcel de Grandpré 2. Evaluation des études à l'entrée à l'Université de Montréal MICHEL COTE Provenance des étudiants Pour l'année scolaire 1973-1974, l'Université de Montréal a inscrit 731 nouveaux étudiants étrangers, portant à 1,718 le total d'étudiants étrangers pour cette année. Par étranger, nous entendons tout étudiant qui n'est ni citoyen canadien ni "immigrant reçu" au Canada. Ces étrangers s'ajoutaient à 19,067 étudiants du Québec, tandis que 120 venaient des autres provinces du Canada. Ils formaient 8.9% de la population étudiante. Ces totaux ne comprennent pas l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales, ni l'Ecole Polytechnique, affiliées à l'Université de Montréal. Des 731 nouveaux étudiants, 337 postulaient un grade supérieur: maîtrise ou doctorat, et 394 un premier grade: baccalauréat ou certificat. Ils étaient originaires de 70 pays différents répartis sur les 5 continents. Le tableau suivant indique la distribution des nouveaux étudiants étrangers par continents et selon la langue maternelle, en distinguant les premiers grades des grades supérieurs. Il est intéressant de noter que 529, soit 72.4%, sont originaires de pays anglophones. Les pays francophones ne sont représentés que par 58 étudiants, soit 7.9% seulement des 731 étudiants étrangers. Provenance des nouveaux étudiants étrangers inscrits à l'Université de Montréal en 1973-1974 a. par continents Grades supérieurs 1er grade Total Afrique 79 98 177 Amérique 49 68 117 Asie 32 45 77 176 180 356 1 3 4 337 394 731 Europe Océanie Total 25 L'équivalence des études supérieures b. selon la langue maternelle Grades supérieurs Pays francophones Pays anglophones Autres pays Total 1er grade Total 29 29 58 233 296 529 75 69 144 337 394 731 La proportion (42.6%) des nouveaux étudiants étrangers inscrits peut paraître énorme par rapport au nombre total d'étrangers inscrits, soit 1,718. L'explication en est qu'un étudiant étranger ayant terminé un premier grade et s'inscrivant à un grade de deuxième cycle, est considéré comme un nouvel étudiant. Par conséquent, les 394 nouveaux aux premiers grades sont effectivement des étudiants qui arrivent à l'Université; les 337 autres des grades supérieurs sont en partie seulement de nouveaux étudiants. Certains de ceux-ci ont terminé un premier grade à l'Université de Montréal, mais il est impossible d'en établir le nombre exact. Un autre fait à signaler, et qui explique tout le travail qu'impose l'évaluation des études des candidats étrangers, c'est le nombre de demandes d'admission. Pour en arriver à inscrire 731 nouveaux étudiants étrangers, il a fallu étudier beaucoup plus de demandes d'admission. Pour les premiers grades, par exemple, plus de 1,558 demandes d'admission venaient de l'étranger. Donc, 1,164 candidats ont été refusés ou bien se sont désistés. Un candidat "se désiste" lorsqu'il n'accepte pas une offre d'admission, ne complète pas son dossier ou ne répond pas à un avis d'admission ou de liste d'attente. Un candidat est refusé lorsque son dossier ne répond pas aux normes d'admissibilité. La proportion des candidats étrangers qui ont fait une demande d'admission mais qui en fin de compte ne se sont pas inscrits parait très considérable. Cela s'explique par le fait que certains présentent des demandes dans plusieurs universités. De plus, la plupart choisissent les secteurs où la capacité d'accueil est le plus limitée et où ils entrent par conséquent en compétition avec beaucoup d'autres candidats. A cela, il faut ajouter que les facultés de médecine et de médecine dentaire ne peuvent admettre que des citoyens canadiens ou des immigrants reçus. Peut-être faut-il aussi souligner que plusieurs demandes sont liées à l'obtention de bourses, de frais de séjour et d'autres avantages dont l'Université ne dispose pas en nombre suffisant. 26 Marcel de Grandpré Evaluation des candidats étrangers Il convient d'abord de signaler que l'étude des dossiers se fait de façon différente au premier cycle et aux deuxième et troisième cycles. Généralement, tous les étudiants qui postulent un premier grade universitaire sont soumis à des règles spécifiques appliquées par les officiers d'admission du Bureau du Registraire. C'est donc dire que tous ces dossiers se retrouvent à un même endroit et sont étudiés de façon identique pour un pays donné. Par contre, l'étude des dossiers des étudiants qui postulent un deuxième ou un troisième cycle, c'est-à-dire une maîtrise ou un doctorat, est totalement différente. Ces cas ne sont pas traités à un même endroit, mais dans chacune des facultés et départements concernés. Cela revient à dire que les normes d'admissibilité de ces candidats sont beaucoup plus à tendance qualitative qu'au premier cycle. Le département fait, autant que possible, l'étude du contenu du programme suivi antérieurement par l'étudiant, afin d'établir si sa préparation est adéquate. On peut ainsi déterminer si un candidat doit suivre certains cours préalables d'un cycle inférieur, ou s'il peut être admis directement au grade qui l'intéresse. L'établissement d'équivalences pour les grades supérieurs est relativement simple. Le département peut assez facilement comparer le programme d'une autre université à son propre programme et à ses objectifs. Au premier cycle, tous les dossiers sont remis aux officiers d'admission du Bureau du Registraire (exception faite des facultés de médecine et de musique) qui, après accord avec les départements concernés, émettent toutes les décisions. La méthode générale employée pour l'admission au premier grade se fonde ainsi, par conséquent, sur l'aspect quantitatif. En effet, il s'est avéré impossible de vraiment évaluer en détail le contenu des études faites au niveau préuniversitaire. On peut établir tout au plus une équivalence de niveau. Nous calculons donc en nombre d'années le temps qu'un étudiant prend pour compléter le cycle qui le rend admissible à l'université dans son pays. En même temps, nous calculons aussi le nombre d'années nécessaires pour obtenir un premier grade universitaire dans le même pays. Or, au Québec, un étudiant doit compléter treize années de scolarité pour obtenir l'admission à l'université et trois années supplémentaires pour terminer un premier grade. D'où la norme générale que nous appliquons: les étudiants étrangers doivent avoir dans leur dossier une scolarité quantitativement équivalente. Prenons un exemple. En Espagne un étudiant met dix ans pour obtenir un baccalauréat secondaire (bachillerato general superior). Il ajoute ensuite une ou deux années préparatoires à l'université. Les meilleurs candidats font cette préparation en un an et les autres en deux. Ensuite, il faut cinq années d'études universitaires pour obtenir le premier grade (licenciatura). Comparons maintenant les deux systèmes. L'étudiant espagnol doit compléter trois années d'étude après son baccalauréat secondaire pour être au même point que l'étudiant québécois: donc nous lui demandons d'avoir terminé son baccalauréat secondaire (10 ans), sa préparatoire (2 ans pour la majorité des cas) et enfin une année de sa licence, ce qui fait un total de treize années d'étude. A partir de cette norme quantitative, nous pouvons nous prononcer sur son admissibilité à la première année de notre premier cycle. A ce moment entre enjeu le programme particulier suivi par le candidat: il doit avoir étudié dans un domaine connexe à celui qu'il postule. Par exemple, s'il veut être admis en sciences pures, l'étudiant d'Espagne doit avoir consacré à des concentrations scientifiques 27 L'équivalence des études supérieures les deux ou trois dernières années de ses études. Pour d'autres pays, comme la France et le Vietnam, nous tenons compte de la concentration du baccalauréat secondaire. Enfin, les résultats scolaires (souvent difficiles à évaluer) et la mention obtenue, s'il en est, viennent compléter l'étude d'évaluation des candidats étrangers. Ces trois normes: nombre d'années d'études, concentration, résultats obtenus, sont appliquées à chaque candidat étranger avant de décider d'une admission ou d'un refus. Bien entendu, si le candidat ne répond pas à l'une ou l'autre des normes, nous devons lui refuser l'entrée à l'université. Problèmes rencontrés Si nous faisons une brève évaluation de cette méthode, il apparaît évident que ses limites peuvent laisser songeur. En effet, il ne suffit pas de faire treize années de scolarité dans un pays donné pour avoir une formation nécessairement équivalente à celle de treize années dans un autre pays. Nous nous en rendons bien compte, mais vu l'impossibilité d'avoir en mains le contenu des programmes de tous les pays du monde ou même d'un bon nombre d'entre eux, nous sommes forcés d'agir ainsi. Les instructions qui accompagnent la formule de demande d'admission spécifient que "tout diplôme étranger doit être accompagné d'un annuaire donnant le détail des programmes et des conditions requises pour son obtention", mais nous ne réussissons à peu près jamais à l'obtenir. Nous avons pensé à refuser toutes les demandes reçues sans cette pièce. Ce serait rejeter automatiquement presque toutes les candidatures étrangères parce que les étudiants eux-mêmes ne peuvent généralement pas l'obtenir. Nous avons d'ailleurs écrit directement aux autorités dans divers pays pour obtenir les programmes d'études, mais sans succès. De plus, nous demandons que tout document rédigé dans une langue autre que l'anglais ou le français soit accompagné d'une traduction française certifiée par le consulat du pays d'origine. Quand il s'agit de diplômes, cela va, mais quand il s'agit de tout un programme d'études, c'est peut-être une exigence onéreuse pour un cancidat. Parfois, nous interrogeons les candidats sur les programmes d'études, mais ils sont rarement ici lorsque l'étude des dossiers est faite. Les renseignements qu'ils fournissent sont sujets à caution, d'ailleurs, dans beaucoup de cas. Nous cherchons quand même à mieux connaître les programmes. Pour certains pays, comme la France et les pays qui suivent le programme français, c'est facile car ils sont publiés. Pour d'autres nous continuons nos recherches. Mais il faut bien admettre que ce n'est pas tout de connaître le texte d'un programme. Il faudrait prendre d'autres facteurs en considération pour faire une évaluation sérieuse. Derrière les textes il y a la réalité, qu'il faut connaître aussi. Par exemple, l'organisation matérielle. Le Vietnam est un pays perturbé par de nombreuses guerres. Il est donc évident que les candidats formés dans les domaines scientifiques n'ont pas eu les mêmes équipements de laboratoire que les étudiants de France. De même, d'autres pays viendront des étudiants qui n'ont jamais vu un laboratoire. Nous demandons souvent, en conséquence, à ces étudiants de compléter une année ici avant d'entrer à l'Université. Enfin, il faut admettre qu'il sera toujours ardu, voire impossible, de comparer le contenu d'un programme d'Haiti, par exemple, avec le contenu d'un programme du Québec. Chacun a son orientation et sa philosophie ; les objectifs sont différents. Aussi bien tenter de comparer 28 Marcel de Grandpré des oranges et des citrons. Il vaudrait peut-être mieux éviter les comparaisons douteuses et procéder autrement. Oui, mais comment? Tentatives de solutions Vu la difficulté de comparer les programmes et les conditions d'études, nous nous sommes résignés à une étude quantitative pour la majorité des pays. Dans le cas de la France, du Liban, du Vietnam et des Etats-Unis, nous avons une information qui nous permet d'ajouter un aspect qualitatif à notre étude, mais de façon bien timide. Les études faites par d'autres universités du Québec et les publications de divers organismes nationaux ou internationaux, nous ont aidés à formuler pour 55 pays, ceux d'où nous viennent la plupart des candidats étrangers, des normes pratiques. Nous cherchons encore le moyen d'évaluer adéquatement à la fois les aspects quantitatifs et les aspects qualitatifs. Il nous apparaît de plus en plus évident qu'il serait impossible de manipuler autrement que par ordinateurs la masse des informations d'ordre qualitatif. Il faudrait amasser l'information, la codifier, trouver le moyen adéquat de s'en servir, appliquer des normes, qui ne pourraient pas d'ailleurs être invariables. C'est là un programme de travail fort ambitieux et qui pose maints problèmes. Devrait-on, par exemple, considérer l'aspect qualitatif comme absolument nécessaire pour porter un jugement? Serait-il suffisant? Doit-on évaluer les contenus de programmes par comparaison, ou simplement les analyser en eux-mêmes? Autant de questions sans réponse pour l'instant. Pour l'admission au premier cycle universitaire, il nous faut continuer à considérer l'aspect quantitatif comme actuellement et utiliser de plus en plus l'aspect qualitatif en complément de l'information quantitative. Le quantitatif est sans doute anonyme et sans nuances, mais il a cet avantage d'être mathématique et difficilement réfutable. L'organisation d'une documentation adéquate d'ordre qualitatif (contenu des programmes et de leurs concentrations, méthodes et moyens pédagogiques, modes d'évaluation, etc..) requerrait dans chaque université un personnel spécialisé, des moyens techniques importants et une mise à jour constante. Est-il réaliste d'adopter un mode d'établissement des équivalences aussi coûteux? Quelles méthodes procureraient l'information requise à des coûts plus raisonnables? Disons pour terminer que ce problème doit être fouillé et étudié en profondeur. De plus en plus d'étudiants vont poursuivre des études à l'étranger et, par le fait même, de plus en plus de responsables d'admissions ont à se prononcer sur des dossiers.
- Author