The Canadian Journal of Higher Education, Vol. XXII-1, 1992 La revue canadienne d'enseignement supérieur, Vol. XXII-1, 1992 L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la d i v e r s i t é de l ' i n t e r v e n t i o n p u b l i q u e et les e f f e t s redistributifs au Québect CLÉMENT LEMELIN* Résumé Portant sur les effets redistributifs du financement public de l'enseignement postsecondaire, ce mémoire insiste sur la variété des formes qu'emprunte l'intervention de l'État dans /'enseignement postsecondaire, ainsi que sur les différences de sa valeur pour les étudiants et leur famille. Le collège et l'université sont distingués et trois types d'intervention sont considérés: les subventions aux établissements, l'aide aux étudiants et les dépenses fiscales. On montre comment la corrélation entre la valeur de la subvention aux établissements et l'origine sociale peut modifier l'estimation des effets redistributifs: les étudiants ne choisissent pas un régime d'études et ne se répartissent pas dans les divers programmes d'études au hasard, indépendamment de leur origine sociale. Parmi les résultats obtenus, on note que les effets redistributifs sont différents au collège et à l'université. Abstract The main purpose of this paper, which deals with redistribution effects of public spending on post-secondary education, is to emphasize the importance of * Université du Québec à Montréal t Le texte présente les résultats de travaux rendus possibles grâce à une subvention de recherche obtenue du Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la recherche du Gouvernement du Québec (FCAR, Programme de recherche thématique, volet Actions spontanées, dossier 89AS2673). Nous tenons à remercier Hélène Laliberté et Philippe P r u d ' h o m m e pour leur assistance de recherche, ainsi que Lorraine Ouellet, de la C R E P U Q , les participants à un séminaire organisé par Michael Skolnik à l'Ontario Institute for the Study of Education et un commentateur anonyme de cette Revue, qui ont eu l'amabilité de procéder à une critique systématique d'une première version de ce texte. L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 85 accounting for the various forms of public intervention and the differences in its value for students and their families. The CEGEPs and universities are distinguished and three types of public intervention are considered: subsidies to institutions, student aid and tax expenditure. The correlation between social origin and the value of subsidies can change the direction of redistribution effects: students do not register part-time or full-time, nor do they opt for a * program randomly and independent of their social origins. Redistribution effects are shown to be different for college and university. 1. Introduction L'économie de l'éducation résonne encore des échos du débat amorcé par Hansen et Weisbrod (1969) sur les effets redistributifs du financement public de l'enseignement supérieur. Plusieurs en auront retenu que l'intervention est régressive, même si Pechman (1970) et Blaug (1982) mettent en doute une telle interprétation. Chose certaine, le sens des effets redistributifs peut varier d'un pays ou d'une période à l'autre. Selon Stager (1989), on peut relever quelques études canadiennes sur le sujet et la plupart (Mehmet (1978), Meng et Sentance (1982)) concluent à la régressivité. Stager note qu'aucune étude récente n'a été réalisée sur le sujet au Canada. Lemelin (1981) analyse brièvement les effets redistributifs au Québec pour le milieu des années 1970; il suggère que les effets sont régressifs à l'université, mais pas au collège. Dans ce qui suit, nous voulons mettre en garde contre un verdict trop global, qui peut masquer des situations particulières. (1) Au Québec, l'enseignement postsecondaire comprend deux ordres d'enseignement distincts, le collège et l'université. (2) L'intervention publique en faveur de l'enseignement supérieur revêt plusieurs formes: subventions aux établissements, aide aux étudiants, dépenses fiscales, etc. (3) Tout comme pour ces deux derniers programmes, la subvention aux établissements implique des bénéfices variables d'un étudiant à l'autre, en fonction du régime d'études (inscription à temps complet ou à temps partiel), du niveau d'études (diplôme d'études collégiales, certificat d'études universitaires, baccalauréat, maîtrise, doctorat) et du champ de spécialisation. A l'origine, nous voulions nous assurer que la conclusion selon laquelle les effets redistributifs du financement public de l'enseignement universitaire étaient régressifs au Québec au milieu des années 1970 tenait toujours au milieu des années 1980, nonobstant la hausse de la fréquentation scolaire, qui pourrait s'être traduite par une meilleure représentation des groupes moins favorisés. Dans le déroulement de nos travaux, il nous est apparu que les différences dans 86 Clément Lemelin la valeur de l'intervention publique étaient importantes et que cette valeur était corrélée avec l'origine sociale des étudiants. 2. Quelques éléments de méthodologie. Selon la perspective retenue dans la présente étude, l'intervention publique dans l'enseignement postsecondaire a pour effet de prélever auprès de l'ensemble des familles des ressources qui, après transformation en services d'enseignement, leur bénéficieront à des degrés divers. Il s'agit d'établir un bilan mettant en relation les coûts et les bénéfices de l'opération pour divers groupes de familles. 1 Même si l'analyse paraît relativement simple, il importe de préciser certains choix méthodologiques. la répartition des bénéfices N o u s ne r e t e n o n s que les b é n é f i c e s les p l u s d i r e c t s et i m m é d i a t s de l'intervention et qui sont le fait de l'étudiant ou de ses proches; nous excluons de l'analyse tous les effets externes. De plus, nous évaluons ces bénéfices à l'aide de la valeur des dépenses publiques imputables à l'étudiant. On trouvera chez Mehmet (1978), ainsi que chez Meng et Sentance (1982), des mesures des b é n é f i c e s qui font r é f é r e n c e au s u p p l é m e n t de revenu e n g e n d r é par la formation. La mesure des bénéfices à l'aide des dépenses, qui est courante en économie de l'éducation, a l'avantage de simplifier notre travail, puisqu'il suffit de comparer les parts de bénéfices et de coûts, dont la valeur totale est la même. La redistribution prend alors la forme d'un jeu à somme nulle: les gagnants sont les groupes dont la part des bénéfices (ou des dépenses) est supérieure à la part, correspondante des coûts (ou des prélèvements). la répartition du fardeau des coûts La répartition des coûts exige que soient identifiés les prélèvements servant à financer l'enseignement. Il n'existe aucun impôt qui a cette fin spécifique au Québec. Même si l'enseignement supérieur est de juridiction provinciale, l'État f é d é r a l j o u e un rôle non n é g l i g e a b l e , par l ' e n t r e m i s e , n o t a m m e n t , du financement des programmes établis. Pour les fins de notre exercice, nous faisons l'hypothèse que c'est l'ensemble des prélèvements provinciaux et fédéraux effectués au Québec qui sert au financement de l'enseignement postsecondaire. Pour établir le fardeau des divers prélèvements sur les familles, nous retenons les hypothèses principales faites à ce sujet par Payette et Vaillancourt L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 87 (1986): l'impôt sur le revenu des particuliers est défrayé par les titulaires du revenu, les impôts de la sécurité sociale le sont par les travailleurs, l'impôt sur la consommation est supporté par les consommateurs et l'impôt sur les profits des sociétés est réparti également entre les consommateurs et les travailleurs. la famille comme bénéficiaire Les effets redistributifs que nous évaluons s'opèrent entre les familles qui composent la société québécoise. Nous plaçons les étudiants dans leur famille d'origine et nous faisons l'hypothèse que les bénéficiaires de l'intervention publique sont ces étudiants et leurs parents. En procédant ainsi et en évaluant les bénéfices à l'aide des dépenses, nous dérivons des effets redistributifs de court terme, qui doivent être distingués des effets à plus long terme sur la distribution des revenus, observée lorsque l'investissement en capital humain fait sentir ses effets sur le marché du travail. le critère de regroupement des familles La définition du critère de regroupement des familles n'est pas évidente. A l'origine, Hansen et Weisbrod (1969) séparent les familles selon la présence d ' u n étudiant et selon le type d'établissement fréquenté. Dans sa critique, Pechman (1970) choisit de regrouper les familles selon le revenu et obtient des résultats complètement différents avec les mêmes données. La définition des groupes de familles selon un critère d'appartenance sociale apparaît préférable: établir que les principaux bénéficiaires de la subvention publique sont les familles des étudiants nous semble tautologique, même s'il peut être intéressant de montrer, dans un deuxième temps, que leurs revenus sont supérieurs à la moyenne. Comme l'affirment Bowman, Millot et Schiefelbein (1986), le revenu, la profession et le niveau d'instruction constituent autant d'instruments plausibles permettant de définir l'appartenance sociale. Même si le critère de revenu paraît à première vue plus utile, puisqu'il est utilisé en Amérique du Nord dans la plupart des études portant sur les effets redistributifs et que les résultats sont faciles à interpréter, nous regroupons dans cette étude les familles par le niveau d'instruction du chef de famille. À cause des données disponibles, qui sont décrites plus bas, nous devons mettre en relation deux répartitions, obtenues de sources différentes: la répartition des coûts, déterminée par les contributions fiscales, et la répartition des bénéfices, déterminée par la fréquentation scolaire. Si nous utilisions le revenu comme critère de regroupement des familles nous risquerions fort d'obtenir des résultats biaisés. Alors que les revenus permettant 88 Clément Lemelin de définir la répartition des contributions auraient été définis par les chefs de famille, les revenus nécessaires au calcul de la répartition des bénéfices l'auraient été par les étudiants. Or, il y a fort à craindre que les étudiants connaissent mal les revenus de leurs parents et qu'ils les sous-estiment, ayant souvent tendance à confondre revenu familial et revenu de travail des parents. Cette tendance à la sous-estimation des revenus est susceptible de biaiser les résultats vers la progressivité, les étudiants apparaissant, à cause de leurs réponses, issus de famille peu favorisée.-^ Quant au deuxième critère plausible, la profession, sa classification, définie par Statistique Canada, est très rivée au type d'industrie où est exercé l'emploi et ne se prête pas à une interprétation limpide selon l'appartenance sociale. Le niveau d'instruction des parents est le critère utilisé ici. Cette variable est p l u s f a c i l e m e n t r e p é r a b l e q u e le r e v e n u p a r les é t u d i a n t s de n i v e a u postsecondaire, dont les réponses ont moins de chances d'être biaisées, tout en é t a n t f o r t e m e n t c o r r é l é e a v e c le r e v e n u p e r m a n e n t ou la p o s i t i o n sociale. Selon Blaug (1971), on observe en science économique bien peu de corrélations aussi stables que la corrélation scolarité-revenu; en sociologie, les échelles de profession sont souvent construites en faisant référence au nombre d'années d'études de ceux qui exercent les diverses professions. Cela dit, il nous faut reconnaître les limites de ce critère. Si les familles dont le chef est plus instruit délèguent davantage d ' e n f a n t s au collège ou à l'université, ce n'est peut-être pas seulement à cause de leur position sociale ou de leur accès aux ressources matérielles; la corrélation entre le niveau d'instruction des parents et la scolarisation de leurs enfants pourrait bien refléter, en plus, des "goûts" différents, comme le suggèrent Baril, Robidoux et Lemelin (1986). Si tel est le cas, davantage de régressivité, ou moins de progressivité, sera obtenue en utilisant le critère de l'instruction plutôt que celui du revenu ou de la profession. les effets du cycle de vie La relation entre le revenu et l'âge est bien connue. Elle pose des problèmes à l'analyse des effets redistributifs. Les familles contribuent au financement public de l'enseignement postsecondaire tout au long de leur existence mais elles sont davantage susceptibles d'en profiter, grâce à la présence d'un enfant dans un établissement, lorsqu'elles sont situées à un endroit précis de leur profil de revenu, soit tout près du sommet. Ne pas en tenir compte risquerait encore une fois d'engendrer des biais. Pour pallier cette difficulté, nous constituons un ensemble fictif de familles, L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 89 celles qui sont susceptibles de bénéficier de la subvention au cours de la période considérée. Pour ce faire, nous excluons les familles dont le chef est âgé de moins de 35 ans ou de plus de 74 ans et nous pondérons les autres familles selon l'âge à l'aide de poids égaux au nombre moyen d'enfants âgés de 18 à 24 ans dans les familles définies par l'âge du chef. En constituant ce groupe représentatif de familles, nous désirons faire abstraction des effets redistributifs liés à l'âge. Nous confinons l'analyse aux effets qui se produisent à l'intérieur de la cohorte des familles susceptibles au cours de la période d'observation de tirer profit de l'intervention à cause de l'âge du chef de famille. Nous observons les contributions au cours de cette période et nous faisons l'hypothèse que la répartition du financement entre les divers groupes sociaux de cet ensemble de familles est la même que pour l'ensemble du cycle de vie. Nous confrontons ensuite cette répartition à la répartition des bénéfices, dont nous supposons également qu'elle est la même que pour l'ensemble du cycle de vie. 3. Les sources de données Les choix méthodologiques exposés plus haut sont tributaires des données disponibles, qui nous viennent principalement de l'Enquête auprès des étudiants du niveau postsecondaire de 1984 (EAEPS) et de l'Enquête sur les finances des consommateurs de 1984 (EFC). Réalisée par Statistique Canada pour le compte du Secrétariat d ' É t a t , l ' E A E P S nous permet d ' i d e n t i f i e r les caractéristiques personnelles des étudiants, leur origine sociale et une multitude de variables scolaires (type d'établissement, régime d'études, niveau d'études, champ de spécialisation, etc.). Pour les fins de notre analyse, notre échantillon se limite aux 7 723 étudiants de citoyenneté canadienne résidant et étudiant au Québec; à moins d'avis contraire, les résultats présentés ne font référence qu'aux 5 880 étudiants âgés de moins de trente ans, répartis en 3 255 étudiants universitaires et 2 625 collégiens.^ Réalisée également par Statistique Canada, l'EFC porte, quant à elle, sur l'ensemble des familles. On peut en tirer de nombreux renseignements sur la composition de la famille, les revenus de ses membres et leurs composantes, ainsi que diverses caractéristiques personnelles du chef de la famille. À partir de ces données nous définissons l'ensemble représentatif des familles les plus susceptibles de bénéficier de l'intervention publique dans l'enseignement postsecondaire au moment de l'analyse. Pour chaque famille nous évaluons la contribution f i s c a l e à l ' a i d e des taux m o y e n s d ' i m p o s i t i o n f é d é r a l e et 90 Clément Lemelin Tableau 1 R é p a r t i t i o n des coûts de l ' i n t e r v e n t i o n p u b l i q u e dans l ' e n s e i g n e m e n t postsecondaire au Québec en 1984 INSTRUCTION DU CHEF DE FAMILLE <DES DES POSTSECOND AIRE SANS DEU répartition des familles revenu moyen répartition du revenu contribution fiscale 26 692 .490 12 383 répartition des coûts .478 <DES: DES: SANS DEU: AVEC DEU: .593 .198 32 436 .098 38 498 .198 15 336 .197 .116 18610 .118 AVEC DEU .112 57 158 .197 28 630 .208 pas de diplôme d'études secondaires diplôme d'études secondaires, tout au plus études postsecondaires, sans diplôme d'études universitaires diplôme d'études universitaires provinciale calculés pour chacun des déciles de revenu. La répartition des familles par niveau d'instruction, leur revenu et les taux correspondants d'imposition nous permettent d'établir la répartition des coûts du financement public de l'enseignement supérieur décrite au Tableau 1. Ainsi, les familles dont le chef n'avait pas terminé ses études secondaires représentaient 59,3% du nombre total de familles du groupe représentatif; leur revenu moyen s'élevait à 26 692 dollars en 1984, alors que leur contribution fiscale, provinciale et fédérale, était pour la même année de 12 383 dollars. La contribution de ce premier groupe de familles représentait 47,8% de la contribution fiscale de l'ensemble des familles du groupe représentatif. Si leur part dans le financement est inférieure à leur part dans le revenu total (.490) et à leur représentation dans l'ensemble des familles (.593), c'est que leur taux moyen d'imposition est inférieur à la moyenne, ainsi que leur revenu moyen. Du Tableau 1 on retiendra surtout les parts de financement des quatre groupes, qui s'établissent à 47,8%, 19,7%, 11,8% et 20,8% pour les familles sans diplôme d'études secondaires, avec diplôme d'études secondaires, avec études postsecondaires sans diplôme d'études universitaires et avec diplôme d ' é t u d e s u n i v e r s i t a i r e s . Le f i n a n c e m e n t p u b l i c de l ' e n s e i g n e m e n t postsecondaire sera jugé progressif (régressif) si les parts correspondantes des bénéfices sont supérieures (inférieures) pour les groupes moins instruits et inférieures (supérieures) pour les groupes plus instruits. L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 91 Les parts de bénéfices peuvent être déterminées, dans un premier temps, par la répartition des étudiants selon le degré d'instruction de leurs parents. Nous avons voulu aller au delà de ce premier calcul et nous interroger sur des sources de différence dans la valeur de l'intervention publique qui pourraient être corrélées avec l'origine sociale des étudiants. Pour ce faire, nous distinguons les deux ordres d'enseignement supérieur que sont le collège et l'université au Québec et nous tenons compte de trois formes d'intervention de l'État, les subventions aux établissements, l'aide aux étudiants èt les dépenses fiscales. Parce qu'il constitue un stade antérieur de formation et qu'il a une mission de préparation immédiate au marché du travail, le collège recrute davantage en m i l i e u m o i n s f a v o r i s é que l ' u n i v e r s i t é . Q u a n t aux d i v e r s e s f o r m e s d'intervention, il est probable qu'elles représentent des valeurs qui varient avec l'origine sociale des étudiants, a) les subventions aux établissements Ces subventions correspondent aux dépenses d'enseignement, d'entretien, de soutien et administration et d'immobilisation, dont sont retranchés les droits de scolarité. Parmi les facteurs engendrant des variations dans la valeur pour les divers étudiants on peut relever le niveau d'études, le champ de spécialisation et le régime d'études. N o u s u t i l i s o n s d ' a b o r d des d o n n é e s de la D i r e c t i o n g é n é r a l e de l'enseignement et de la recherche universitaires (DGERU) sur les coûts d'enseignement à l'université par niveau d'études (premier, deuxième et troisième cycles) et par champ de spécialisation (onze secteurs disciplinaires) pour évaluer la variation de la subvention publique par étudiant à l'université. Nous faisons l'hypothèse que les dépenses d'entretien varient selon ces deux facteurs de la même façon que les dépenses d'enseignement mais que les autres dépenses par étudiant (administration et immobilisation) sont constantes. Nous supposons de plus que les dépenses pour un étudiant inscrit dans un programme court de certificat de premier cycle ne représentent que 75% du montant correspondant pour un étudiant inscrit dans un programme de baccalauréat ou menant à un premier grade professionnel. Nous faisons également varier la valeur de la subvention selon le régime d'études (études à temps complet ou à temps partiel). Sur la base des données du Recensement des clientèles universitaires (REÇU), nous établissons la subvention pour un étudiant à temps plein à 3,2 fois celle pour un étudiant inscrit à temps partiel à l'université. Ne disposant pas d'information spécifique pour le collège, nous utilisons le même ensemble de poids pour pondérer les collégiens à temps plein et à temps partiel. Cette correction est la seule qui a pu 92 Clément Lemelin être faite pour ces derniers, les données disponibles ne nous permettant pas de préciser l'impact des autres facteurs, notamment le champ de spécialisation, sur les coûts directs au collège; les travaux de Lemelin (1989) établissent des coûts différents par département mais non par programme. b) l'aide aux étudiants L ' E A E P S invitait les répondants à dévoiler leurs sources de revenu, qui comprennent les prêts publics et les bourses d'études. Malheureusement, certaines de ces bourses sont d'origine privée, mais ne sont pas identifiées comme telles. Pour contourner cette difficulté, nous ne retenons des bourses déclarées par les étudiants que celles qui apparaissent compatibles avec les paramètres d'allocation du régime de prêts et bourses du gouvernement du Québec en vigueur en 1983-84. Par exemple, une bourse pour un étudiant de premier cycle ne sera considérée publique que si l'étudiant indique en même temps avoir reçu un prêt. Pour établir la valeur totale de l'aide aux étudiants, 40% du montant du prêt est retenu. Ce pourcentage correspond, à peu de choses près, à la valeur de l'exemption de payer des intérêts pendant quatre ans quand le taux d'intérêt est de 12%. Selon West (1988), ce chiffre est conservateur. c) les dépenses fiscales L'intervention de l'État prend également une forme indirecte, celle des dépenses fiscales. Pour favoriser l'enseignement postsecondaire, les gouvernements fédéral et provincial consentent aux étudiants ou à leurs parents des avantages fiscaux, qui sont souvent sous-estimés ou négligés dans l'analyse économique. Nous avons procédé à des exercices de simulation afin d'évaluer pour chacun des étudiants un ensemble de sept dépenses fiscales en faisant référence à des variables-clés, telles que le régime d'études des étudiants, leur revenu de travail, leurs b o u r s e s d ' é t u d e s , leur âge, leur état m a t r i m o n i a l , leur résidence permanente et le revenu de leurs parents. Les sept dépenses fiscales retenues sont les déductions provinciale et fédérale des droits de scolarité, la déduction fédérale des frais liés aux études, les exemptions provinciale et fédérale pour enfant à charge et les exonérations provinciale et fédérale des premiers 500 dollars d'une bourse. Les dépenses fiscales sont donc inférées et les valeurs utilisées pourraient être différentes de celles dont les familles se sont prévalues. 4. Les effets redistributifs totaux Le problème est de savoir ce qui augmente le plus rapidement, les contributions fiscales ou les bénéfices directs de l'intervention publique, quand le niveau d'instruction du chef de famille s'accroît. L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 93 Si l'on agrège les ordres d'enseignement collégial et universitaire et que l'on se contente de répartir les bénéfices en proportion du nombre d'étudiants, ainsi qu'il est fait à la deuxième ligne du Tableau 2, on observe des transferts allant principalement des deux groupes de familles le moins et le plus instruits vers les familles dont le chef a un diplôme d'études secondaires, mais pas plus. Ces dernières comptent alors pour 19,7% des contributions, mais s'approprient 26,8% des bénéfices. Les parts correspondantes s'établissent à 47,8% et 43,3% pour les familles les moins instruites et à 20,8% et 18,4% pour les familles les plus instruites. On pourrait y voir une application de la loi de Director, selon laquelle les groupes médians gagnent la plupart du temps dans les opérations de redistribution. On notera cependant, à partir du Tableau 1, que les gagnants occupent les septième et huitième déciles et devraient ainsi être considérés comme un groupe favorisé. Tableau 2 Répartition des coûts et des bénéfices totaux de l'intervention publique dans l'enseignement postsecondaire au Québec en 1984 REPARTITION DES: INSTRUCTION DES PARENTS <DES (1) coûts (2) nombre d'étudiants (3) subvention aux établissements (4) aide aux étudiants (5) dépenses fiscales (6) bénéfices totaux <DES: DES: SANS DEU: AVEC DEU: DES POSTSECONDAIRE SANS DEU AVEC DEU .478 .433 .408 .197 .268 .269 .118 .586 .372 .423 .237 .269 .266 .080 .115 .122 .131 .119 .208 .184 .200 .097 .227 .192 pas de diplôme d'études secondaires diplôme d'études secondaires, tout au plus études postsecondaires, sans diplôme d'études universitaires diplôme d'études universitaires 94 Clément Lemelin Quand on tient compte des variations dans la valeur de l'intervention publique, on obtient la répartition des bénéfices décrite par la dernière ligne du Tableau 2. A première vue, la répartition des bénéfices semble changer relativement peu, même si elle avantage plus les familles plus instruites, comme le montre la comparaison des lignes (2) et (6) du Tableau 2. 4 Le groupe de familles avec diplôme d'études secondaires demeure le principal gagnant, obtenant 26,6% des bénéfices et ne contribuant que dans une proportion de 19,7% au financement; ses gains sont réalisés dans une large mesure aux dépens du groupe le moins instruit dont la part des bénéfices s'établit à 42,3% et la part des coûts à 47,8%. On est ainsi plus porté à parler de régressivité, nonobstant les pertes, somme toute légères, du groupe le plus instruit, qui reçoit 19,2% des bénéfices directs mais assure 20,8% du financement de l'intervention. Les effets redistributifs diffèrent grandement selon le mode d'intervention considéré. Si la répartition de la subvention aux établissements est plus ou moins la même que celle des bénéfices totaux, c'est bien évidemment qu'elle constitue par son poids la principale forme d'intervention publique. Cette répartition favorise cependant davantage les familles plus scolarisées que la répartition des étudiants, comme le montre la comparaison des lignes (3) et (2) du Tableau 2, ce qui indique que la valeur de la subvention aux établissements augmente avec l'origine sociale. Les deux autres formes d'intervention, l'aide aux étudiants et les dépenses fiscales, ont des effets redistributifs opposés l'une à l'autre. En référence aux lignes (1) et (4) du Tableau 2 (coûts: .478, .197, .118, .208; aide aux étudiants: .586, .237, .080, .097), on peut qualifier les effets redistributifs de l'aide aux étudiants de progressifs: les transferts bénéficient aux familles dont le chef n'a jamais fréquenté un établissement postsecondaire. 5 Quant aux dépenses fiscales, elles apparaissent régressives, en référence aux lignes (1) et (5) du Tableau 2 (coûts: .478, .197, .118, .208; dépenses fiscales: .372, .269, .131, .227): elles avantagent tous les groupes de famille avec un diplôme d'études secondaires au moins, aux dépens des familles les moins instruites. De telles données agrégées masquent des situations différentes au collège et à l'université. Pour tout dire d'entrée de jeu, les effets redistributifs apparaissent globalement régressifs à l'université mais progressifs au collège, ainsi que le montre la comparaison des lignes (1) et (2) des Tableaux 3 et 4, où il est tenu compte de la valeur des trois interventions de l'État. Au collège (Tableau 4), le groupe le moins favorisé parvenant, à peu de chose près, à retrouver sa mise de départ avec 47,5% des bénéfices et 47,8% des coûts, les effets redistributifs bénéficient aux détenteurs d'un diplôme d'études secondaires, un groupe plus L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 95 scolarisé que la moyenne au Québec, (28,0% des bénéfices et 19,7% des coûts) aux dépens cles familles ayant fait des études postsecondaires (13,7% des bénéfices et 20,8% des coûts pour les diplômés universitaires et 10,8% des bénéfices et 11,8% des coûts pour les autres). A l'université (Tableau 3), les familles dont le chef n'a pas de diplôme d'études secondaires sont les grandes perdantes, avec 47,8% des coûts et seulement 37,5% des bénéfices. Les gains nets sont répartis sur l'ensemble des trois autres groupes. Que la progressivité, fort relative il est vrai et limitée aux quatre déciles supérieurs, fasse place à la régressivité quand on passe du collège à l'université ne saurait trop surprendre, la fréquentation scolaire ayant tendance à diminuer et étant de plus en plus reliée à l'origine sociale à mesure que l'on progresse dans le système scolairé. Ainsi, les gains totaux réalisés par les familles avec diplôme d'études secondaires sont financés par des groupes différents selon que l'on considère le collège ou l'université. Au collège ce sont les familles les plus instruites qui le font, alors qu'à l'université ce sont les familles les moins instruites qui perdent au jeu. Plus encore, les familles les plus instruites font un gain appréciable à l'université, alors que les familles les moins instruites ne font, à peu de chose près, que retrouver leur mise au collège. Il importe donc de distinguer ces deux ordres d'enseignement. 5. Les effets redistributifs à l'université A l'université, si l'on faisait abstraction des variations dans la valeur de l'intervention et que l'on répartissait les bénéfices exclusivement en fonction du nombre d ' é t u d i a n t s dans les établissements, les e f f e t s redistributifs se résumeraient essentiellement à un transfert de f o n d s du groupe le plus défavorisé, les familles n'ayant pas terminé leurs études secondaires, qui défraient 47,8% des coûts publics mais ne retirent que 41,3% des bénéfices les plus directs, vers un groupe intermédiaire, les familles dont le chef possède un diplôme d'études secondaires tout au plus, dont les parts correspondantes de coûts et de bénéfices sont 19,7% et 25,7%, ainsi qu'il est montré aux lignes (1) et (3) du Tableau 3. Les familles dont le chef a fait des études postsecondaires ne feraient, plus ou moins, que retrouver leur mise. La prise en considération de la variation dans la valeur de l'intervention publique contribue donc à renforcer la régressivité des effets redistributifs à l'université. Voyons de plus près pourquoi il en est ainsi. 5.1 la subvention aux établissements Le coût direct de la formation universitaire diffère d'un étudiant à l'autre, dépendant d'abord du régime d'études, certains étudiant à temps complet et 96 Clément Lemelin Tableau 3 Répartition des coûts et des b é n é f i c e s de l ' i n t e r v e n t i o n publique dans l'enseignement universitaire au Québec en 1984 REPARTITION DES: INSTRUCTION DES PARENTS <DES DES POSTSECONDAIRE SANS DEU AVEC DEU (1) (2) coûts bénéfices totaux à l'université .478 .375 .197 .253 .118 .130 .208 .242 (3) (4) étudiants à l'université étudiants à temps partiel à l'université étudiants à temps plein à l'université .413 .257 .244 .116 .214 .566 .080 .109 .364 .261 .127 .248 étudiants à l'université certificat (7) étudiants à l'université baccalauréat (8) étudiants à l'université maîtrise (9) étudiants à l'université doctorat (10) étudiants universitaires secteur péri-médical (11) étudiants universitaires secteur médical (12) étudiants universitaires sciences pures .589 .254 .048 .110 .386 .254 .127 .233 .353 .275 .139 .232 .375 .281 .099 .246 .296 .211 .126 .367 .232 .164 .252 .352 .330 .218 .140 .312 (13) étudiants universitaires secteur para-médical .316 .294 .125 .265 (14) étudiants universitaires sciences appliquées .323 .269 .158 .250 (15) étudiants universitaires arts .329 .287 .256 .128 ( 16) étudiants universitaires éducation .413 .321 .081 .185 (17) étudiants universitaires sciences humaines .393 .271 .115 .221 (5) (6) L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 97 Tableau 3 (suite) Répartition des coûts et des b é n é f i c e s de l ' i n t e r v e n t i o n p u b l i q u e dans l'enseignement universitaire au Québec en 1984 REPARTITION DES: INSTRUCTION DES PARENTS <DES DES POSTSECOND AIRE SANS DEU AVEC DEU (18) étudiants universitaires lettres .317 .349 .107 .227 (19) étudiants universitaires droit .348 .235 .122 .294 (20) étudiants universitaires administration (21) subventions aux universités (22) aide aux étudiants universitaires .426 .224 .104 .247 .361 .256 .133 .251 .512 .239 .103 .145 (23) aide aux étudiants universitaires de 2ème ou 3ème cycle .411 .256 .127 .205 (24) dépenses fiscales à l'université .325 .236 .137 .301 <DES: DES: pas de diplôme d'études secondaires diplôme d'études secondaires, tout au plus SANS DEU: AVEC DEU: études postsecondaires, sans diplôme d'études universitaires diplôme d'études universitaires d'autres à temps partiel. Suivant moins de cours, un étudiant inscrit à temps partiel utilisera pendant l'année de référence moins de ressources scolaires. 6 La probabilité d'un étudiant universitaire d'être inscrit à temps complet s'accroît avec l'origine sociale. L'origine clairement plus populaire des étudiants à temps partiel est illustrée aux lignes (4) et (5) du Tableau 3. 56,6% des étudiants à temps partiel sont originaires du groupe des familles les moins instruites, en comparaison de 36,4% dans le cas des étudiants à temps complet. À l'opposé, 98 Clément Lemelin alors que seulement 10,9% des étudiants à temps partiel viennent du groupe le plus instruit, 24,8% des étudiants à temps complet en sont issus. S'il n'était que des étudiants à temps partiel, on serait tenté de conclure à la progressivité des effets redistributifs: les jeunes issus des familles les moins scolarisées ne sont que légèrement sous-représentés parmi les étudiants à temps partiel (59,3% des familles et 56,6% des étudiants à l'université) alors que ces familles ont des contributions moyennnes très inférieures à celles des autres familles (47,8% des contributions totales). Même si l'on fait abstraction des effets liés au régime d'études et que l'on ne considère que les étudiants mesurés en équivalence temps complet, la valeur moyenne de la subvention aux établissements varie et est corrélée positivement avec l'origine sociale de l'étudiant. S'il en est ainsi, c'est que les étudiants ne se répartissent pas au hasard dans les divers programmes d'études définis par le diplôme ou grade recherché et le champ de spécialisation. Comme l'indiquent les l i g n e s 6 à 9 du Tableau 3, l ' o r i g i n e s o c i a l e des é t u d i a n t s d i f f è r e significativement, selon que l'on considère les programmes courts de premier cycle (ou programmes de certificat), et les autres programmes de baccalauréat, m a î t r i s e et d o c t o r a t . A l o r s que 5 8 , 9 % des é t u d i a n t s i n s c r i t s d a n s les programmes de certificat sont issus des familles les moins scolarisées et 11,0% du groupe le plus instruit, les pourcentages correspondants pour les programmes plus traditionnels varient respectivement de 35,3% à 38,6% et de 23,2% à 24,6%. Certes une grande proportion des étudiants des programmes de certificat est constituée d'étudiants à temps partiel; néanmoins, l'origine plus modeste des étudiants inscrits dans ces programmes s ' o b s e r v e également quand l ' o n considère séparément les sous-groupes d'étudiants à temps plein et à temps partiel. Le choix d'un champ de spécialisation est, lui aussi, relié à l'origine sociale. Or, les divers champs de spécialisation ne comportent pas les mêmes coûts, pas plus q u ' i l s ne se t r a d u i s e n t par le m ê m e p r e s t i g e ou le m ê m e s u c c è s professionnel. La répartition des étudiants inscrits à temps plein dans onze grands champs de spécialisation ordonnés de façon décroissante selon le coût direct, est décrite aux lignes 10 à 20 du Tableau 3. Les trois filières les plus coûteuses, les sciences péri-médicales (36,7%), médicales (35,2%) et pures (31,2%), sont composées de façon disproportionnée d'étudiants issus de milieu plus favorisé, alors que les étudiants dont les parents sont moins scolarisés se r e t r o u v e n t d a v a n t a g e dans les p r o g r a m m e s d ' a d m i n i s t r a t i o n ( 4 2 , 6 % ) , d'éducation (41,3%) et de sciences humaines (39,3%), dont le coût est inférieur à la moyenne. On se rappellera, à la lecture de la ligne (5) du Tableau 3, que L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 99 24,8% des étudiants inscrits à temps complet sont issus du groupe le plus instruit et 36,4% du groupe le moins instruit. La corrélation entre le coût du champ disciplinaire et l'origine sociale des étudiants ajoute de la régressivité aux effets redistributifs. Cela dit, cette corrélation n'est pas parfaite, comme le montre en ligne (19) du Tableau 3, par exemple, l'origine sociale des étudiants en droit, un champ d'études peu coûteux, mais contingenté. Certains pourront voir dans les paragraphes précédents l'indice d ' u n e université à deux vitesses, l'une pour des étudiants issus davantage de milieu moins favorisé et inscrits à temps partiel dans des programmes courts et des champs disciplinaires peu coûteux et l'autre pour des étudiants davantage issus de milieu favorisé et inscrits à temps complet dans les programmes traditionnels de baccalauréat, maîtrise ou doctorat et dans des secteurs plus prestigieux. On trouvera à la ligne (21) du Tableau 3 la répartition globale de la subvention publique aux établissements universitaires. De la comparaison de cette ligne avec la ligne (3) du même Tableau on peut inférer que la valeur de la subvention est plus élevée pour les étudiants issus de milieu plus scolarisé. Ce milieu délègue 21,4% des étudiants, mais reçoit 25,1% de la subvention publique aux établissements. A l'opposé, le groupe le moins favorisé compte 41,3% des étudiants mais ne reçoit que 36,1% des bénéfices directs de la subvention. Ces différences tiennent à la propension plus forte des étudiants issus de milieu moins favorisé à être inscrits à temps partiel et à se retrouver dans des champs d'études moins coûteux et, donc, moins subventionnés, droits de scolarité plus ou moins constants obligent!. 5.2 l'aide aux étudiants Quand on suggère que la contribution publique varie avec l'origine sociale de l'étudiant, le régime d'aide aux étudiants vient immédiatement à l'esprit. Les modalités d'attribution de cette aide étant définies par les besoins et les ressources de l ' é t u d i a n t et ces ressources tenant souvent compte de la contribution des parents, évaluée en fonction de leurs revenus, ce programme doit être considéré comme sélectif. Aussi n'est-il guère étonnant de voir que les effets redistributifs de cette mesure sont progressifs à l'université, ainsi que le montre la comparaison des lignes (1) et (22) du Tableau 3. Les parts de bénéfices sont supérieures aux parts de coûts pour les deux groupes les moins instruits (51,2% et 23,9% des bénéfices, en comparaison de 47,8% et 19,7% des coûts), mais inférieures pour les deux groupes avec études postsecondaires (10,3% et 14,5% des bénéfices par rapport à 11,8% et 20,8% des coûts). C'est donc l ' a c c è s des parents à l ' e n s e i g n e m e n t postsecondaire qui définit la 100 Clément Lemelin frontière, les transferts se faisant des familles dont le chef a fréquenté le collège ou l'université vers celles dont le chef n'y est jamais allé. Le peu d'effets redistributifs peut par contre étonner. L'aide moyenne par étudiant diminue certes quand le niveau d'instruction des parents s'accroît, mais pas de façon très accentuée. Si les e f f e t s redistributifs ne sont pas très progressifs, c'est, entre autre, qu'un nombre appréciable d'étudiants issus de milieu favorisé parvient à y avoir accès. Tous les étudiants ne sont pas contraints par le statut de dépendance par rapport à leurs parents. Par exemple, les étudiants inscrits dans des programmes de deuxième ou troisième cycle sont considérés comme indépendants de leurs parents. Dans ce cas, la répartition de l'aide aux étudiants reflète plus ou moins l'origine sociale des étudiants. La ligne (23) du Tableau 3 montre la répartition de l'aide pour les étudiants inscrits à un programme de deuxième ou troisième cycle, qui ont tous atteint le statut d'indépendance. Les effets redistributifs y sont très différents de ceux observés à partir de la ligne (22): l'attribution du statut d'indépendance par rapport aux parents parvient à créer de la régressivité là où, auparavant, on observait de la progressivité. Ces résultats illustrent le caractère potentiellement régressif d'une modification des règles d'attribution des prêts et bourses qui viserait à relâcher les liens de dépendance entre les étudiants et leurs parents. 5.3 les dépenses fiscales L'utilisation des dépenses fiscales à des fins d'aide aux étudiants ou à leurs parents est souvent passée sous silence et ses effets redistributifs ont été peu analysés jusqu'ici. Parce qu'en 1984 les dépenses fiscales prenaient souvent la forme de déductions dans le calcul du revenu imposable, la valeur moyenne des dépenses fiscales par étudiant varie directement avec l'origine sociale, ce qui engendre des effets redistributifs incontestablement régressifs, illustrés aux lignes (1) et (24) du Tableau 3 (coûts : .478, .197, .118, .208; dépenses fiscales : .325, .236, .137, .301). Certaines de ces dépenses ayant été élaborées dans le but d'alléger le fardeau fiscal des familles à haut revenu, les données suggèrent que le but visé a été cette fois atteint. 6. Les effets redistributifs au collège Les effets redistributifs de l'intervention publique au collège apparaissent progressifs, ainsi qu'il a été dit plus haut, en référence aux lignes (1) et (2) du Tableau 4. Mentionnons cependant que les transferts s'effectuent à l'intérieur des quatre derniers déciles, des f a m i l l e s dont le chef a fait des études L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la diversité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 101 Tableau 4 R é p a r t i t i o n d e s c o û t s et d e s b é n é f i c e s d e l ' i n t e r v e n t i o n p u b l i q u e d a n s l ' e n s e i g n e m e n t collégial au Q u é b e c en 1984 INSTRUCTION DES PARENTS REPARTITION DES: <DES DES POSTSECONDAIRE SANS DEU AVEC DEU (1) (2) coûts bénéfices totaux au collège .478 ' .475 .197 .280 .118 .108 .208 .137 (3) (4) étudiants au collège collégiens, secteur général .459 .361 .284 .293 .112 .144 .138 .208 (5) collégiens, secteur professionnel collégiens techniques administratives .559 .279 .084 .077 .589 .270 .079 .063 collégiens techniques physiques collégiens général, sciences humaines .549 .292 .088 .072 .367 .294 .133 .205 collégiens général, sciences pures .336 .285 .145 .234 .671 .234 .055 .041 .401 .289 .127 .183 (6) (7) (8) (9) (10) aide aux étudiants collégiens (11) dépenses fiscales collège <DES: DES: SANS DEU: AVEC DEU: pas de diplôme d'études secondaires diplôme d'études secondaires, tout au plus études postsecondaires, sans diplôme d'études universitaires diplôme d'études universitaires p o s t s e c o n d a i r e s v e r s les d é t e n t e u r s d ' u n d i p l ô m e d ' é t u d e s s e c o n d a i r e s , les f a m i l l e s m o i n s scolarisées p a r v e n a n t à retrouver leur m i s e . 6.1 la s u b v e n t i o n a u x é t a b l i s s e m e n t s P u i s q u e les seules variations de c o û t direct dont n o u s a v o n s pu tenir c o m p t e sont celles qui sont associées au r é g i m e d ' é t u d e s (inscription à t e m p s c o m p l e t 102 Clément Lemelin ou à temps partiel) et que l'échantillon de l'EAEPS comprend peu de collégiens à temps partiel, dont l'origine sociale ne semble pas, par ailleurs, différente de celle des étudiants à temps plein, la répartition estimée de la subvention aux collèges reproduit étroitement celle des étudiants inscrits au collège, décrite à la ligne (3) du Tableau 4. Même si les familles moins favorisées sont sousreprésentées au collège, les familles sans diplôme d ' é t u d e s secondaires constituant 59,3% du nombre total de familles, selon la première ligne du Tableau 1, et les étudiants qui en sont issus ne représentant que 45,9% de l'ensemble des étudiants, et qu'ainsi, on ne saurait parler d'égalité d'accès, ces familles ne perdent pas trop au total, puisque lés contributions fiscales se font en f o n c t i o n du revenu. Les f a m i l l e s dont le chef a t e r m i n é ses études secondaires sont celles qui tirent profit de la subvention aux collèges. M ê m e s'il nous est impossible de tenir compte de façon précise des différences dans la subvention aux collèges selon le programme d'études, il faut noter que les collégiens, pas plus que les étudiants universitaires, ne se répartissent au hasard dans les divers programmes. Tout un monde distingue l'origine sociale des étudiants des secteurs général et professionnel, comme le montrent les lignes (4) et (5) du Tableau 4 (secteur général : .361, .293, .138, .208; s e c t e u r p r o f e s s i o n n e l : .559, .279, .084, .077). L ' e n s e i g n e m e n t professionnel est investi massivement par des jeunes venant de milieu plus populaire, alors q u e le secteur général est d a v a n t a g e le fait des j e u n e s issus de familles plus instruites, dont l'origine ressemble plus à celle des étudiants de l'université qu'à celle de leurs camarades du secteur professionnel. L'agrégation des deux secteurs d'enseignement cache donc, encore une fois, des situations fort différentes. Les effets redistributifs au secteur professionnel sont p r o g r e s s i f s , les t r a n s f e r t s se f a i s a n t des f a m i l l e s a v e c é t u d e s postsecondaires vers les familles sans de telles études alors qu'au secteur général, c'est la régressivité qui caractérise les effets redistributifs, les deux groupes intermédiaires réalisant des profits aux dépens des familles moins scolarisées. Ce qui se passe au secteur général du collège est annonciateur de ce qui se passera à l'université, ce qui ne saurait trop surprendre puisque le secteur général est la voie préparatoire à l'université, mais qui mérite d'être noté car il nous rappelle que ce qui est observé à l'université est souvent le résultat de forces qui ont joué longtemps auparavant. Il n'est pas sûr que la valeur de la subvention annuelle aux collèges diffère de façon significative selon la distinction enseignement général-enseignement professionnel. Une partie des disparités de coût tient présumément au recours à des équipements plus sophistiqués souvent associé aux sciences pures et ce L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 103 n'est pas l'accent mis sur les sciences pures, physiques ou biologiques qui distingue principalement les enseignements général et professionnel. On trouvera aux lignes 6 à 9 du Tableau 4 la répartition des étudiants dans deux groupes de programmes professionnels, les techniques administratives et physiques, ainsi que dans les deux plus importants programmes de formation générale, les sciences humaines et pures. Comme on le voit, les programmes probablement plus coûteux (techniques physiques et sciences pures) attirent peut-être d a v a n t a g e d ' é t u d i a n t s issus de milieu plus f a v o r i s é mais ces différences apparaissent minimes quand on les compare à celles qui sont associées aux secteurs général et professionnel pris dans leur ensemble. 7 6.2 l'aide aux étudiants Les effets redistributifs du système d'aide aux étudiants sont incontestablement progressifs au collège. Comme il est indiqué en comparant les lignes (1) et (10) du Tableau 4 (coûts : .478, .197, .118, .208; aide aux étudiants : .671, .234, .055, .041), les principales bénéficiaires sont les familles sans scolarisation postsecondaire. S'il en est ainsi, c'est que fort peu de collégiens parviennent, en raison de leur jeune âge, à accéder au statut d'indépendance par rapport à leur famille d'origine. 6.3 les dépenses fiscales Tout comme pour l'université, l'ensemble des dépenses fiscales pour le collège se traduit en valeurs qui augmentent avec la position sociale des parents. La valeur moyenne des dépenses fiscales y est plus élevée qu'à l'université, car les dépenses fiscales les plus importantes sont celles qui bénéficient aux parents d'étudiant inscrit à temps complet et la probabilité d'être étudiant à temps complet et dépendant de sa famille d'origine est plus forte pour les collégiens. Cette valeur moyenne augmente beaucoup moins rapidement avec l'origine sociale au collège q u ' à l'université. S ' i l en est ainsi, c ' e s t q u ' i l existe relativement peu d'étudiants à temps partiel au collège; à l'université les étudiants à temps partiel sont issus de milieu relativement modeste et les dépenses fiscales sont faibles dans leur cas. La croissance des dépenses fiscales avec l'origine sociale des parents engendre les effets redistributifs obtenus en comparant les lignes (1) et (11) du Tableau 4 (coût : .478, .197, .118, .208; dépenses fiscales: .401, .289, .127, .183), où l'on constate que les familles moins scolarisées sont perdantes au jeu redistributif. Les groupes intermédiaires gagnent alors que les pertes des familles plus scolarisées sont beaucoup moindres que pour les autres types d'intervention. 104 Clément Lemelin 7. Quelques bémols Au vu des résultats présentés jusqu'ici, nous sommes porté à conclure que l'impact redistributif de l'intervention publique est globalement régressif à l'université, mais progressif au collège. Nous aimerions compléter et nuancer ce verdict, particulièrement dans le cas de l'enseignement universitaire. 8 La profession des parents peut être utilisée comme critère de regroupement des familles selon l'origine sociale. A partir de la classification des professions utilisée par Statistique Canada et en référence au revenu moyen par profession, nous avons défini trois groupes de familles: professions modestes (services, travail administratif et agriculture), professions intermédiaires (fabrication, commerce, construction, transport et traitement des matières premières) et professions supérieures (professions libérales, direction et enseignement). Nous avons alors calculé à nouveau des effets redistributifs. A l'université, le groupe des p r o f e s s i o n s s u p é r i e u r e s sort, au t o t a l , g a g n a n t de l ' o p é r a t i o n de redistribution, ces gains se faisant surtout aux dépens du groupe intermédiaire, mais également aux dépens des professions modestes. Au collège, l'opération est progressive, les professions modestes gagnant aux dépens des professions supérieures. On obtient donc des résultats qui ne sont pas très différents de ceux qui ont été exposés plus haut et dérivés à partir du critère de l'éducation. Nous avons également regroupé les familles selon le revenu des parents et calculé les effets redistributifs. Nos conclusions sont alors complètement modifiées dans le cas de l'université, où les familles qui ont des revenus inférieurs à 23 000 dollars apparaissent comme gagnantes de l'opération de redistribution, aux dépens principalement du groupe intermédiaire; les familles ayant plus de 45 000 dollars perdent également, mais peu. Ainsi, si l'on retenait le critère de revenu, il se pourrait que les effets redistributifs soient progressifs à l'université tout comme au collège, où les transferts sont plus importants et avantagent les familles dont les revenus sont inférieurs à 35 000 dollars. Nous tenons à répéter que nous sommes porté à considérer avec beaucoup de soupçons les déclarations de revenu de leurs parents faites par les étudiants. Enfin, nous avons tenté d'évaluer les bénéfices à l'aide du supplément de revenu obtenu par les sortants de l'université, après l'obtention du diplôme de baccalauréat, et défini selon le champ de spécialisation, tel que révélé par les opérations de relance auprès des diplômés, effectuées par le Gouvernement du Québec. La pondération par le supplément de revenu a les mêmes effets que la pondération à l'aide des coûts directs: les étudiants d'origine modeste se retrouvent davantage dans des champs de spécialisation qui se traduisent par des suppléments de revenu moindres. Tenir compte des différences de bénéfices sur L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 105 le m a r c h é du travail pour les d i p l ô m é s de l ' u n i v e r s i t é e n g e n d r e de la régressivité. 8. Conclusion Sur la foi des résultats présentés plus haut, il est tentant de conclure que les effets redistributifs du financement public de l'enseignement postsecondaire au Québec en 1984 étaient progressifs au collège mais régressifs à l'université Rappelons tout de suite que nos conclusions pourraient dépendre du critère de regroupement des familles: l'utilisation du critère de l'instruction des parents peut biaiser les résultats dans le sens de la régressivité. Cette conclusion a au moins le mérite de rappeler que les effets redistributifs peuvent différer d'une situation à l'autre. Si l'on veut bien comprendre de quoi il en retourne, il importe de tenir compte de la diversité des formes et des niveaux de l'intervention publique. C'est la principale leçon à tirer de notre exercice. En ce qui a trait à la subvention aux établissements, notre travail aura permis de mettre en relief des différences importantes dans sa valeur à l'université pour les divers étudiants. Si la chose importe, c'est que les étudiants ne s'inscrivent pas à temps complet ou à temps partiel, dans des programmes courts ou longs et dans différents champs disciplinaires à l'université au hasard, indépendamment de l ' o r i g i n e sociale. Ces divers éléments signifient que la valeur de la subvention est plus élevée, en moyenne, pour les étudiants issus de milieu plus favorisé; la prise en considération de ces différences est de nature à ajouter au caractère régressif des effets redistributifs à l'université. Même s'il ne nous a pas été possible de tenir compte de la plupart des facteurs susceptibles d'engendrer des différences dans la valeur de la subvention au collège, nous devons nous rappeler que la répartition des étudiants n'y est pas, non plus, indépendante de leur origine sociale: tout un monde distingue les étudiants des secteurs général et professionnel à ce chapitre. Quant à l'aide aux étudiants, ses effets sont progressifs. Notons cependant qu'un régime d'aide aux étudiants n'est pas nécessairement progressif; la progressivité tend à disparaître quand les étudiants acquièrent le statut d'indépendance par rapport à leur famille d'origine. Enfin, les dépenses fiscales, dont on a tendance à sous-estimer l'importance, constituent l'intervention la plus régressive. Les sommes impliquées sont ici loin d'être négligeables. Elles représentent environ 5 et 10% de la valeur totale de l'intervention publique à l'université et au collège; pour la majorité des familles, elles sont évidemment plus importantes que l'aide aux étudiants, à 106 Clément Lemelin laquelle moins de 50% des étudiants à temps complet ont accès; pour ces derniers elles représentaient en 1984 des valeurs moyennes estimées de près de 500 et 400 dollars au collège et à l'université. Les effets redistributifs doivent être vus comme le résultat de deux éléments, la fréquentation scolaire et la valeur de la subvention. S'il n'était que du nombre d ' é t u d i a n t s f r é q u e n t a n t l ' u n i v e r s i t é , on devrait conclure que les e f f e t s redistributifs se limitent à un transfert des familles n'ayant pas terminé le programme d'études secondaires vers celles qui l'ont tout juste terminé. Cependant la prise en considération des différences de valeur de l'intervention de l'État nous force à modifier notre description des effets redistributifs. La croissance de la valeur de la subvention aux universités et des dépenses fiscales avec l'origine sociale des parents est si importante et parvient si bien à renverser l'impact progressif de l'aide aux étudiants que les effets redistributifs en sont modifiés, la régressivité étant étendue à l'ensemble des familles. L'importance des différences dans la valeur de l'intervention et, plus particulièrement, dans la valeur de la subvention aux établissements invite à se demander si l'accroissement de la fréquentation universitaire au Québec au cours des 20 dernières années n'est pas de nature à donner l'illusion de la démocratisation. Il y a eu progrès sur le front de l'accessibilité, mesuré par le taux de fréquentation scolaire; mais qu'en est-il de l'accès à des formations de qualité? Les variations dans les coûts et leur corrélation avec l'origine sociale pourraient bien être le reflet d'inégalités dans la qualité des formations et, ainsi, l'indication de l'existence d'autres canaux de reproduction. Renvois ' On trouvera dans le texte de Lemelin (1990) un exposé plus systématique des choix méthodologiques sous-tendant les résultats présentés ici. 2 Ce problème est évoqué par Guppy et Pendakur (1989), qui choisissent, eux aussi, de considérer le niveau d'instruction plutôt que le revenu des parents pour évaluer l'origine sociale des étudiants. ^ En tant que tel, l'échantillon n'est pas représentatif de l'ensemble de la population estudiantine: les étudiants de troisième cycle sont notamment surreprésentés. Voilà pourquoi il faut pondérer les observations. De façon plus importante, l'Université Concordia (de même que quelques collèges) n'a pas participé à cette enquête et son absence pourrait biaiser les résultats. Nous ne croyons pas que ce biais soit très important. Ce qui importe, c'est l'origine sociale des étudiants de l'Université Concordia par rapport à celle de l'ensemble des établissements québécois et non pas seulement de sa voisine, l'Université McGill. L'hétérogénéité de l'enseignement postsecondaire, la divèrsité de l'intervention publique et les effets redistributifs au Québec 107 4 On se rappellera que nous n'avons pu évaluer les différences de subvention publique par champ de spécialisation au collège. ^ Les effets redistributifs sont encore plus progressifs quand on ne considère que les bourses. La chose ne saurait surprendre puisque le système québécois d ' a i d e aux étudiants prévoit une limite au prêt: une bourse n'est attribuée que si la différence entre les besoins et les ressources excède la limite du prêt. N'ont souvent accès à une bourse que ceux qui ont peu ou pas accès à des ressources familiales. 6 On comprendra qu'il ne s'ensuit pas que les études à temps partiel soient moins bien subventionnées, en tant que telles. (Elles pourraient bien l'être dans la mesure où tous les champs disciplinaires ne sont pas accessibles aux étudiants à temps partiel et que ces derniers se retrouvent de façon disproportionnée dans des programmes peu coûteux de certificat.) Si l'on tient compte de la variable régime d'études ici, c'est que l'on évalue la répartition de la s u b v e n t i o n p u b l i q u e pour une a n n é e scolaire. Si la valeur de l'intervention est plus petite pour un étudiant à temps partiel, c'est tout simplement qu'il restera inscrit pendant une plus longue période. Si l'on désirait pondérer les étudiants par le coût de l'ensemble de leurs études il faudrait éviter un biais. Parce que la répartition des étudiants est observée à un moment donné, elle est une représentation biaisée en faveur des étudiants à temps partiel: parce que ces derniers prennent plus de temps pour obtenir un diplôme, ils ont plus de chance d'apparaître dans la photographie quand elle est prise. 7 Nous avons été surpris de ne pas observer plus de différences dans la composition des deux programmmes du secteur général. Le programme général de sciences pures est en effet la voie royale d'entrée dans les programmes d'études universitaires les plus prestigieux. 8 Le lecteur intéressé est encore une fois renvoyé au texte de Lemelin (1990) pour un exposé plus détaillé. Références Baril, R., Robidoux, B. & Lemelin, C. (1987). La demande d'éducation des jeunes québécois. L'Actualité Economique, 63 ( 1), 5-4. Blaug, M. (1971). La signification de la corrélation scolarité-salaire. Revue Economique, (6), 913-42. Blaug, M. (1982). The distributional effects of higher éducation subsidies. 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