The Canadian Journal of Higher Education, Vol. IX-1, 1979 Le rôle d'un service de pedagogië Universitaire dans l'évaluation de cours The Rôle of a University Teaching Service in the Evaluation of Courses JACQUES PARENT* Introduction Il existe dans la plupart des universités et collèges canadiens un service d'assistance ou de recherche sur l'enseignement. Au Québec, on a vu naître il y a près de cinq ans les services de pédagogie universitaire (S.P.U.) dont le mandat est l'amélioration de l'enseignement supérieur. Par la force des choses, ces services, tout comme le Center For Learning and Development de l'Université McGill, se sont impliqués dans l'évaluation des cours. Doiton leur faire confiance? Quelles précautions les utilisateurs de ces services doivent-ils prendre afin de préserver la confidentialité des renseignements recueillis par leur intermédiaire. Une fois les lacunes d'un cours identifiées, un service de pédagogie universitaire a-t-il des ressources nécessaires pour les combler? Voilà quelques questions parmi bien d'autres que se posent les professeurs qui font affaire avec les S.P.U. On craint les agents externes au département où à la faculté, lesquels viennent "mettre leur n e z " dans les cours. Quoi qu'il en soit ce sont de tels organismes qui bien souvent mettent sur pied des stratégies systématiques d'évaluation des cours et ce sont eux qui coordonnent les ressources que l'université consacre à l'amélioration de l'enseignement. Le texte qui suit tente de répondre aux préoccupations les plus souvent énoncées de la part des professeurs en regard de la participation d'un S.P.U. à l'évaluation des cours. Il est présenté sour forme de questions et réponses afin de mieux régrouper les préoccupations qui y sont traitées. Un service de pédagogie universitaire doit-il prendre l'initiative de recueillir des renseignements sur un cours auprès de personnes telles les étudiants, les administrateurs, les collègues? Le premier but d'un service de pédagogie universitaire tel que nous le concevons à l'Université Laval est de contribuer à l'amélioration de l'enseignement, l'assistance, le perfectionnement et l'animation en pédagogie constituent les principaux moyens mis de l'avant pour l'atteinte de ce but. Il va sans dire qu'une initiative semblable (cueillette de *Directeur, Service de Pédagogie Universitaire, Université Laval 6 Jacques Parent renseignements) provoquerait des réactions opposées à celles qu'un S.P.U. recherche par l'animation du milieu. Un service de pédagogie universitaire oeuvre dans un contexte bien particulier dans lequel les responsabilités sont réparties parmi plusieurs instances. La responsabilité de l'évaluation des cours ne relève pas du S.P.U. car il n'a qu'une relation d'assistance par rapport aux professeurs et aux administrateurs dans les facultés. Les vrais responsables de l'évaluation des cours étant identifiés, le S.P.U. répond à leurs demandes évitant ainsi de s'ingérer dans des champs d'activités qui ne relèvant pas de lui. En aucun temps, un service de pédagogie universitaire doit, de son propre chef, évaluer un cours. Il doit plutôt faire de l'animation auprès des responsables de l'évaluation (professeurs ou administrateurs) afin qu'ils décident eux-mêmes de procéder à l'évaluation de cours et le cas échéant, de recourir aux ressources du S.P.U. Le S.P. U. ne fait que répondre aux demandes qui lui proviennent. Quelles doit être sa position lors d'une demande d'aide en vue d'une évaluation de cours venant des administrators (ici pris au sens large) ou des étudiants? Il peut arriver qu'un ou plusieurs administrateurs demandent l'aide du S.P.U. pour préparer un instrument de mesure destiné à recueillir auprès des étudiants des renseignements relatifs à un cours. L'administrateur est un situation d'autorité par rapport au professeur. Toutefois, le S.P.U. se doit d'exiger que le professeur concerné approuve l'opération entière de cueiolette d'information. Lorsqu'un administrateur désire de l'aide pour évaluer les cours d'un département ou d'une faculté, le S.P.U. lui suggère une politique d'évaluation impliquant la participation de l'assemblée des professeurs. Des comités ad hoc et des associations officielles d'étudiants peuvent aussi demander de l'aide au service de pédagogie universitaire dans le même b u t , c'est-àdire préparer un instrument de mesure destiné à recueillir des renseignements sur un ou plusieurs cours. Dans ce cas, le S.P.U. doit exiger des étudiants que les professeurs concernés donnent leur approbation écrite au projet d'évaluation de cours. Le S.P.U. collabore à l'opération après que les professeurs ont approuvé la démarche globale, d'instrument de mesure et la modalité de communication des résultats. Lorsqu 'il collabore à l'évaluation des cours, le S.P. U. a accès à une foule de renseignements. Peut-il porter des jugements de valeur (évaluer) sur les cours à partir de cette information? En aucun cas le service de pédagogie universitaire ne doit évaluer un cours. On pourrait lui demander d'émettre des opinions, de verser un rapport du dossier d'un professeur ou encore de fournir une lettre de recommandation relativement à l'enseignement. S'il veut conserver sa crédibilité et sa neutralité, en aucun temps, le S.P.U. porte de tels jugements. A qui les rapports de résultats sont-ils remis? Les membres d'un service de pédagogie universitaire sont tous des professionnels au même titre que l'avocat ou le médecin qui ont à traiter des problèmes confidentiels. Ils sont donc soumis à un code d'éthique. Les rapports de résultats de même que les autres statistiques commandées sont acheminées au demandeur selon les modalités acceptées par le département ou la faculté dans tous les cas où ce n'est pas le professeur lui-même qui fait l'évaluation de cours. Chaque professeur qui requiert personnellement l'aide du S.P.U. pour évaluer son cours doit re- 7 Le rôle d'un service d'un pedagogie universitaire dans l'évaluation des cours cevoir confidentiellement le rapport des résultats et y donner les suites qu'il a lui-même choisies. Ayant à manipuler des renseignements sur plusieurs cours, le S.P.U. pourrait être tenté d'en conserver une copie et de monter un dossier "d'évaluation" sur chacun des cours impliqués. Ceci doit être évité à tout prix et on comprend vite pourquoi. Le S.P.U. deviendrait une agence de collection de données possédant des dossiers parallèles à ceux normalement maintenus par qui de droit. Son but d'amélioration de l'enseignement et sa neutralité face à l'évaluation des cours s'en trouveraient fort compromis. Les compilations sont effectuées à l'aide de l'ordinateur. Il est donc possible que quelqu 'un en connaissant le fonctionnement ait accès aux résultats emmagasinés en mémoire. Comment vous assurez-vous que personne ne puisse y avoir accès? Les systèmes tels ceux de Laval et des autres universités utilisent en effet l'ordinateur pour la lecture optique de feuilles ou de cartes de réponses et pour la compilation des statistiques pertinentes. Il y a donc danger que des individus " p i r a t e n t " les résultats gardés dans la machine. Le S.P.U. doit prendre la précaution de mettre ses programmes sous clé. L'idéal serait de ne rien conserver en mémoire d'ordinateur. Une fois les feuillesréponses lues et compilées, le S.P.U. les remet au demandeur et s'il y existe une entente à cet effet, il les détruit. Ceci a le désavantage d'obliger un professeur qui aurait égaré ses résultats à reprendre tout le processus de compilation pour en obtenir une nouvelle copie. Cependant, l'importance de la confidentialité de l'information justifie que le S.P.U. prenne une telle précaution sachant bien que la probabilité qu'un professeur égare ses résultats est faible. Pourquoi le S.P. U. fournit-il son aide à la préparation d'instruments de mesure devant servir à une évaluation et à une prise de décision de type administratif? Lorsqu'il est appelé à collaborer au niveau de l'évaluation des cours il est sans doute préférable qu'un S.P.U. s'en tienne aux activités reliées à l'évaluation visant l'amélioration de l'enseignement. Il faut toutefois se rendre à l'évidence que l'évaluation de type administratif existera toujours avec ou sans l'aide du S.P.U. Ce serait "se mettre la tête dans le sable" que d'ignorer ce fait. D'une part, l'administration a à recueillir des informations sur les cours et d'autre part le S.P.U. possède des stratégies et des instruments pour accomplir cette tâche. Aussi bien collaborer et du même coup sensibiliser l'administrateur à l'aspect formatif de l'évaluation. Il va sans dire que dans ce cas le S.P.U. doit prendre certaines précautions telles que celles mentionnées par Cranton* ou Dufresne**, et ne pas perdre de vue sa mission première qui est le progrès de la pédagogie universitaire. Lorsque le S.P.U. contribue à l'élaboration d'instruments de mesure d'un cours, il est inévitable qu 'il contribue aussi à identifier des points forts et des points faibles chez celui qui en est le responsable. Quelle aide doit-il fournir aux professeurs, qui désirent améliorer leur enseignement ? Si une université met en place un système servant à évaluer les enseignements, il va de soi qu'elle met à la disposition de ses professeurs les moyens nécessaires à l'amélioration de ces enseignements. Nous rappelons ici la raison d'être du service de pédagogie univer* C R A N T O N , P.A., " T h e McGill Faculty and Course Evaluation S y s t e m . " La revue d'enseignement supérieur. Vol. IX, No. 1, 1979. canadienne ** D U F R E S N E , R a y m o n d , "Système d'évaluation des cours: d o c u m e n t d ' i n f o r m a t i o n , " Service de pédagogie universitaire, Université Laval, 1978. 8 Jacques Parent sitaire: favoriser le progrès de la pédagogie. Un tel service n'est pas une agence d'évaluation c'est d'abord et avant tout, comme son nom le dit, un organisme de service. L'aide qui est fournie aux professeurs prend principalement deux formes: l'assistance et le perfectionnement. Voici un résumé des services que l'on devrait retrouver sous ces deux étiquettes pour aider ceux chez qui on a relevé des points faibles. L'assistance L'assistance consiste à fournir des ressources humaines et matérielles à toute personne qui désire améliorer l'enseignement. Ceci suppose que l'Université soit convaincue de la valeur de la fonction enseignement et qu'elle y consacre tous les crédits nécessaires. La plupart des universités offrent déjà des ressources matérielles tels les équipements audio-visuels et informatiques. Ce que l'on voit maintenant apparaître avec les services de pédagogie universitaire, c'est un ensemble de ressources humaines pouvant aider le professeur à résoudre ses propres problèmes d'enseignement. Les conseillers en pédagogie universitaire sont des professionnels possédant un diplôme de deuxième ou de troisième cycle en éducation ou en psychologie. Ils sont consultés tant au niveau des cours que des programmes de formation. Les objectifs pédagogiques, l'élaboration de stratégies d'enseignement, l'évaluation des apprentissages, des cours et des programmes constituent leurs principaux champs de travail. Lorsqu'un professeur dirige un projet de recherche, il a des argents à sa disposition pour engager du personnel technique qui dans la plupart des cas sont des étudiants provenant du deuxième ou du troisième cycle. Pourquoi les professeurs responsables du développement d'un cours ne pourraient-ils pas avoir les mêmes avantages? Le S.P.U. doit posséder des fonds pour l'engagement d'assistants au développement pédagogique. Ceux-ci accomplissent tout un ensemble de tâches nécessaires à la préparation d'un cours mais qui ne nécessitent pas la compétence d'un professeur pour être bien faites. Citons à titre d'exemples les recherches bibliographiques, la rédaction de questions d'examens, l'aide à la production de documents didactiques et la formulation d'objectifs spécifiques. Le S.P.U. de l'Université Laval met à la disposition du corps professoral les argents nécessaires à l'engagement de 60 étudiants de premier cycle chaque année depuis 1973. C'est le S.P.U. qui les forme à l'aspect pédagogique de leurs tâches tandis que les professeurs les supervisent au niveau de la justesse du contenu véhiculé dans ce qu'ils produisent. A ce jour, tous les professeurs qui ont bénificié de ce service se disent satisfaits. Notre expérience démontre que peu de départements prévoient des ressources pour le développement pédagogique. Qu'arrive-t-il lorsqu'à la suite d'une évaluation de cours, on diagnostique une faiblesse du côté du matériel didactique utilizé par le professeur? Il faut, à notre avis, que l'Université par l'intermédiaire de son S.P.U. ou d'autres services permette à ce dernier de combler la lacune identifiée suite à l'évaluation. Ainsi, le S.P.U. doit avoir des fonds qui permettent au professeur de produire ou d'acheter du matériel didactique et cela très rapidement sans avoir à remplir formulaire sur formulaire et attendre des mois à cause d'une bureaucratie trop lourde. Le perfectionnement Combien de professeurs d'université ont suivi des cours de pédagogie universitaire? Nous 9 Le rôle d ' u n service d ' u n pedagogie universitaire dans l'évaluation des cours en connaissons très peu. Il est très facile d'identifier les faiblesses de communication d'un professeur. La plupart des systèmes d'évaluation mis en place dans les universités le f o n t . Cependant, toutes les universités n'offrent pas de ressources permettant au professeur d'apprendre la psychologie de l'apprentissage et les techniques d'enseignement. Le ervice de pédagogie universitaire doit offrir des ressources telles des consultants, de la documentation, des ateliers, et pourquoi pas, des cours de pédagogie non seulement aux professeurs chez qui on a identifié certains points faibles mais aussi à tous les autres. Comme le professeur a accès à des ressources pour se perfectionner dans sa matière, il devrait, par l'intermédiaire du S.P.U., avoir accès aux ressources lui permettant de se perfectionner en pédagogie. Conclusion De la même manière que l'on exige du professeur qu'il aide l'étudiant qui montre des faiblesses dans son apprentissage, l'université doit aider le professeur chez qui on a identifié des faiblesses dans son enseignement. Non seulement les S.P.U. doivent fournir de l'aide suite à un diagnostic, ils doivent aussi se donner une mission de perfectionnement visant à prévenir les problèmes d'enseignement. De plus, ils se doivent de respecter un code d'éthique strict chaque fois qu'ils collaborent à une évolution de cours.