117 Notes and C o m m e n t s — Notes et commentaires POUR UN SECOND SOUFFLE À LA PLANIFICATION DE L'ENSEIGNEMENT POST-SECONDAIRE. OU: COURT PLAIDOYER POUR UNE OPÉRATIONALISATION DES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT POST-SECONDAIRE. Au niveau de l'éducation, le flux des jeunes constitue le principal flux d'entrée dans la population active aussi est-il souhaitable d'en faire l'agent des transformations de structure imposées par une évolution favorable de l'économie. L'harmonisation en particulier des formations spécialisées aux structures futures de la population active est une des responsabilités principales du système d'enseignement. Même s'il en est d'autres toutes aussi importantes, satisfaction de la demande sociale et transmission des connaissances notamment, l'incapacité de satisfaire les besoins techniques du développement ne peut qu'augmenter le chômage des diplômés, amplifier leur insatisfaction en les faisant travailler dans des emplois qui ne correspondent pas à leur formation et accroître leur tendance au retrait et à l'oisiveté temporaire; de plus le développement économique qui ne trouve pas pour chaque fonction les cadres et les techniciens indispensables à son progrès, se voit entravé alors que parallèlement se développent l'inflation et le chômage. L'expansion numérique de l'enseignement professionnel doit donc être liée aux objectifs économiques et fondée sur des mécanismes appropriés d'orientation et d'information afin que les individus puissent se développer tout en rencontrant les objectifs de la société. Mais il faut se garder d'appliquer cette politique d'une manière trop contraignante axée sur le contingentement intuitif et la réorientation forcée des étudiants excédentaires. Dans le passé "les discordances constatées entre les objectifs tracées par la planification passée de l'enseignement et les prévisions d'emploi d'une part, et les besoins effectifs d'autre part, ont provoqué quelque scepticisme au sujet de la fonction et du rôle du système d'enseignement dans la préparation professionnelle" On a alors invoqué les longs délais entre l'inscription à un programme et l'arrivée sur le marché de l'emploi, la diffusion incertaine de ces gradués sur le marché et. leur comportement erratique pour se détourner de cette forme de planification et la déclarer impossible. En fait il s'agit d'un manque de coordination, d'une mauvaise intégration des planifications de l'emploi et de l'enseignement. On dit dans l'entreprise qu'une planification qui ne descend pas la hiérarchie jusqu'au niveau le plus bas, qui ne mobilise pas l'ensemble des cadres, qui n'opérationalise pas et ne détaille pas la stratégie générale élaborée au sommet, est vouée à l'échec. C'est ce qui s'est produit pour la planification post-secondaire qui s'est cantonnée aux organismes supérieurs (DIGES, DIGEC, Conseil des Universités, CREPUQ) et aux officiers supérieurs des maisons d'enseignement. Qui s'est soucié d'opérationaliser, de détailler les grands objectifs, les politiques, les grandes lignes nécessaires mais forcément vagues et générales que ces responsables supérieurs ont élaborés? Les officiers intermédiaires (doyens de faculté, directeurs de département) ont toujours perçu ces programmes de planification comme une corvée supplémentaire qui n'avait aucun lien avec la gestion quotidienne de leur unité. Je dis bien quotidienne car si l'entreprise privée est déjà à l'heure de la gestion prévisionnelle on ne peut certainement pas affirmer la même chose de la gestion universitaire. Quant aux professeurs la planification ne les effleure même pas. (1) Citation de Esnault E. et Le Pas J., Nouvelles relations entre l'enseignement post-secondaire et l'emploi, dans le rapport de l'OCDE (1974). Vers un enseignement supérieur de masse. Paris. 118 Notes and C o m m e n t s — Notes et commentaires En restant cantonnée à quelques planificateurs situés tout en haut de l'organisation, la planification s'est étouffée d'elle-même. On répète, encore une fois dans l'entreprise, que les planificateurs de carrière ont deux rôles: proposer des plans à la Direction générale et motiver les cadres intermédiaires et subalternes à opérationaliser ces plans, à préciser par leurs initiatives personnelles les zones floues laissées par le plan général. Les planificateurs universitaires ont joué le premier rôle mais complètement négligé le second tout aussi important puisqu'une planification ne se fait pas pour une organisation mais par les cadres d'une organisation. L'effort de planification est donc à poursuivre et non pas à abandonner. Il faut que les stratégies de développement mises au point au sommet diffusent dans chaque organisation en se détaillant, en se précisant et en épousant les contextes particuliers que seule la base est à même d'apprécier. C'est à ce niveau seulement que le lien entre planification de l'emploi et de l'enseignement peut être évalué avec suffisamment de précision et de détail pour que la planification collégiale et universitaire soit enfin efficace. Mais il faut que les bases des deux systèmes de planification se concertent, c'est-à-dire que dans chaque secteur professionnel, les responsables des différentes unités d'enseignement, les employeurs et les associations professionnelles collaborent. Il ne s'agit pas forcément de réunions formelles mais d'informations qui circulent des deux côtés. Planifier c'est peut-être s'adapter mais c'est sûrement et avant tout communiquer et informer. L'initiative peut revenir à une corporation ou à une unité d'enseignement, elle peut prendre la forme de questionnaires conduisant à une analyse de la répartition des diplômés du secteur, des types d'emplois occupés, des revenus respectifs, des profils de carrière, des possibilités d'emploi, des tendances de la structure de l'emploi, des imperfections de la formation, etc. . . Cette information diffusée sous forme de rapport, article, colloque, permet aux employeurs comme aux responsables des programmes d'enseignement d'apprécier et de s'adapter plus efficacement à la nature spécifique du lien formation-emploi dans leur secteur. Mise en forme et intégrée cette information vitale doit alors remonter au niveau supérieur des organisations où elle permet de corriger, d'infléchir et de rendre plus conscientes les stratégies de développement tant au niveau de la planification d'entreprise où la planification des ressources humaines et de son offre externe est une composante cruciale du plan qu'au niveau de la planification universitaire où la prévision claire et détaillée de l'emploi tant quantitatif que qualitatif est un pré-requis essentiel. En ce sens on peut saluer à l'Université de Montréal, la mise à la disposition des départements de fonds non négligeables pour mieux analyser leurs objectifs, leurs besoins et orienter leurs programmes en conséquence. Il faut simplement souhaiter qu'à la base cette communication avec le milieu de travail ait vraiment lieu sinon les seules personnes en mesure d'harmoniser efficacement et rapidement la formation et l'emploi viendront de tuer une deuxième fois la planification de l'enseignement post-secondaire. (2) F o n d s C A F A P (Comité d ' a t t r i b u t i o n de fonds pour l'amélioration des programmes) de l'Université de Montréal. Gilles Guérin, Professeur agrégé, Ecole des relations industrielles, Université de Montréal, et Directeur adjouit de La revue.