The Canadian Journal of Higher Education, Vol. XX1-3, 1991 La revue canadienne d'enseignement supérieur, Vol. X X I - 3 , 1991 Sans distinction de sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques ROBERTA MURA* Résumé Le présent article fait état des principaux résultats d'une enquête menée auprès des membres des départements de mathématiques, et de certains départements connexes, dans toutes les universités canadiennes. Le but de la recherche était de comparer les femmes et les hommes du point de vue de origine sociale, situation familiale, études, carrière, difficultés professionnelles liées au sexe et attitude envers les programmes d'accès à l'égalité en emploi. Abstract This article presents the main results of a survey of the faculty members of mathematics departments, and some related departments, in all Canadian universities. The aim of the survey was to compare women and men faculty members with regard to their social backgrounds, family status, education, careers, professional difficulties they may have encountered related to sex and attitudes towards employment equity programmes. La présente étude se situe à l'intersection de deux champs de recherche: le premier concerne les femmes universitaires et le deuxième. Actuellement au Canada, les femmes constituent 43 % de la population active (Statistique Canada, 1989), mais elles ne représentent que 18 % du corps professoral universitaire. Ce pourcentage tombe à 6 % en mathématiques et sciences physiques et à 2 % en génie et sciences appliquées (Statistique Canada, 1990). Depuis quelques années, l'évolution des mentalités d'une part, et de l'économie d ' a u t r e part, ont amené certains secteurs de notre société à déplorer ce déséquilibre en soulignant soit la condition inéquitable vécue par les femmes, soit le préjudice causé au pays par la sous-utilisation du potentiel féminin, en particulier dans les domaines scientifiques et technologiques. Ainsi, le Conseil de la science et de la technologie du Québec pose le principe de la nécessité et Faculté des sciences de l'éducation, Université Laval 60 Roberta Mura de l'urgence «[d']accroître la présence des femmes et [de] rendre équitables leur participation et leur traitement dans tous les domaines de la science et de la technologie» (Conseil de la science et de la technologie, 1986, p. 59). Le phénomène de la sous-représentation des femmes en mathématiques et en sciences n'est pas uniquement canadien et, depuis une quinzaine d'années, plusieurs pays ont consacré de nombreuses études au phénomène. Dans la plupart des cas, les recherches ont porté sur la période de formation, et plus spécialement sur les années qui précèdent le moment du choix d'une orientation professionnelle, c'est-à-dire au secondaire (Mura, 1987; Schildkamp-Kundiger, 1982). Les études sur les femmes qui exercent la profession de mathématicienne à l'université demeurent rares. Au Canada, je n'ai repéré aucune publication qui leur soit consacrée spécifiquement. Par contre, il existe quelques travaux sur les femmes scientifiques, tels ceux de Lasvergnas (1981, 1983, 1986, 1988) sur un échantillon québécois et ceux de Dagg (1985, 1990) sur des échantillons principalement ontariens. Aux États-Unis, plusieurs études ont été réalisées sur la situation des femmes en sciences et en génie. Zuckerman (1987) et Long (1987) présentent une recension et une critique de ces travaux. A ces recherches plus générales s'ajoutent quelques études et témoignages qui concernent précisément les mathématiciennes: Boswell (1985), Helson (1980), Herstein (1976), Luchins (1976, 1979), Luchins et Luchins (1980), Maines, Sugrue et Hardesty (1981), Morawetz (1973), Pour-El (1981) et Taylor (1990). En France, le Syndicat national des chercheurs scientifiques a publié un rapport intitulé La recherche des femmes: enquête, réflexions sur les femmes chercheurs au C.N.R.S. (1981). De plus, quelques t é m o i g n a g e s de m a t h é m a t i c i e n n e s ont paru dans La mathématique: nom masculin pluriel (1979). D a n s l ' e n s e m b l e , les divers t r a v a u x m e n é s i n d i q u e n t que la pleine représentation des femmes parmi les diplômé-e-s est une condition nécessaire mais non suffisante à leur pleine représentation dans la profession. Le même niveau d'études ne garantirait pas l'égalité des chances par rapport à la carrière et des d i f f é r e n c e s i m p o r t a n t e s subsisteraient p a r f o i s entre les f e m m e s s c i e n t i f i q u e s et leurs c o n f r è r e s . Ces d i f f é r e n c e s p e u v e n t t o u c h e r des caractéristiques socio-démographiques, telles que l'origine sociale et ethnique ou l'état civil, aussi bien que des variables liées à la profession, comme le type d'emploi, les promotions, le salaire, les conditions de travail, les réalisations professionnelles et l'insertion dans le milieu scientifique en général. Réalisée au moment où l'on demande aux universités canadiennes de mettre sur pied des programmes d'accès à l'égalité en emploi, cette étude vise à Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 61 décrire la situation et l'éxpérience professionnelle de femmes qui ont déjà réussi à se faire une place dans l'enseignement supérieur au Canada, en particulier dans le secteur des mathématiques. Bien sûr, cette situation est déjà connue de façon intuitive et anecdotique, mais mon but est de confirmer et de systématiser ce savoir. La connaissance des facteurs qui ont facilité ou entravé la carrière des femmes dans les universités pourra servir de guide aux actions visant à améliorer leur situation et la connaissance de la situation actuelle permettra d'évaluer les progrès qui, espérons-le, seront accomplis à l'avenir. Plus précisément, les objectifs poursuivis sont les suivants: 1) obtenir des membres des départements de mathématiques des universités canadiennes des renseignements sur leur origine sociale, leur situation familiale, leurs études, leur carrière, leur intérêt pour les mathématiques, les éventuelles difficultés professionnelles liées au sexe et leurs opinions sur les programmes visant à augmenter la proportion de f e m m e s dans ce domaine; et 2) établir des comparaisons entre les femmes et les hommes. La méthode d'enquête J'ai recueilli les données au moyen d'un questionnaire abordant les thèmes énumérés ci-dessus dans une série de 85 questions, dont une dizaine étaient «ouvertes» 1 . Plusieurs questions ont été tirées des instruments utilisés par Lasvergnas (1986) ou par Luchins et Luchins (1980), ce qui a permis d'établir des comparaisons avec ces deux études, la première portant sur des femmes scientifiques au Québec, la deuxième sur des mathématiciennes aux États-Unis. Dans un premier temps, afin d'établir l'échantillon, j'ai communiqué avec les directions de 82 départements de mathématiques et départements connexes (départements d'informatique et de statistique) pour obtenir des renseignements sur leurs membres. Ces départements, dont la liste se trouve en annexe, sont, à une exception près, membres de la Société mathématique du Canada (1985, p. 108) et appartiennent à 52 universités et collèges différents, soit la presque totalité des établissements d'enseignement canadiens offrant au moins un diplôme de premier cycle universitaire et possédant un département de mathématiques. Onze départements ont fourni des renseignements incomplets ou n ' o n t pas répondu malgré deux lettres de rappel: les données qui les concernent proviennent alors du Commonwealth Universities Yearbook de 1985. A l'aide des listes des membres des 82 départements ainsi constituées, à l'hiver 1987 j'ai fait parvenir par la poste un questionnaire à toutes les femmes (N = 111) et, en prévision d'un taux de réponse plus bas chez les hommes, à 333 62 Roberta Mura hommes, en choisissant pour chacune des 111 femmes 3 hommes du même département, du même rang universitaire et, lorsque cela était possible, dans la même situation par rapport à la permanence. Pour chaque femme, les trois hommes ont été choisis de façon aléatoire parmi ceux qui satisfaisaient aux critères fixés. J'ai donc sollicité 444 personnes (111 femmes et 333 hommes), l'échantillon souhaité étant de 111 femmes et 111 hommes. Le taux de réponse a été de 57 % chez les femmes et de 33 % chez les hommes. A partir de ce bassin, j'ai pu former 55 des 111 paires souhaitées. Aux fins de l'analyse, seuls les questionnaires des femmes pour lesquelles au moins un des trois hommes qui leur étaient pairés avait aussi répondu ont été retenus; lorsque plus d'un de ces trois hommes ont répondu, je n'en ai retenu qu'un seul, choisi au hasard. Les questionnaires des hommes pour lesquels la femme qui leur était pairée n'avait pas répondu n'ont pas été retenus non plus. Un rapport détaillé sur la présente enquête se trouve dans Mura (1990). Afin d'alléger le texte, j'emploierai maintenant le terme «mathématiques» pour désigner l ' e n s e m b l e des mathématiques, de l ' i n f o r m a t i q u e et de la statistique. Un portrait global des membres des départements de mathématiques «I love math, hate surveys and especially hate being reminded that I am that strange ostrich creature «woman» . 2 » À peine plus d'une centaine en 1987, les mathématiciennes demeurent en effet des oiseaux rares dans les universités canadiennes. Le tableau 1 présente la distribution des membres des 82 départements compris dans l'enquête, selon leur sexe, leur rang universitaire et leur statut par rapport à la permanence. Il n'est pas surprenant de constater le petit pourcentage de femmes (6 %) et leur proportion inégale dans les divers rangs universitaires: elles sont en effet 13,0 % parmi les adjoint-e-s, 5,5 % chez les agrégé-e-s et 2,6 % parmi les titulaires. Ou encore, parmi les femmes classées dans un de ces trois rangs, on trouve 40,2 % d'adjointes, 39,2 % d'agrégées et 20,6 % de titulaires, tandis que chez les hommes les pourcentages correspondants sont de 15,8 %, 39,3 % et 44,8 % (X2 = 44,1 ; p < 0,001). D'après Statistique Canada (1990, p. 30), les pourcentages correspondants pour les professeures dans l ' e n s e m b l e des d i s c i p l i n e s , t o u j o u r s en 1987, sont de 4 1 , 9 %, 4 2 , 0 % et 16,1 %; les mathématiciennes se distribuent donc dans les trois rangs universitaires de façon semblable à l'ensemble de leurs consoeurs des autres disciplines. Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 63 Tableau 1 Distribution des professeures et des professeurs selon le sexe, le rang et le statut Femmes Adjoint-e-s permanent-e-s non permanent-e-s statut inconnu a Total Agrégé-e-s permanent-e-s non permanent-e-s statut inconnu Total a Hommes Total 10 28 68 161 78 189 1 39(13,0%) 33 262 34 301 33 4 534 31 567 35 1 38 (5,5 %) 87 652 88 690 18 0 631 4 649 4 2 20 (2,6 %) 108 743 110 763 63 17 80 72 22 94 1737 1848 Titulaires permanent-e-s non permanent-e-s statut inconnu Total a Sans rang ^ permanent-e-s non permanent-e-s Total Total général 9 5 14 (14,9 %) 111 ( 6 , 0 % ) a II s'agit des professeur-e-s appartenant à des départements qui n ' o n t pas r é p o n d u à la d e m a n d e d e r e n s e i g n e m e n t s ou qui y ont r é p o n d u de f a ç o n incomplète, en omettant le statut des professeur-e-s parce qu'ils considéraient que ce renseignement était de nature confidentielle, b II s'agit des professeur-e-s du réseau de l'Université du Québec. Pour ce qui est de la permanence, les f e m m e s représentent 5,1 % de l'ensemble des professeur-e-s permanent-e-s et 14,8 % des non-permanent-e-s. Parmi les femmes dont nous connaissons le statut, on rencontre 65,4 % de professeures permanentes et 34,6 % de non-permanentes, tandis que chez les hommes, les pourcentages correspondants sont de 85,9 % et 14,1 % (y} corrigé pour continuité = 30,2 ; g < 0,001). La proportion inégale de femmes et d'hommes parmi les professeur-e-s permanent-e-s ou non-permanent-e-s est essentiellement une conséquence de leur distribution inégale dans les trois rangs universitaires, car, d'une part, le statut est fortement relié au rang et, d'autre part, à l'intérieur de chaque rang, la proportion de femmes permanentes est semblable à celle des hommes permanents. 64 Roberta Mura Tableau 2 Distribution des professeures et des professeurs selon le sexe et la langue de travail Femmes Hommes Total Départements anglophones Départements francophones Départements bilingues 87 (5,8 %) 23 (7,7 %) 1 (2,2 %) 1417 276 44 1504 299 45 Total 111 ( 6 , 0 % ) 1737 1848 Tableau 3 Distribution des professeures et des professeurs selon le sexe et le type de département Femmes ( 1 ) mathématiques et/ou statistique (2) informatique (3) mathématiques et informatique (4) mathématiques et autres sciences Total Hommes Total 54 (4,9%) 1058 1112 21 (5,5%) 25 (10,0%) 361 230 382 255 11 (11,0%) 88 99 1737 1848 111 (6,0%) Comme l'indique le tableau 2, il n'y a pas de différence significative 3 entre les proportions de femmes dans les départements francophones (7,7 %) et dans les départements anglophones (5,8 %) {%2 corrigé pour continuité = 1,3). Enfin, on peut répartir les départements inclus dans la présente enquête en quatre c a t é g o r i e s : (1) m a t h é m a t i q u e s et/ou s t a t i s t i q u e , (2) i n f o r m a t i q u e , (3) mathématiques et informatique (avec ou sans statistique) et (4) mathématiques et autres sciences. On constate alors que les femmes sont 4,9 % dans les départements du type 1, 5,5 % dans ceux du type 2, 10 % dans ceux du type 3 et 11 % dans ceux du type 4 (voir le tableau 3). Il n'y a donc pratiquement pas de différence entre les départements de mathématiques et ceux d'informatique, contrairement à une opinion que l'on entend parfois exprimer à l'effet que ces derniers seraient plus ouverts aux femmes ou en accueilleraient une plus grande Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 65 proportion. Le pourcentage de femmes est plus élevé, par contre, dans les d é p a r t e m e n t s de t y p e « m i x t e » ( m a t h é m a t i q u e s et i n f o r m a t i q u e , ou m a t h é m a t i q u e s et autres sciences). Un test du c h i - d e u x , c o m p a r a n t le pourcentage de femmes dans les départements des types 1 et 2 (5%) avec le pourcentage de femmes dans les départements des types 3 et 4 (10,2%), montre qu'il s'agit d'une différence significative (x 2 corrigé pour continuité = 12,6 ; g<0,001). Comment expliquer ce résultat? D'après Samuel (1979), en France, le pourcentage de femmes professeures de mathématiques est beaucoup plus petit dans les grands départements que dans les petits. Morawets (1973), en faisant le portrait type d'une mathématicienne états-unienne, dit que l'institution où celleci travaille est rarement parmi les écoles prestigieuses. Toujours aux États-Unis, d'après Simeone (1987, pp. 30-31), dans le passé comme actuellement, les femmes universitaires, indépendamment de leur discipline, se retrouvent plus fréquemment dans les collèges qui dispensent une formation de deux ans, dans les c o l l è g e s pour f i l l e s et dans les u n i v e r s i t é s de petite taille ou peu prestigieuses où l ' o n donne plus d ' i m p o r t a n c e à l ' e n s e i g n e m e n t q u ' à la recherche. Il se peut alors que le plus grand pourcentage de femmes observé dans les départements des types 3 et 4 soit dû au fait que ces derniers se retrouvent plus fréquemment dans le même genre d'institutions. En effet, les 21 départements appartenant aux catégories 3 et 4 inclus dans l'enquête se trouvent dans les universités Brandon, de Winnipeg, du Manitoba, Mount Allison, Moncton, du Nouveau-Brunswick, Dalhousie, St. Mary's, St. Francis Xavier, Cape Breton, Prince Edward Island, Laurentian, Royal Military College, Ryerson, Scarborough College (Toronto), Atkinson, Sherbrooke, Université du Québec à Chicoutimi, Université du Québec à Montréal, Université du Québec à Rimouski et Université du Québec à Trois-Rivières. Or, en 1986-87, dans 15 de ces 21 institutions la population étudiante à temps complet était inférieure à 5 000, dans 3 autres elle était inférieure à 10 000 et dans les trois plus grandes elle était inférieure à 17 000 (Commonwealth Universities Yearbook. 1988, et communications privées). L'origine, le parcours et les étapes «My wife always kids me that women mathematicians are more like men mathematicians than like women non-mathematicians.» Les résultats présentés ici et par la suite sont basés sur les réponses au questionnaire fournies par 55 mathématiciennes et 55 mathématiciens. La distribution dans les rangs universitaires des femmes de l'échantillon (34,5 % d'adjointes, 41,8 % d ' agregees, 14,5 % de titulaires et 9,1 % sans rang) 66 Roberta Mura correspond assez bien à celle de l'ensemble de la population, tandis que pour les hommes (la distribution étant la même) il y a évidemment surreprésentation des adjoints et sous-représentation des titulaires à cause de la structure pairée de l'échantillon. Il est important de garder ce point à l'esprit pour la comparaison de l'échantillon à l'ensemble du corps professoral. Les caractéristiques socio-démographiques En ce qui a trait aux variables socio-démographiques examinées, les femmes en m a t h é m a t i q u e s se d i s t i n g u e n t des h o m m e s de f a ç o n s t a t i s t i q u e m e n t significative à propos de deux caractéristiques seulement: elles viennent de familles plus scolarisées et elles ont, en moyenne, moins d'enfants que leurs confrères. En effet, pour ce qui est de la scolarité des parents (voir le tableau 4), 40,7 % des femmes, mais seulement 13,0 % des hommes, ont une mère ayant fait des études universitaires (%2 corrigé pour continuité = 9,2 ; g < 0,003) et 57,4 % des femmes, mais seulement 37,0 % des hommes, ont un père ayant fait des études universitaires (x 2 corrigé pour continuité = 3,7 ; g < 0,06). L'importance de l'héritage culturel venu des parents et surtout de la mère a également été remarquée par Lasvergnas (1988) chez les femmes scientifiques au Québec. Tableau 4 Scolarité des parents Scolarité de la mère Femmes Hommes Scolarité du père Femmes Hommes Primaire non terminé Primaire Secondaire Universitaire Donnée manquante 0 5 27 22 1 2 15 30 7 1 0 7 16 31 1 2 8 24 20 1 Total 55 55 55 55 De plus, parmi les femmes ayant des soeurs, 75,0 % (soit 27 sur 36) ont au moins une soeur titulaire d'un diplôme universitaire; tandis que, parmi les hommes ayant des soeurs, seulement 47,2 % (soit 17 sur 36) présentent la même situation (%2 corrigé pour continuité = 4,7 ; g < 0,04). On ne retrouve pas de d i f f é r e n c e a n a l o g u e au sujet des f r è r e s : p a r m i les f e m m e s ayant des frères, 73,7 % (soit 28 sur 38) ont au moins un frère titulaire d'un diplôme Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 67 universitaire; parmi les hommes ayant des frères, 73,8 % (soit 31 sur 42) ont au moins un frère qui possède un tel diplôme. Les femmes en mathématiques viennent donc de familles plus instruites que les hommes, ou à tout le moins de familles où les femmes — mère et soeurs — sont plus scolarisées. Contrairement à ce qu'indiquent les données sur la scolarisation des parents, leur occupation n'indique pas de différence significative entre les hommes et les femmes du point de vue de l'origine sociale (voir le tableau 5): les pères des femmes ont plus souvent des occupations de la strate intermédiaire, tandis que les pères des hommes ont plus souvent des occupations des strates supérieures et inférieures; si l'on regroupe les strates supérieures et intermédiaires, 79 % des pères des femmes (N = 42) et 65 % des pères des hommes (N = 34) ont des occupations de ces catégories, mais la différence n'est pas significative (y} corrigé pour continuité = 1,8). De même, si l'on ne considère que les mères sur le marché du travail, 74 % des mères des femmes (soit 17 sur 23) et 50 % des mères des hommes (soit 9 sur 18) ont des occupations des strates supérieures et intermédiaires (%2 corrigé pour continuité = 1,5 ; non significatif). Tableau 5 Catégorie socio-professionnelle des parents Occupation de la mère Occupation du père Femmes Hommes Femmes Hommes 1 ) Strate supérieure 2) Strate intermédiaire 3) Strate inférieure 4) Hors travail Donnée manquante 2 15 6 32 0 0 9 9 37 0 8 34 11 0 2 13 21 18 0 3 Total 55 55 55 55 Catégorie socioprofessionnelle a a 1) Cadres supérieurs, professions libérales, universitaires; 2) cadres moyens, autres p r o f e s s i o n s , enseignantes et enseignants, infirmières et infirmiers, petites et petits propriétaires, artisanes et artisans; 3) cols blancs, ouvrières et ouvriers spécialisés ou non, vendeuses. Un tel résultat ne concorde pas avec ceux de Lasvergnas (1981, 1983, 1988). Dans son échantillon, les femmes étaient d'origine plus bourgeoise que les hommes et avaient plus souvent que les hommes une mère qui exerçait un 68 Roberta Mura emploi sur le marché du travail (35 % des mères des femmes contre 15 % des mères des hommes), alors que, dans le présent échantillon, les pourcentages correspondants sont de 42 % et 33 % et ne diffèrent pas significativement corrigé pour continuité = 0,4). Toujours à propos de la famille d'origine, le nombre moyen de frères est de 1,6 pour les hommes et de 1,2 pour les femmes (t = 1,6) et le nombre moyen de soeurs est de 1,5 pour les hommes et de 1,2 pour les femmes (t = 1,1). Les différences ne sont pas significatives. Ces résultats ne confirment donc pas l'hypothèse émise par Lasvergnas (1988), parmi d'autres, selon laquelle les femmes scientifiques auraient moins de frères que leurs collègues masculins (l'absence de garçons dans la fratrie, ou leur petit nombre, donnant plus de chances aux filles de poursuivre leurs études jusqu'au doctorat). La différence d'état civil entre les deux sexes est un thème qui revient souvent dans les ouvrages sur les universitaires et sur les scientifiques en particulier. Au Québec, comme aux États-Unis, on a rapporté que les femmes scientifiques sont souvent célibataires ou qu'elles le sont plus souvent que leurs confrères (Lasvergnas, 1981; Luchins et Luchins, 1980; Rossi, 1965, p. 72; Simeone, 1987, p. 120-121). Dans la présente étude, la question relative à l'état civil comportait deux choix de réponse: (1) «célibataire, séparé-e, divorcé-e ou veuf-ve», ou bien (2) «marié-e ou vivant en union libre», ce qui rend hasardeuse la comparaison avec des études plus anciennes, où l'on utilisait la catégorie «marié-e». Parmi les personnes interrogées, 63,6 % des femmes (N = 35) comparativement à 78,2 % des hommes (N = 43) ont déclaré vivre en couple (y} corrigé pour continuité = 2,2 ; non significatif). A titre de comparaison, au Canada, en 1986, 78,8 % des f e m m e s et 79,4 % des h o m m e s dans les groupes d ' â g e de 25 à 64 ans (correspondant à l'âge des personnes qui ont participé à l'enquête) étaient marié-e-s, séparé-e-s (mais non divorcé-e-s) ou vivaient en union libre (Statistique Canada, 1987a, Tableau 5). Environ la moitié des femmes (50,9 %, N = 28) et plus des deux tiers des hommes (70,9 %, N = 39) ont des enfants (%2 corrigé pour continuité = 3,82 ; g < 0,06). Les femmes ont en moyenne 1 enfant et les hommes en ont, toujours en moyenne, 1,6 (t = -2,3 ; g < 0,03). À la naissance (ou à l'adoption) de leur premier enfant, l'âge moyen est de 29,4 ans pour les femmes et de 29,6 ans pour les hommes. Dans l'ensemble de la population canadienne, l'âge moyen des femmes ayant donné naissance à un premier enfant en 1984 était de 25,4 ans (Statistique Canada, 1986, Tableau 11), cet âge était même plus bas dans le passé (Statistique Canada, 1985, p. 17). Si l'on considère q u ' à un premier Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 69 mariage les époux sont en moyenne au moins deux ans plus vieux que les épouses (Statistique Canada, 1985, p. 11), on peut conclure que, par rapport aux femmes dans la population générale, les mathématiciennes qui ont participé à l'étude ont retardé la naissance de leur premier enfant davantage que leurs confrères ne l'ont fait par rapport aux hommes dans la population générale. Enfin, dans le présent échantillon, il n'y a pas de différence significative entre les sexes du point de vue de l'âge et du pays d'origine. La moyenne d'âge des femmes est de 42,5 ans et celle des hommes de 42,3 ans. Il n'y a pas non plus de différence significative entre les moyennes d'âge des femmes et des hommes lorsqu'on considère séparément les trois sous-échantillons composés des personnes aux rangs d'adjoint-e, d'agrégé-e et de titulaire. Puisque ces femmes et ces hommes ont été jumelés selon leur rang universitaire, ce résultat indique que les femmes, en moyenne, ont progressé dans leur carrière à peu près au même rythme que les hommes. Quant au pays d'origine, 61,8 % des femmes (N = 34) et 52,7 % des hommes (N = 29) sont d'origine étrangère (voir le tableau 6), ce qui ne constitue pas une différence significative (%2 corrigé pour continuité = 0,6). Les pourcentages correspondants dans les universités anglophones sont de 63,4 % pour les femmes (soit 26 sur 41) et de 61,0 % pour les hommes (soit 25 sur 41), tandis que dans les universités francophones ils sont de 61,5 % pour les femmes (soit 8 sur 13) et de 30,8 % pour les hommes (soit 4 sur 13), ce qui se rapproche des pourcentages de 56,9 % et 36,5 % rapportés par Lasvergnas (1981, 1983). Tableau 6 Pays d'origine Femmes Hommes Total Grande-Bretagne France Autres pays d'Europe États-Unis Asie Afrique Australie 4 2 9 11 6 1 1 6 3 6 3 9 1 1 10 5 15 14 15 2 2 Total d'origine étrangère 34 29 63 Canada 21 26 47 Total général 55 55 110 70 Roberta Mura Les études Aucune différence n'est apparue entre les femmes et les hommes membres d'un département de mathématiques du point de vue de leurs études. Ainsi, 81,8 % des femmes (N = 45) et 89,1 % des hommes (N = 49) détiennent un doctorat, ce qui ne constitue pas une différence significative {'/} corrigé pour continuité = 0,7). Ce résultat contredit la remarque suivante d'une des personnes interrogées: Perhaps some distinction should be made between those women (usually older) who have risen in the profession despite a lack of official qualifications and those (usually younger) who are usually as well qualified as their male counterparts. It is difficult to j u d g e whether slow promotion or low salary is a t t r i b u t a b l e to d i s c r i m i n a t i o n or to a lack of qualifications or both. L'image de la mathématicienne plus âgée et sous-diplômée correspond mal à la réalité: d'une part, les personnes sans doctorat sont rares, et, d'autre part, on rencontre des personnes des deux sexes et de tout âge dans cette situation. En m o y e n n e , les f e m m e s et les h o m m e s ont obtenu leurs d i p l ô m e s universitaires à peu près au même âge: l'âge moyen d'obtention du premier d i p l ô m e est de 2 2 , 0 ans p o u r les f e m m e s et de 2 2 , 6 ans p o u r les h o m m e s (t = -1,7); tandis que l ' â g e moyen d ' o b t e n t i o n du doctorat est de 29,6 ans pour les femmes et de 30,0 ans pour les hommes (t = -0,5). Parmi les personnes qui ont participé à l'enquête, 43,6 % des femmes (N = 24) et 47,3 % des hommes (N = 26) ont connu une ou plusieurs périodes d'interruption pendant leurs études. Si l'on ne considère que les personnes ayant eu de telles interruptions, la durée moyenne du total des périodes d'interruption est de 4,0 ans pour les femmes et de 3,1 ans pour les hommes (t = 0,9). Les interruptions des études sont donc importantes, mais elles ne sont pas plus fréquentes ni significativement plus longues chez les femmes que chez les h o m m e s . C o m m e l ' i n d i q u e le t a b l e a u 7, la r a i s o n la plus f r é q u e n t e d'interruption des études, pour les deux sexes, est le travail entrepris soit par nécessité financière, soit par goût. La maternité et l'éducation des enfants ne comptent que pour 21 % des raisons d'interruption des études invoquées par les femmes. Il n'y a pas non plus de différence entre les femmes et les hommes du point de vue de l'obtention de bourses au mérite et de bourses postdoctorales, ce qui concorde avec les résultats fournis par Cole (1981) et par Zuckerman (1987) à propos des femmes et des hommes en sciences et en génie aux États-Unis. Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 71 Tableau 7 Raisons d'interruption des études Femmes Hommes Total 5 10 6 0 2 3 2 0 6 14 1 3 1 2 1 1 11 24 7 3 3 5 3 1 28 29 57 Travail universitaire en mathématiques Autre travail Maternité, éducation des enfants Service militaire Voyages Lassitude à l'égard des études A cause du conjoint ou de la conjointe Raisons de santé Total a a Certaines personnes ont donné plus d'une raison. Enfin, le questionnaire comportait deux questions sur l'origine de l'intérêt pour les mathématiques. A quel moment les personnes interrogées avaient-elles décidé de se spécialiser en mathématiques et qu'est-ce qui les avait attiré initialement vers cette discipline? Tableau 8 Moment de la décision de se spécialiser en mathématiques Femmes Hommes Total Avant 12 ans Entre 12 et 17 ans Entre 18 et 21 ans Après 21 ans Donnée manquante 7 22 20 6 0 1 17 23 13 1 8 39 43 19 1 Total 55 55 110 C o m m e l ' i n d i q u e le tableau 8, 52,7 % des f e m m e s ont décidé de se spécialiser en sciences mathématiques avant l'âge de 17 ans, 36,4 % entre 18 et 21 ans et 10,9 % après l'âge de 21 ans. Les pourcentages correspondants pour les hommes sont de 33,3 %, 42,6 % et 24,1 % (%2 = 5,4 ; p < 0,07). La vocation 72 Roberta Mura pour les sciences mathématiques s'avère donc légèrement plus tardive chez les hommes. Pour les mêmes catégories, Luchins et Luchins (1980) signalent des pourcentages de 36 %, 43 % et 16 % chez les femmes et de 31 %, 46 % et 21 % chez les hommes. Les r a i s o n s de l ' a t t r a c t i o n i n i t i a l e p o u r les m a t h é m a t i q u e s sont essentiellement les mêmes pour les deux sexes. Parmi les réponses proposées, celle qui a été choisie le plus souvent, par les femmes comme par les hommes, est le goût de relever des défis et de résoudre des problèmes. La deuxième réponse, en ordre de f r é q u e n c e , est le succès connu en mathématiques. Viennent, en troisième lieu, la logique et la rigueur. D ' a u t r e s raisons, m e n t i o n n é e s moins f r é q u e m m e n t , c o m p r e n n e n t la nature abstraite des mathématiques, leur côté esthétique, leur lien avec les sciences, la possibilité qu'elles offrent de travailler de façon indépendante, l'influence d'une personne particulière et des contraintes externes d'ordre social. La ressemblance des raisons qui ont attiré initialement mathématiciennes et mathématiciens à leur discipline contraste avec ce que j'avais observé auprès d'étudiantes et d'étudiants des premier et deuxième cycles universitaires (Mura, 1986), à savoir que les femmes avaient tendance à valoriser davantage l'aspect «logique» et les hommes l'aspect «défi». Peut-être la tendance observée auprès de la population étudiante interrogée n'est-elle pas générale, mais il est possible aussi que le goût pour la logique et la rigueur suffise pour poursuivre des études de baccalauréat ou de maîtrise, alors que l'importance du goût pour les défis et la résolution de problèmes augmente pour des études de doctorat et pour une carrière en mathématiques. La carrière Il y a peu de différences entre les domaines de spécialisation des femmes et des hommes. En particulier, les unes et les autres ont mentionné à peu près le même nombre de domaines et se répartissent presque de la même façon dans les quatre domaines qui reviennent le plus souvent, soit, dans l'ordre, l'informatique, la statistique et les probabilités, l'analyse, et l'algèbre. Aucun des résultats obtenus dans la présente enquête n'indique de différence entre les deux sexes du point de vue de leur histoire professionnelle: les deux ont été engagés aux divers rangs universitaires et ont obtenu la permanence à peu près au même âge, ont eu le même nombre et le même genre d'employeurs (canadiens ou étrangers, universitaires ou non universitaires, en sciences mathématiques ou dans d'autres secteurs) et ont vécu dans la même mesure des réorientations professionnelles et des interruptions de carrière (très rarement). Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 73 Plus précisément, les femmes ont eu leur premier engagement comme professeure adjointe en moyenne à 30,5 ans et les hommes à 30,2 ans (t = 0,4); elles ont eu leur premier engagement comme professeure agrégée à 34,7 ans et les hommes à 33,3 ans (t = 1,1); elles ont eu leur premier engagement comme professeure titulaire à 38,4 ans et les hommes à 40,1 ans (t = -0,8); enfin, les femmes ont obtenu leur permanence en emploi à 35,1 ans et les hommes à 34,0 ans ( t = 1,2). Ces résultats confirment l'observation que les carrières des femmes et des hommes de l'échantillon ont progressé sensiblement au même rythme. Cela contraste avec les conclusions de Cole (1981), de Zuckerman (1987) et de Lasvergnas (1981, 1983) qui ont observé, auprès d'échantillons de scientifiques aux É t a t s - U n i s et au Q u é b e c , que la p r o m o t i o n des f e m m e s survenait généralement à un âge plus avancé que celle des hommes. Les interruptions de carrière sont beaucoup plus rares que les interruptions d'études: seulement trois hommes (5,5 %) et six femmes (10,9 %) ont dit avoir connu des périodes de chômage au cours de leur carrière. Des six femmes, il n'y en a que deux qui ont interrompu leur carrière pour des raisons liées à la famille. Ce résultat rejoint ceux d'autres recherches (Dagg, 1985; Dagg et Thompson, 1988, p.17-18; Morawetz, 1973; Simeone, 1987, p. 36) selon lesquels, contrairement à un préjugé courant, les interruptions de carrière chez les femmes universitaires, que ce soit pour élever des enfants ou pour d'autres raisons, sont un phénomène très marginal. Comme Morawetz le précise: «The pattern that many of us imagine, of women who wish to take five to ten years off to raise a family and then return to a career, is not substantiated.» Mathématiciennes et mathématiciens se ressemblent aussi du point de vue des f o n c t i o n s a d m i n i s t r a t i v e s (en n o m b r e et en t y p e ) , de la c h a r g e d'enseignement (nombre d'heures d'enseignement par semaine et nombre de thèses dirigées), de la participation à des congrès (que ce soit simplement pour y assister, y présenter une communication ou y présider une séance), de l'insertion dans les réseaux professionnels (collaborations de diverses sortes avec des collègues du Canada, des États-Unis, d'Europe ou d'autres pays) et de la satisfaction à l'égard du choix de carrière. À ce dernier propos, 70,9 % des femmes et 69,1 % des hommes affirment inconditionnellement que, s'il leur était donné de recommencer, leur choix s'arrêterait de nouveau sur les mathématiques. Les seules différences significatives au sujet de la carrière touchent au domaine de la publication: les femmes sont moins souvent appelées à évaluer des manuscrits pour des revues scientifiques et, au rang d'adjointes, elles 74 Roberta Mura publient moins d'articles que les hommes du même rang. Elles ont aussi tendance, plus que les hommes, à écrire des articles en collaboration. Onze femmes (20,0 %) et cinq hommes (9,1 %) ont dit être ou avoir été membres du comité de rédaction d'une revue scientifique (%2 corrigé pour continuité = 1,8 ; non significatif); on note peu de différence aussi entre les types de postes occupés par les femmes et par les hommes au sein de ces comités. Toutefois, moins de femmes que d ' h o m m e s ont eu à évaluer un manuscrit pour une revue scientifique ou une maison d'édition (voir le tableau 9): pendant les cinq dernières années, cela est arrivé au moins une fois à 80,0 % des hommes (N = 44), mais seulement à 56,4 % des femmes (N = 31) (x 2 corrigé pour continuité = 6 ; g < 0,02). Il y a cependant un petit groupe de femmes qui ont été appelées souvent à jouer ce rôle. Tableau 9 Evaluation de manuscrits au cours des cinq dernières années Femmes Hommes Total Jamais Entre une et cinq fois Entre six et dix fois Plus de dix fois 24 14 5 12 11 28 11 5 35 42 16 17 Total 55 55 110 Quant aux publications, les résultats obtenus sur le nombre d'articles professionnels publiés ou acceptés pour publication au cours des cinq dernières années (voir le tableau 10) confirment les observations de Cole (1981), de Cole et Zuckerman (1987) et de Zuckerman (1987), sur les scientifiques et celles de Simeone (1987, p. 37 et 123) à propos des universitaires en général relativement à la plus grande production de publications chez les hommes. Dans le présent échantillon, cette différence est due surtout au sous-échantillon des adjoint-e-s, c ' e s t - à - d i r e des professeur-e-s en début de carrière, la d i f f é r e n c e entre l ' e n s e m b l e des f e m m e s et des h o m m e s n ' é t a n t q u e m a r g i n a l e m e n t signicative (g < 0,06). Cela diffère des résultats de Zuckerman (1987) selon qui la différence entre les sexes dans la quantité des publications s'avère plus probable en début de carrière que plus tard. L'hypothèse d ' u n lien entre les maternités et une production réduite de publications ne résiste pas aux tests effectués (voir le tableau 10) d'après lesquels il n'y a pas de différence entre les femmes, du point de vue du nombre d'articles publiés, selon qu'elles vivent ou non en couple, qu'elles vivent ou non Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 75 avec des enfants, ou encore qu'elles aient eu ou non un enfant au cours des sept dernières années. Ce résultat rejoint ceux qui ont été rapportés par Cole (1981), Cole et Zuckerman (1987), Zuckerman (1987) et Simeone (1987, p. 123). De plus, la structure pairée du présent échantillon exclut la possibilité que la taille ou d'autres caractéristiques du département où travaillent les femmes et les hommes puissent constituer des facteurs explicatifs: en effet pour chaque femme incluse dans l'échantillon il y a aussi un homme membre du même département et vice versa. De cette façon toutes les variables concernant le département sont contrôlées. Tableau 10 Articles publiés ou acceptés pour publication au cours des cinq dernières années Moyenne Écart type t Ensemble de l'échantillon Femmes Hommes Professeur-e-s adjoint-e-s Femmes Hommes Professeur-e-s agrégé-e-s Femmes Hommes Professeur-e-s titulaires Femmes Hommes Ensemble des femmes Femmes vivant en couple Femmes ne vivant pas en couple Ensemble des femmes Femmes vivant avec des enfant Femmes vivant sans enfant Ensemble des femmes Ayant eu un enfant au cours des sept dernières années N'ayant pas eu d'enfant au cours des sept dernières années a 5,7 8,2 5,8 7,5 -2,0 4,1 7,8 3,3 4,6 -2,9 6,0 9,2 6,6 9,8 -1,3 7,3 8,0 4,2 7,2 -0,2 5,6 5,7 -0,1 5,8 6,1 5,0 3,8 6,2 6,8 6,4 4,3 5,6 6,1 2<0,01 -0,8b 0,5 Non significatif au seuil alpha = 0,05 b Variances hétérogènes, test t approximé i 76 Roberta Mura Qu'est-ce qui fait que les adjoints publient plus que les adjointes, si cette différence n'est due ni au mariage, ni aux enfants, ni au type de département où ces personnes travaillent? Pour Cole et Zuckerman (1987), cela demeure un casse-tête sans réponse. Les femmes s'imposeraient-elles des critères plus stricts que les hommes sur la qualité de leurs écrits avant de les soumettre pour publication? Ou bien leurs manuscrits seraient-ils jugés plus sévèrement par les revues? La première hypothèse est appuyée par une observation faite par Luchins (1979) au cours d'entrevues avec des personnes ayant reçu récemment un doctorat en mathématiques: plus de femmes que d'hommes pensaient que leur thèse de doctorat ne méritait pas d'être publiée, même lorsque d'autres personnes dans le domaine, y compris leur directeur ou directrice de thèse, pensaient qu'elle le méritait. La deuxième hypothèse a été soulevée par une des mathématiciennes qui a participé à la présente enquête: «Sometimes I feel referees expect to be able to reject papers written by females!» Peut-être cette forme de discrimination, si elle existe, joue-t-elle plus fortement contre des auteures lorsqu'elles sont en début de carrière et peu connues. On peut songer aussi au fait que les femmes, comme on l'a vu, sont appelées moins souvent que les hommes à évaluer des manuscrits pour des revues. Enfin, parmi les articles des femmes, 69,9 % (soit 270 articles sur 386) ont été écrits en c o l l a b o r a t i o n , alors que pour les h o m m e s le p o u r c e n t a g e correspondant est de 50,9 % (soit 229 sur 450). Les femmes ont donc plus que les hommes tendance à écrire en collaboration (x 2 corrigé pour continuité = 30,6 ; p < 0,001). Ce résultat fait écho à une observation de Maines, Sugrue et Hardesty (1981, p. 151) selon laquelle plus de mathématiciennes que de mathématiciens privilégient le travail en collaboration. Dans le même sens, Dagg (1989) a observé sur un échantillon d ' a r t i c l e s de zoologie que la proportion d'auteurs uniques était plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Les obstacles, les revendications et les résistances «The mathematical mind knows neither sex nor gender, but is free of both biology or sensibility.» Malheureusement le commentaire en exergue ne correspond pas à la réalité: la majorité des mathématiciennes interrogées (près de deux sur trois) ont fait état de difficultés et de désagréments qu'elles ont connus au cours de leurs Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 77 études et de leur carrière justement à cause du sexe et du genre (de la biologie et de la sensibilité), plus précisément à cause des attitudes, comportements et préjugés sexistes adoptés envers elles par leur entourage et à cause des rôles sociaux féminins qu'elles ont assumé ou qui leur ont été imposés. La discrimination Deux questions abordaient explicitement le thème de la discrimination: les personnes qui ont participé à l'enquête croyaient-elles avoir déjà été victimes, à cause de leur sexe, (a) de discrimination en matière d'engagement ou de promotion et (b) d'autres formes de discrimination, toujours concernant leur carrière? Si oui, ont-elles porté plainte? Comme l'écrit une des personnes interrogées, il est difficile pour une personne de savoir si elle a été ou non victime de discrimination. Par exemple, lorsqu'un poste nous est refusé, comment pouvons-nous savoir avec certitude si nous avons été ou non victime d'une injustice? Et si oui, comment savoir si l'injustice nous frappe en tant que personne ou en tant que membre d ' u n groupe? Et encore, de quel groupe? Comme l'écrit une autre mathématicienne: «J'aurais pu l'interpréter comme du racisme plutôt que du sexisme!» Malgré ces difficultés, 17 femmes (soit 30,9 %) croient ou soupçonnent avoir été victimes de discrimination en matière d'engagement ou de promotion, et 16 femmes (soit 29,1 %) croient ou soupçonnent avoir été victimes d'autres formes de discrimination dans leur carrière, à cause de leur sexe. Dix femmes ont répondu affirmativement à ces deux questions; les réponses positives à l'une ou l'autre des deux questions impliquent donc 23 femmes différentes, soit 41,8 % de l ' é c h a n t i l l o n f é m i n i n . Le p o u r c e n t a g e de f e m m e s a y a n t r é p o n d u affirmativement à l'une ou l'autre des deux questions sur la discrimination est de 50,0 % parmi les 36 ans et moins, de 50,0 % pour les 37 à 46 ans et de 30,8 % chez les 47 ans et plus (%2 = 3,4 ; non significatif). En quoi les actes de discrimination subis par ces m a t h é m a t i c i e n n e s consistent-ils? Dans sept cas, ces dernières n'ont pas voulu le préciser: «Long story!» commente laconiquement l'une d'entre elles. Dans six cas, il s'agit du salaire; dans six autres cas, il est question d'un engagement, d'un contrat ou d'une augmentation de salaire refusés à cause de l'état civil, par exemple: «I was told I lost my traineeship fellowship because I was married and didn't need the money as much as other students supporting families.»; «Comments re I d o n ' t need the j o b since my husband has a good job; also my graduate assistantship was cut during the summer for same reason (so money could support a male grad. student) I was told my husband could support me.»; ou, au contraire, «I was told I was earning enough for a single girl with no children.» 78 Roberta Mura D'autres doléances concernent une promotion refusée, la non-accessibilité à des postes de direction, un cas de harcèlement sexuel, le fait d'être jugée plus sévèrement que les hommes par des collègues, par des étudiant-e-s, ou encore par des comités de rédaction de revues, le fait d'avoir eu à accomplir sans paie et sans dégrèvement une tâche administrative pour laquelle un collègue masculin avait reçu paie et dégrèvement. S'ajoutent à cette liste la surcharge de tâches de comité (entre autres, les comités touchant la condition des femmes!), le fait de ne pas être prises au sérieux («Les idées nouvelles sont plus facilement acceptées si ce sont des hommes qui les disent.») et le fait d'être pénalisées à l'occasion des congés de maternité («Dans les évaluations, les collègues ne tiennent pas vraiment compte des congés de maternité.»), ces congés étant assimilés tantôt à des périodes de chômage, tantôt à des congés sabbatiques. Seulement 2 des 23 femmes qui ont dit croire ou soupçonner avoir été victimes de discrimination ont porté plainte: dans les deux cas, il était question de salaire. Le commentaire d ' u n e autre mathématicienne peut expliquer partiellement cette quasi-absence de plaintes: «What does that mean [formai complaint] ? — No formai procédures existed when I had most troubles.» Mais même lorsque des mécanismes de grief existent, la difficulté de la preuve peut décourager la plaignante éventuelle. Dans d'autres cas, une plainte aurait peu de sens et ne saurait régler le problème. Deux hommes seulement ont répondu affirmativement aux questions portant sur la discrimination, et aucun des deux n'a porté plainte. Les plaintes que j'ai recueillies font écho à celles des femmes scientifiques, au Canada, aux États-Unis et en France, rapportées par Boswell (1979, 1985), Dagg (1985, 1990), Dagg et Thompson (1988, p. 15-23), Luchins et Luchins (1980), Morawetz (1973), Maines, Sugrue et Hardesty (1981, p. 181) et dans l'ouvrage La recherche des femmes (1981, p. 156). Dans l ' e n q u ê t e de Luchins et Luchins (1980) auprès des membres de l ' A s s o c i a t i o n f o r W o m e n in M a t h e m a t i c s , 80 % des f e m m e s , m a i s s e u l e m e n t 9 % des hommes, ont affirmé avoir été l'objet d'un traitement différent à cause de leur sexe au cours de leurs études ou de leur carrière. Comme dans la présente étude, la fréquence des plaintes était à peu près la même parmi les femmes plus jeunes et parmi les plus âgées. Une étude de deux psychologues (Basow et Silberg, 1987) vient confirmer le sentiment des mathématiciennes qui se perçoivent jugées plus sévèrement que leurs collègues masculins: en analysant les évaluations faites par des étudiantes et des étudiants de diverses disciplines, Basow et Silberg ont trouvé que les étudiantes et surtout les étudiants évaluent plus sévèrement les femmes que les Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 79 hommes. Paludi et Bauer (1983), pour leur part, ont observé que des étudiantes et des étudiants universitaires évaluaient plus favorablement un même article lorsqu'il le croyaient écrit par un homme que lorsqu'il le croyaient écrit par une femme. Enfin, en matière de salaires, Statistique Canada (1990, p. 14) affirme qu'en 1986-1987 «dans chaque rang, le traitement médian des femmes a été inférieur à celui des hommes.» A cause des primes individuelles inscrites dans le système de rémunération en vigueur dans plusieurs universités canadiennes, cet écart constitue un indice mais non une preuve de discrimination. Un milieu de travail masculin Y a-t-il des avantages ou des désavantages personnels au fait de travailler dans un milieu très majoritairement masculin? Vingt-deux femmes (40,0 %) et neuf hommes (16,4 %) ont répondu y trouver des désavantages, tandis que neuf femmes (16,4 %) et deux hommes (3,6 %) ont déclaré y trouver des avantages (parfois ce sont les mêmes personnes qui ont reconnu des avantages et des désavantages). Les désavantages personnels mentionnés par les hommes sont peu nombreux et se résument essentiellement au sentiment que «ce serait plus agréable s'il y avait plus de femmes.» Les femmes, par contre, en signalent plusieurs: des relations inconfortables ou insuffisantes avec les collègues (sur les plans professionnel et social), l'isolement, le manque d ' a p p u i , des traitements discriminatoires (par exemple, des charges de comité plus lourdes), le manque de respect («When I joined, I was taken to be a secretary, and the chairman refused to introduce me to other staff.»), la compétence plus difficilement reconnue et le harcèlement sexuel. En outre, dans un milieu masculin, les besoins «particuliers des femmes», liés à la maternité ou au soin des enfants, ne sont pas pris en considération («Les cours commencent à 8 h bien que cela pose des problèmes de gardiennes.»; «They tend to arrange seminars on week-ends or at 4:30 or 5:00 at night.»). Certains des commentaires suscités par cette question rejoignent directement ceux qui concernent la discrimination et les renforcent, d'autres apportent de l'information complémentaire. Par exemple, la plus grande difficulté des relations avec les collègues peut expliquer l'exclusion des femmes des réseaux masculins, réseaux qui sont à la fois professionnels et personnels et qui jouent un rôle important dans la carrière, en particulier pour l'engagement. Maines, Sugrue et Hardesty (1981, p. 162) ont observé également que dès la période des études les mathématiciennes tendent à avoir des réseaux basés sur des relations 80 Roberta Mura personnelles seulement, tandis que pour les hommes amitiés personnelles et professionnelles se superposent. Luchins et Luchins (1980) rapportent également que des mathématiciennes souffrent d'isolement et de relations peu confortables avec leurs confrères. Pour sa part, Hill (1984) a étudié la satisfaction personnelle des femmes universitaires, y compris des mathématiciennes, en Pennsylvanie en fonction du taux de masculinité dans leur établissement d'enseignement. Il a trouvé que les femmes sont plus satisfaites là où elles sont plus nombreuses et que cette différence provient des dimensions «extrinsèques» de la satisfaction, en particulier de la dimension économique. Il attribue ce résultat à des variations objectives dans les conditions de travail et en déduit que la discrimination sexuelle est moins forte dans les établissements avec un taux plus élevé de femmes, ce qui appuie l'opinion exprimée par quelques-unes des participantes à la présente enquête («It is the smallness of the minority that is hard»; «it does make discrimination more of a problem.»). Quant aux avantages de travailler dans un milieu majoritairement masculin, pour les femmes, ils consistent en de bonnes relations avec leurs confrères (en général, mais plus particulièrement sur le plan professionnel) et en une plus grande visibilité. Des deux hommes qui ont dit trouver des avantages, l'un n'a pas su les mettre en évidence se limitant à écrire: «Il me semble qu'il y en a.» et l'autre a déclaré ce qui suit: «Most things are male-oriented, e.g. washrooms.» La famille La famille n'impose pas les mêmes contraintes à la carrière des hommes qu'à celle des femmes. Par exemple, à propos du choix du lieu de résidence, parmi les 34 femmes et les 29 hommes d'origine étrangère qui ont participé à l'enquête, 15 femmes ont dit être venues au Canada pour accompagner leur conjoint, alors qu'aucun homme n ' a dit y être venu pour accompagner sa conjointe. À sept reprises, des femmes ont cité le déménagement du conjoint comme raison d'interruption de leurs études ou de leur carrière ou encore d'une réorientation professionnelle. Une autre mathématicienne a fait référence à la plus grande liberté de mouvement et de choix parmi diverses offres d'emploi dont les hommes jouissent habituellement et elle a ajouté: «Few men will interrupt their careers even briefly for a wife. Few men will even consider it!» Cette plus grande dépendance géographique des femmes scientifiques a déjà été notée dans d'autres études au Canada et aux États-Unis (Dagg, 1990, Morawetz, 1973 et Zuckerman, 1987). Quant aux enfants, bien que les femmes en aient moins que les hommes, neuf d'entre elles, comparativement à un seul homme, ont dit avoir interrompu leurs Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 81 études ou leur carrière, ou avoir réorienté celle-ci, à cause de responsabilités familiales. Environ la moitié des femmes qui ont des enfants ont attendu d'avoir terminé leur doctorat avant de donner naissance à leur premier enfant et le quart d'entre elles ont attendu d'avoir obtenu la permanence, en adoptant ainsi un comportement essentiellement pareil à celui des hommes. L'état civil, la relation avec un conjoint et les responsabilités familiales refont surface dans les réponses des femmes aux questions sur la discrimination, sur leur expérience de travail dans un milieu masculin et dans des commentaires offerts spontanément, par exemple: L'incapacité actuelle de la société d'assurer une solution (peu coûteuse) correcte pour les enfants entre un et sept ans fait que beaucoup de femmes capables d'étudier et de produire du côté recherche scientifique abandonnent. I intend to make a professional shift soon because I see no way I can be a mathematician and have a family [...] Children and career cannot both come first. In the past much hinged on the support, or lack of it, on the part of a husband [...] I know women whose careers were damaged — not because of discrimination — but by nonsupportive male relationships quite outside the work-place. Balancing a two-career marriage by means of commuting [...] has taken a heavy toll on career and marriage both. Discrimination indirecte, car, étant femme, j'avais toujours et j ' a i toujours plus de travail que les hommes, travail pour soigner la maison, faire des repas, etc., en plus de tout le reste du travail. Ou, sur une note plus positive: II est certain qu'avoir des enfants ralentit momentanément la carrière [...] Par contre, ils nous apportent une maturité qui enrichit notre enseignement. Bien sûr, seulement une minorité des mathématiciennes interrogées ont reconnu explicitement les conjoints et les enfants comme source de difficultés 82 Roberta Mura professionnelles, mais si la majorité d'entre elles semblent avoir su contourner ou surmonter les obstacles posés par la famille, les commentaires recueillis ne laissent pas de doute sur la réalité de ces obstacles. Il faut se rappeler aussi que les mathématiciennes qui auraient sacrifié une carrière universitaire à leur famille (comme une des femmes interrogées semble sur le point de faire) ne peuvent pas avoir été incluses dans l'enquête. Il reste à considérer le cas particulier, mais très fréquent, où famille et profession se superposent. Le mariage entre collègues Morawetz (1973), en faisant le portrait type de la mathématicienne étatsunienne, écrit: She is married and has children. Her husband is also a m a t h e m a t i c i a n and s u p p o r t s her p r o f e s s i o n a l e f f o r t s enthusiastically. Her job prospects are limited because she cannot move unless her husband gets a suitable job also. Luchins et Luchins (1980) rapportent que dans leur échantillon de membres d e l ' A s s o c i a t i o n f o r W o m e n in M a t h e m a t i c s l e s c o n j o i n t s et l e s c o n j o i n t e s de 30 % des femmes et de 6 % des hommes travaillent aussi en mathématiques. D'après Samuel (1979), jusqu'à tout récemment la majorité des mathématiciennes françaises étaient mariées avec des mathématiciens, et cela aurait eu des effets positifs sur leur carrière en facilitant leur insertion dans la communauté mathématique. D a n s le p r é s e n t é c h a n t i l l o n , il est é g a l e m e n t très f r é q u e n t q u ' u n e mathématicienne soit (ou ait été) mariée avec un mathématicien, alors que l'inverse se produit proportionnellement beaucoup plus rarement : 45,4 % des femmes (N = 25) se trouvent dans cette situation, comparativement à 9,1 % des hommes (N = 5) (x 2 corrigé pour continuité = 17,7 ; g < 0,001), ce qui, évidemment, peut s'expliquer par la faible présence des f e m m e s dans la profession. Le pourcentage de femmes mariées (ou ayant été mariées) à un mathématicien s ' a v è r e encore plus f r a p p a n t si l ' o n tient compte du fait que 36,4 % des f e m m e s de cet échantillon vivent seules. Quels sont les effets sur la carrière d'un mariage entre collègues? Les cinq hommes mariés avec des mathématiciennes pensent que leur mariage n'a pas d'effets sur leur carrière, ou bien qu'il a des effets positifs seulement; aucun n'a mentionné d'effets négatifs. Cependant, les femmes soulignent presque autant d'effets négatifs que d'effets positifs. Parmi ces derniers, elles énumèrent la Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 83 collaboration professionnelle avec leur conjoint (surtout en recherche), l'échange d'idées, l'encouragement, une saine compétition et l'insertion plus facile dans un réseau de collègues. Parmi les effets négatifs, elles citent la difficulté de trouver deux emplois dans la même ville, la difficulté de se faire reconnaître en tant que personne («Others may have perceived my contributions as dépendent on those of my spouse.», «Couldn't get own office or even own mailbox!»), une compétition insupportable, des conflits dus à la proximité continuelle («Vingt-quatre heures sur vingt-quatre en contact avec l'autre — source de conflits.»), moins de collaborations avec d'autres personnes (ce qui contraste avec la facilité d'accès à un réseau de collègues mentionnée plus haut), la difficulté d'affirmer ses intérêts et ses jugements en recherche et la discrimination de la part des employeurs. Comme une mathématicienne l'a fait remarquer, même une simple amitié avec un collègue peut influer, positivement ou négativement, sur la carrière d'une femme. Les attitudes à l'égard des programmes d'accès à l'égalité en emploi Devant la stabilité de la faible représentation des femmes (et de certaines minorités) dans le corps professoral universitaire (et dans d'autres secteurs du marché du travail), à l'instar des États-Unis, on a songé à créer, au Canada, des politiques officielles visant à favoriser l'accès à l'égalité en emploi (Piché et Simard, 1989). Quelles sont les attitudes des membres des départements de mathématiques à l'égard de politiques visant à augmenter la proportion de femmes parmi le corps professoral en mathématiques, dans certains secteurs particuliers ou dans tous les secteurs universitaires? Les opinions sont partagées, mais il n'y a pas de différence entre les deux sexes (voir le tableau 11): 43,6 % des femmes et 41,8 % des hommes se déclarent favorables à de telles politiques, 36,4 % des femmes et 34,5 % des hommes se disent défavorables, enfin 20,0 % des femmes et 23,6 % des hommes hésitent ou ne répondent pas (x 2 = 0,2). Parmi les gens qui ont exprimé une opinion nette (oui ou non), 54,5 % des femmes et 54,8 % des hommes se sont déclarés favorables. Ces attitudes ne varient pas de façon significative en fonction de l'âge. Par contre, les hommes qui ont obtenu la permanence sont plus favorables à une politique d'accès à l'égalité que ceux qui ne l'ont pas encore obtenue: 66,7 % parmi les permanents, soit 20 sur 30, comparativement à 25,0 % parmi les nonpermanents, soit 3 sur 12 (x2 corrigé pour continuité = 4,4 ; g < 0,04). Ces derniers craindraient-ils un danger pour leur propre carrière? Chez les femmes, les opinions ne varient pas de façon significative ni avec la permanence ni avec l'expérience d'actes discriminatoires. 84 Roberta Mura Tableau 11 Attitude envers les politiques d'accès à l'égalité en emploi Femmes Hommes Total Attitude favorable Attitude défavorable Attitude hésitante Sans réponse ou incapable de se prononcer 24 20 5 6 23 19 5 8 47 39 10 14 Total 55 55 110 Les a r g u m e n t s qui s o u s - t e n d e n t ces attitudes se révèlent é g a l e m e n t semblables pour les deux sexes. Les raisons pour lesquelles on souhaite une politique visant à augmenter la proportion de femmes se regroupent en trois catégories: - le désir d'offrir des modèles de mathématiciennes aux étudiantes (6 femmes et 6 hommes); - un souci de justice sociale (2 femmes et 4 hommes); - la conviction que, sans une telle politique, il y aurait discrimination contre les femmes (4 femmes et 1 homme). Plusieurs des personnes qui se sont déclarées favorables ont toutefois exprimé des réserves qui rejoignent les propos des personnes indécises et qui tournent autour des cinq préoccupations suivantes: - ne pas dépasser la formule «à compétence égale, on engage une femme» (5 femmes et 3 hommes); - faire attention aux répercussions négatives pour les femmes (baçklash) (4 femmes et 1 homme); - prendre en considération le bassin de disponibilité qui semble petit (3 femmes et 1 homme); - ne pas compromettre la qualité (1 femme et 1 homme); - ne pas désavantager les hommes (1 homme). Les raisons pour lesquelles on ne souhaite pas une politique visant à augmenter la proportion de femmes (on s'y oppose ou l'on hésite) se regroupent en dix catégories: - le critère d'engagement doit être la compétence et non le sexe (6 femmes et 8 hommes); - toute discrimination est odieuse, une telle politique léserait les hommes (5 femmes et 5 hommes); Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 85 - une telle politique est inutile: soit qu'actuellement il n'y a pas de discrimination contre les femmes, soit qu'il y a déjà une discrimination positive spontanée (4 femmes et 5 hommes); - ce serait désagréable, voire dégradant, pour une femme d'être engagée à cause de son sexe (3 femmes); - le bassin de disponibilité est trop petit (2 femmes et 2 hommes); - on ne sait pas quelle serait la proportion «naturelle» ou «normale» de femmes en mathématiques (allusion aux recherches sur les différences reliées au sexe dans les habiletés intellectuelles) (2 hommes); - il est indifférent que la proportion de femmes augmente ou non (1 homme); - une telle politique ne serait pas efficace (1 femme); - il faudrait plus d'argent (1 homme); - «I think my department is a difficult place for women; they'd be unhappy» (1 femme). Plusieurs personnes, favorables ou non à des programmes d'accès à l'égalité en emploi, ont mentionné l'opportunité d ' i n c i t e r les filles à l ' é t u d e des mathématiques et ont fait allusion aux origines du problème de la rareté des mathématiciennes dans l'éducation des jeunes et dans leur socialisation. Cependant, même l ' i d é e d ' e n c o u r a g e r un plus grand nombre de filles à entreprendre des études en mathématiques ne fait pas l'unanimité: People should be free to find their own level, and not be "encouraged" or discouraged from entering any field for sociological reasons. Il ne faut absolument pas encourager des femmes juste pour avoir plus de femmes. Il faut qu'elles soient très douées, fortes, capables de bien enseigner et en même temps de faire de la bonne recherche scientifique. Conclusion L'enquête a.mis en évidence beaucoup plus de ressemblances que de différences entre les f e m m e s membres d ' u n département de mathématiques et leurs confrères. Les principales différences observées entre les deux sexes se résument à ceci: 1) les femmes viennent de familles plus scolarisées, surtout en ce qui concerne leur mère et leurs soeurs; 86 Roberta Mura 2) en moyenne, les femmes ont moins d'enfants que les hommes et elles ont leur premier enfant au même âge que les hommes (ce qui constitue une différence par rapport à l'ensemble de la société); 3) l'intérêt des femmes pour les mathématiques est légèrement plus précoce que celui des hommes (la différence n'est toutefois que marginalement significative, g < 0,07); 4) le lieu de résidence des femmes est parfois déterminé par les contraintes ou les déménagements de leur conjoint, alors que la situation inverse n'est jamais évoquée; 5) les femmes se marient proportionnellement plus souvent que les hommes avec une personne qui travaille aussi en mathématiques; 6) au rang d ' a d j o i n t e s , les femmes publient moins d'articles que les hommes (la différence ne semble pas imputable aux responsabilités familiales); 7) les articles des f e m m e s sont relativement plus souvent écrits en collaboration; 8) les femmes sont moins souvent appelées à évaluer des manuscrits pour des revues scientifiques; 9) à deux exceptions près, ce sont femmes qui croient ou soupçonnent avoir été victimes de discrimination à cause de leur sexe; ces plaintes touchent 42 % de l'échantillon féminin; 10) contrairement aux hommes, l'attitude des femmes envers les politiques d'accès à l'égalité en emploi ne varie pas en fonction de leur situation par rapport à la permanence. Par a i l l e u r s , les f e m m e s et les h o m m e s ne se d i s t i n g u e n t de f a ç o n s i g n i f i c a t i v e sur a u c u n e des v a r i a b l e s suivantes: origine é t r a n g è r e ou canadienne; occupation des parents; nombre de frères et de soeurs; état civil; raisons de l'attraction initiale pour les mathématiques; diplômes universitaires obtenus et âge auquel on les a obtenus; interruption des études; bourses au mérite et postdoctorales; âge au moment de l'engagement aux différents rangs universitaires (et donc progression dans la carrière); âge à l'occasion de l ' o b t e n t i o n de la permanence; interruption de la carrière; réorientation p r o f e s s i o n n e l l e ; charge d ' e n s e i g n e m e n t ; direction de thèses; f o n c t i o n s administratives; participation aux comités de rédaction de revues scientifiques; participation à des congrès; insertion dans les réseaux professionnels nationaux et internationaux; satisfaction à l'égard du choix de carrière; attitude à l'égard des politiques d'accès à l'égalité en emploi. Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 87 Cette longue liste de r e s s e m b l a n c e s cache cependant des d i f f i c u l t é s particulières que plusieurs mathématiciennes (près de deux sur trois) ont connues au cours de leur carrière. Elles se plaignent d'avoir été l'objet de harcèlement sexuel et de discrimination dans l'engagement, dans les promotions et dans la rémunération, parfois à cause de leur état civil. Elles trouvent qu'elles ont une surcharge de tâches de comités et que les postes de direction ne leur sont pas accessibles. Elles souffrent d'isolement social et professionnel et elles sentent qu'elles ne sont pas prises au sérieux, qu'on leur manque de respect, qu'elles sont jugées plus sévèrement que les hommes et qu'elles ne sont pas reconnues comme des personnes autonomes lorsque leur conjoint est aussi mathématicien. Elles constatent que leurs conditions de travail entrent en conflit avec la maternité et la responsabilité des enfants et que la vie de couple interfère avec leur carrière bien plus que pour les hommes. «Why are men so down on/perhaps «threatened» by women?» se demande une mathématicienne, alors qu'une autre trouve nécessaire de revendiquer les «garanties des droits de la femme dans les conventions collectives.» Afin de mieux apprécier l ' a m p l e u r du p h é n o m è n e dont ces réponses représentent un indice, il faut se rappeler que l'échantillon est constitué de membres en titre d'un département de mathématiques: les victimes éventuelles des formes les plus graves de discrimination, c'est-à-dire les personnes qui n'auraient pas été engagées ou qui auraient été mises à pied injustement, n'ont pas été incluses dans l'enquête, par la force des choses, tout comme ne l'ont pas été les f e m m e s qui, ayant trouvé insupportables l'environnement ou les conditions de travail, auraient abandonné volontairement leur emploi. M a l g r é les o b s t a c l e s a u x q u e l s p l u s i e u r s m a t h é m a t i c i e n n e s ont dû personnellement faire face, seulement 44 % d'entre elles (à peu près le même pourcentage que chez les hommes) se sont déclarées favorables à un programme visant à augmenter leur nombre et 36 % se sont dites défavorables. Pourtant, cet objectif me semble aller de pair avec l'amélioration des conditions de travail: une plus grande présence féminine pourra sans doute exercer une pression plus forte pour que des solutions soient apportées aux difficultés particulières rencontrées par les femmes et de meilleures conditions de travail attireront leurs consoeurs en plus grand nombre. Les raisons des réticences exprimées par les deux sexes à l'égard des politiques d'accès à l'égalité en emploi se révèlent sensiblement les mêmes: en premier lieu, on craint que la qualité du corps professoral n'en souffre et que des injustices ne soient commises: «Mathematics must be served by the best mathematicians, regardless of sex.» D'autres nient que de telles politiques 88 Roberta Mura soient nécessaires et d'autres encore (surtout des femmes) en appréhendent les conséquences négatives pour les femmes. On soulève l'épouvantail du sacrifice de candidats excellents en faveur d'une candidate moins compétente, comme s'il n'existait pas de candidates excellentes, comme si l'on pouvait ranger toutes les p e r s o n n e s , selon leurs capacités, de la plus c o m p é t e n t e à la moins compétente et comme si l'on n'avait jamais «sacrifié» des personnes excellentes ni engagé des personnes moins qu'excellentes. Les propos recueillis indiquent que tout programme d'accès à l'égalité en emploi devra tenir compte de ces craintes et trouver les m o y e n s de les dissiper si l ' o n ne veut pas voir compromises ses chances de succès. Plusieurs des personnes interrogées ont, à juste titre, rappelé l'influence de la socialisation et de l ' é d u c a t i o n des e n f a n t s sur leur choix d ' o r i e n t a t i o n professionnelle et l'intérêt d'agir à ce niveau. Il ne faudrait cependant pas que l'importance, voire la priorité, qu'il faut accorder, et que de fait l'on accorde déjà à la formation, devienne un alibi pour l'immobilisme au sein de la profession. À nouveau, dans l'interprétation de ces attitudes partagées envers les politiques d ' a c c è s à l'égalité en emploi, on ne doit pas oublier que les mathématiciennes interrogées occupent un poste de professeure, c'est-à-dire qu'elles sont des femmes qui ont trouvé peu d'obstacles sur leur parcours ou encore ont su les éviter ou les surmonter, et qui peuvent donc avoir une certaine tendance à les minimiser. Quelques-unes trouvent même des avantages à leur condition de minoritaires. Enfin, une mathématicienne a observé qu'un programme visant à augmenter le nombre de femmes doit comprendre des mesures pour les garder dans la profession autant que pour leur y donner accès. En effet, si les femmes sont promues d'un rang à l'autre à peu près au même rythme que les hommes, leur concentration aux rangs d'agrégées et d'adjointes qui ne semble pas pouvoir s'expliquer entièrement par une progression historique (Statistique Canada, 1975, 1987b, p. 21, 1990) suggère toutefois l'hypothèse qu'elles connaissent, en plus grande proportion que leurs confrères, des mises à pied ou des abandons de carrière. Cette hypothèse est appuyée par la plus petite production d'articles observée chez les adjointes, car les publications sont un facteur important dans la décision des universités de renouveler le contrat d'un-e professeur-e adjoint-e et de lui octroyer la permanence. Malheureusement, les statistiques pertinentes (sur les mises à pied, les non-renouvellements de contrat et les démissions) ne sont pas facilement disponibles. Cela mériterait de faire l'objet d'une nouvelle recherche. Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 89 E n s o m m e , les m a t h é m a t i c i e n n e s q u i o n t p a r t i c i p é à l ' e n q u ê t e p r é s e n t e n t d e s p r o f i l s d ' é t u d e s et d e c a r r i è r e q u i , d a n s l e u r v a r i é t é , r e s s e m b l e n t à c e u x d e s h o m m e s soit q u e c e s m o d è l e s m a s c u l i n s l e u r c o n v i e n n e n t b i e n , soit q u ' e l l e s s ' y s o n t a d a p t é e s p a r c e q u e c ' é t a i t le prix à p a y e r p o u r a c c é d e r à la p r o f e s s i o n . Il r e s t e à s a v o i r si les m ê m e s m o d è l e s p o u r r a i e n t c o n v e n i r t o u t a u s s i b i e n à u n e p l u s g r a n d e p r o p o r t i o n d e f e m m e s e t si u n e p r é s e n c e f é m i n i n e a c c r u e n e permettrait pas d'introduire de nouveaux modèles. Références Basow, S. A., & Silberg, N. T. (1987). 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Je désire également exprimer ma reconnaissance à Hélène Dumais, Robert Paynter, Pierre Beaudouin et Jean Robitaille qui ont participé à diverses étapes de la recherche, ainsi q u ' à Pauline Fahmy, Ann Robinson et Myreille St-Onge qui m ' o n t donné leurs c o m m e n t a i r e s sur des versions provisoires du présent article. E n f i n , j e remercie Travail Canada qui a partiellement subventionné mon étude au moyen d ' u n e bourse individuelle de recherche (n° 1170-7-89-003). Le projet a été élaboré c o n j o i n t e m e n t avec L e o n e Burton, professeure à la Faculté d'éducation de l'Université de Birmingham, qui a elle-même réalisé une étude parallèle au Royaume-Uni avec la participation de Celia Glass, Swatee Patel et Debra Price du Thames Polytechnic de Londres. Je suis très reconnaissante à Leone Burton et à son équipe de leur collaboration. ' Les p e r s o n n e s i n t é r e s s é e s p e u v e n t se p r o c u r e r une c o p i e du q u e s t i o n n a i r e en communiquant avec l'auteure. 2 Sauf indication contraire, toutes les citations sont tirées des questionnaires remplis dans le cadre de la présente enquête. 3 Le seuil de signification alpha est fixé à 0,05. Je sogma;erao gramd même les résultats qui s'approchent de ce seuil (g < 0, 07). Annexe Départements des universités canadiennes compris dans l'enquête Alberta University of Alberta, Department of Computing Science University of Alberta, Department of Mathematics Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 93 University of Calgary, Department of Computer Science University of Calgary, Department of Mathematics & Statistics (Divisions of Pure Mathematics, Applied Mathematics & Statistics) University of Lethbridge, Department of Mathematics Colombie-Britannique University of British Columbia, Department of Computer Science University of British Columbia, Department of Mathematics Royal Roads Military College, Department of Mathematics, Simon Fraser University, School of Computing Science Simon Fraser University, Department of Mathematics & Statistics University of Victoria, Department of Computer Science University of Victoria, Department of Mathematics Ile-du-Prince Edouard University of Prince Edward Island, Department of Mathematics & Computer Science Manitoba Brandon University, Department of Mathematics & Computer Science University of Manitoba, Department of Applied Mathematics University of Manitoba, Department of Computer Science University of Manitoba, Department of Mathematics & Astronomy University of Manitoba, Department of Statistics University of Winnipeg, Department of Mathematics, Statistics & Business Computing Nouveau-Brunswick Université de Moncton, Département de mathématique, physique et informatique Mount Allison University, Department of Mathematics & Computer Science University of New Brunswick — Fredericton, Department of Mathematics & Statistics, University of N e w B r u n s w i c k — Saint John, Division of M a t h e m a t i c s , Engineering & Computer Science Nouvelle-Ecosse Acadia University, Department of Mathematics University College of Cape Breton, Department of Mathematics & Natural Sciences Dalhousie University, Department of Mathematics, Statistics & Computing Science Mount Saint Vincent University, Department of Mathematics Technical University of Nova Scotia, Department of Applied Mathematics St. Francis Xavier University, Department of Mathematics & Computing Science St. Mary's University, Department of Mathematics & Computing Science 94 Roberta Mura Ontario Brock University, Department of Mathematics Carleton University, Department of Mathematics & Statistics University of Guelph, Department of Mathematics & Statistics University of Guelph, Department of Computing & Information Science Lakehead University, Department of Mathematical Sciences Laurentian University, Department of Mathematics & Computer Science McMaster University, Department of Mathematics & Statistics McMaster University, Department of Computer Science & Systems Université d'Ottawa, Département de mathématiques University of Ottawa, Department of Computer Science Queen's University, Department of Mathematics & Statistics Queen's University, Department of Computing & Information Science Royal Military College of Canada, Department of Mathematics & Computer Science R y e r s o n P o l y t e c h n i c a l I n s t i t u t e , D e p a r t m e n t of M a t h e m a t i c s , P h y s i c s & Computer Science University of Toronto, Department of Computer Science University of Toronto, Department of Mathematics University of Toronto, Department of Statistics University of Toronto — Scarborough College, Physical Sciences Division Trent University, Department of Mathematics University of Waterloo, Department of Applied Mathematics University of Waterloo, Department of Computer Science University of Waterloo, Department of Pure Mathematics University of Waterloo, Department of Statistics & Actuarial Science University of Waterloo, Department of Combinatorics & Optimization University of Western Ontario, Department of Computer Science University of Western Ontario, Department of Applied Mathematics University of Western Ontario, Department of Mathematics University of Western Ontario, Department of Statistical & Actuarial Sciences Wilfrid Laurier University, Department of Mathematics University of Windsor, Department of Mathematics & Statistics York University, Department of Computer Science York University, Department of Mathematics York University — Atkinson College, Department of Mathematics & Computer Science Québec Bishop's University, Department of Mathematics Collège militaire royal de Saint-Jean, Département de mathématiques Concordia University, Department of Computer Science Concordia University, Department of Mathematics Sans distinction de Sexe? Les carrières universitaires en sciences mathématiques 95 École polytechnique de Montréal, Département de mathématiques appliquées Université Laval, Département de mathématiques, statistique et actuariat Université Laval, Département d'informatique McGill University, Department of Mathematics & Statistics McGill University, School of Computer Science Université de Montréal, Département de mathématiques et de statistique U n i v e r s i t é d e M o n t r é a l , D é p a r t e m e n t d ' i n f o r m a t i q u e et d e r e c h e r c h e opérationnelle Université du Québec à Chicoutimi, Section de mathématiques-informatique U n i v e r s i t é du Q u é b e c à M o n t r é a l , D é p a r t e m e n t d e m a t h é m a t i q u e s et d'informatique Université du Québec à Rimouski, Section de mathématique-informatique Université du Q u é b e c à Trois-Rivières, D é p a r t e m e n t de m a t h é m a t i q u e s et d'informatique Université de Sherbrooke, Département de mathématiques et d'informatique Saskatchewan University of Regina, Department of Mathematics & Statistics University of Saskatchewan, Department of Mathematics Terre-Neuve Memorial University of Newfoundland, Department of Mathematics & Statistics