77 Book Reviews/Comptes Rendus Duval, Roch, Autodidaxie Laval, Québec, 1982. et éducation permanente, Les Presses de l'Université Nous sommes plongés, dès le début de la lecture de ce livre, dans la crise de nos institutions sociales et particulièrement de l'université. Roch Duval, professeur titulaire à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval depuis une trentaine d'années, souligne la nécessité d'imaginer d'autres modèles de formation, de combattre l'entropie des sociétés actuelles par des procédés qui peuvent, à première vue, sembler utopiques et non réalisables. Redonner à l'université le sens commun disparu sous la "massification uniformisatrice" et l'appareil administratif inspiré du modèle industriel, voilà ce que l'auteur nous propose en nous décrivant le projet Insertion. Il nous offre une voie nouvelle, il invente une utopie réalisable. Imprégné des recommandations de la Commission Faure de l'Unesco, le projet Insertion veut éliminer le bourrage de crâne que l'on persiste toujours à considérer comme préalablement requis à tout essai technique ou professionnel d'ordre pratique. Ce projet expérimental rejette carrément non seulement toute formule de stages intégrés à un programme d'études, mais aussi toute formule de programme d'études intégré à un stage ou à un emploi. Insertion adapte "le principe de l'action professionnelle conçue comme étant de soi formatrice". Avant de décrire le schéma général du projet, Roch Duval conteste les principaux postulats courants devenus ou en passe de devenir, d'après lui, des erreurs graves en éducation: — On ne peut laisser l'étudiant à lui-même dans la poursuite de son propre apprentissage scientifique et professionnel. — Le meilleur critère pour sélectionner les étudiants et juger leur compétence professionnelle consiste en leur habileté à passer tests ou examens scolaires. — L'essentiel de l'éducation repose dans l'évaluation. — La connaissance professionnelle résulte de l'accumulation d'éléments de contenu dans un programme de cours et la mémorisation de ceux-ci. — Seul un cours est susceptible de transmettre une connaissance donnée qui a nécessairement valeur d'apprentissage. — Pour former des scientifiques et des professionnels créateurs, il faut rendre les étudiants aussi passifs que possible. — Les étudiants sont considérés plutôt comme des objets à manipuler que des personnes à respecter. A l'encontre de ces postulats, il nous propose une conception empreinte de personnalisme dont l'essentiel repose sur une conception de la personne selon laquelle l'être humain cherche de façon innée à développer ses potentialités en vue de subsister, de s'épanouir et de s'enrichir progressivement. Face à l'objectif fondamental de l'éducation qui consiste à former des personnes qui auront appris 78 Book Reviews/Comptes Rendus comment apprendre, comment s'adapter et comment changer, l'auteur signale trois postulats que la Commission Faure suggère: — Il n'est pas possible d'enseigner directement à une autre personne; on ne peut que l'aider à apprendre (appropriation). — Il est significatif de constater que, dans le processus d'apprentissage, l'individu se dirige uniquement vers les objets qu'il perçoit comme nécessaires au maintien ou à l'amélioration de sa situation personnelle et professionnelle (motivation). — L'expérience vécue tend à provoquer une certaine résistance à cause de la crainte naturelle qu'inspirent des changements en profondeur dont le propre est de modifier toute la symbolique individuelle. Les fondements exposés, la poursuite de la lecture nous introduit (insérer) dans le projet Insertion comme une solution de rechange à la voie traditionnelle passive et anti-économique de la préparation professionnelle. C'est une expérience qui n'exige pas de mobiliser des milliers de personnes et des ressources financières coûteuses. Ce qu'il faut, c'est avoir le goût et le sens de l'humain, une volonté d'explorer. Le projet Insertion va plus loin que la formule coopérative où l'emploi, intégré au programme universitaire, vient compléter l'enseignement reçu (principe de l'alternance tel que vécu à l'Université de Sherbrooke). L'expérience propose une situation où l'étudiant abandonne sont statut d'étudiant pour devenir un professionnel auxiliaire en emploi, rémunéré au même titre que ses collègues séniors. C'est la disparition à 80% de la scolarité universitaire formelle. Ainsi les professionnels auxiliaires ont très peu de connaissances spécifiques à la profession au début du projet. S'appuyant sur des principes du rapport Faure touchant la diversification et la déformalisation des structures traditionnelles, les entreprises non scolaires investies d'amples fonctions éducatives, la transformation complète des procédures de sélection, de formation, de promotion et de certification, la valeur irremplaçable de l'autodidaxie assistée, la formation d'éducateurs-animateurs plutôt que d'enseignants, l'auteur nous décrit les différentes composantes impliquées dans un tel projet. On y retrouve d'abord l'université qui accepte que les sujets du projet soient totalement exemptés du régime officiel des études tout en leur conservant leur statut d'étudiant "pro forma" et un dossier ouvert afin de ne pas éliminer complètement leur appartenance à l'université pour des raisons faciles à imaginer: prêts et bourses, diplôme officiel. Toutefois, il faut souligner que l'université, dans le cadre de ce projet, ne constitue plus pour le professionnel auxiliaire qu'une ressource extérieure d'appoint. L'expérience présentée regroupe dix étudiants désirant devenir des conseillers d'orientation. Il convient que la Corporation professionnelle des conseillers d'orientation du Québec suive de près l'expérience après en avoir approuvé le principe. Il est même suggéré qu'elle autorise chacun des professionnels auxiliaires à exercer leurs tâches et fonctions de conseillers d'orientation. 79 Book Reviews/Comptes Rendus La commission scolaire, et plus spécifiquement l'école, remplace l'université comme lieu privilégié d'apprentissage. Il s'agit donc d'affecter un ou deux conseillers d'orientation à titre "d'agents coopérateurs" auprès des professionnels auxiliaires. L'assistance de ces agents est capitale au point de vue de la qualité et de la rapidité des apprentissages. Une formule identique a déjà été expérimentée (1974) en milieu scolaire sous la coordination de l'auteur. Il est à noter que le travail des agents coopérateurs n'est pas une mince tâche à réaliser à travers les activités quotidiennes du conseiller d'orientation. De plus, on peut se demander, et avec raison, la réception faite par le milieu d'un tel projet au moment où les gens sont davantage préoccupés à conserver leur fonction plutôt que de contribuer à la formation. Par ailleurs, ce type de formation exige du "professionnel auxiliaire" un degré d'autonomie élevé et un sens de l'initiative développé. Le besoin d'encadrement y est très marqué et il apparaît important de prévoir une période d'observation suffisamment longue avant que le professionnel auxiliaire pose des actes professionnels. D'autre part, l'organisme syndical des conseillers d'orientation doit également accorder un appui positif au projet et accepter que l'application de la convention collective ne soit pas stricte. Le ministère de l'Education, favorable à l'innovation pédagogique, doit aussi accorder un appui moral explicite. Enfin, les sujets eux-mêmes doivent adhérer librement au projet en connaissance des différentes facettes qui peuvent se présenter. L'auteur souligne l'importance, pour les professionnels auxiliaires, de percevoir clairement que l'apprentissage dans ce nouveau cadre constitue une entreprise extrêmement exigeante et la nécessité d'être disposé à travailler beaucoup. Le professionnel auxiliaire assure, à peu de chose près, le même rendement qu'un conseiller d'orientation, en termes de jours et en termes d'actes professionnels. C'est à même les tâches exécutées qu'il se forme. Le programme-cadre servant d'encadrement prévoit une journée complète de présence à l'université aux quinze jours. Ces séminaires d'intégration permettent au groupe de se retrouver et d'évaluer l'évolution de leur expérience respective. Ces rencontres se font sous la direction du coordonnateur qui constitue la pièce maîtresse de toute l'entreprise. Il est un professeur de la Faculté d'éducation, membre du Département d'orientation. C'est en quelque sorte le promoteur du projet et le lien organique entre toutes les instances concernées. La seconde partie du volume vient préciser les buts et objectifs du projet Insertion et indique les activités professionnelles du programme-cadre de façon à assurer à chaque professionnel auxiliaire la chance de poser un grand nombre d'actes professionnels, intégrés et contrôlés avant, pendant et après. Et, dans une perspective équilibrée d'apprentissage, l'auteur souligne qu'il est impossible de dissocier l'acte posé de toute référence théorique. Il ne faut pas croire que le recours à la théorie est minimisé ou écarté. L'étude et la réflexion personnelle sont essentielles. A travers la description précise de ce que pourrait être le projet Insertion, 80 Book Reviews/Comptes Rendus Roch Duval insère des notions sur les principes et conditions d'apprentissage, les secteurs de connaissances que la Corporation indique comme nécessaires à la pratique professionnelle de même que les aires du programme d'études en orientation. L'auteur débouche dans la troisième et dernière partie sur les modalités opérationnelles fournissant aux lecteurs des précisions quant au dossier cumulatif d'apprentissage, à l'évaluation, à la certification, aux engagements du professionnel auxiliaire de même que la contribution des personnes-ressource. Des exemples de contrats avec la commission scolaire, l'université et la Corporation des conseillers d'orientation nous sont même détaillés dans le but de faciliter la mise en forme d'un tel projet. Confiance, liberté et volonté sont les mots clefs du projet Insertion qui fait de l'autodidaxie le moteur opérationnel de cette expérience d'apprentissage. Cet ouvrage propose un modèle de formation qui peut nous sembler, à première vue, une utopie, il est vrai. Mais il faut le lire avec une ouverture d'esprit, mettant de côté nos résistances, nos objections, nos barrières administratives et, disons-le, notre manque de confiance. Le projet Insertion est comme un oasis à travers les modèles de formation habituels. Il pourrait être plus qu'un mirage. François Miller Service de pédagogie universitaire Université Laval Jean-Réal Nadeau. L'éducation permanente dans une "Cité éducative": approche systémique. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1982, 358 pages, $20.00. A n'en juger que par son titre, on risque de méconnaître cet ouvrage qui vient de paraître aux Presses de l'Université Laval. Le concept de cité éducative, comme on le sait, a été développé et mis de l'avant par le Rapport Faure, Apprendre à être, qui date déjà de dix ans. Or, une décennie, c'est beaucoup, à notre époque de changement accéléré; et, de surcroît, tout a été dit sur la cité éducative. A première vue, donc, cette étude paraît trop tard. Et pourtant, Jean-Réal Nadeau examine ce concept de cité éducative sous un angle tout à fait nouveau: celui de l'approche systémique. Le projet est ambitieux — trop, peut-être - mais il a le mérite de proposer une démarche originale et de caractère scientifique pour l'examen de théories éducatives. Par ailleurs, il fournit l'occasion d'une relecture des notions fondamentales en éducation permanente. Double intérêt, donc, de cet ouvrage: une démarche scientifique originale et une révision des éléments théoriques essentiels à la compréhension de l'univers éducatif. Dans l'un et l'autre cas, Jean-Réal Nadeau, à l'instar de plusieurs de ses collègues, se montre beaucoup plus didacticien que chercheur. Formé d'abord à