95 Reviews -' Recensions "des éléments de la contre-culture", "l'université devant devenir le lieu de cette recherche d'une symbiose nouvelle et d'une osmose originale entre la vie et le travail". Il m'est impossible dans une si brève recensión de présenter et de discuter toutes les idées qui émergent de ce Rapport et qui conduisent à repenser les structures, les objectifs et le fonctionnement social de l'Université québécoise. Je n'ai pu qu'esquisser certains des axes qui font actuellement la trame des débats et qui orienteront certainement quelquesunes des réformes et des transformations peut-être radicales qui seront celles de "l'Université québécoise du proche avenir", celles-ci étant liées, bien sûr, aux rapports dialectiques des forces sociales qui tenteront de s'approprier l'université pour en contrôler son développement. Céline Saint-Pierre Professeur Département de Sociologie Université du Québec à Montréal Vers un enseignement supérieur de masse. Nouvelles tendances et options, OCDE, Paris, 1974,240 pp. Politiques de l'enseignement supérieur. Rapport général, Conférence sur les structures futures de l'enseignement post-secondaire, Paris 26-29 juin 1973, OCDE, Paris, 1974,250 pp. Ces ouvrages réunissent une série de documents qui ont été préparés à l'occasion de la conférence internationale organisée par l'OCDE en 1973 sur l'enseignement supérieur, l'objectif de la conférence était "d'étudier l'avènement de l'enseignement supérieur de masse, ses caractéristiques et ses formes principales, en vue d'identifier les mesures d'ordre politique propres à transformer dans le sens souhaité les structures du système". Y ont participé des hommes politiques, des fonctionnaires, des universitaires ayant des responsabilités de gestion et de planification, des spécialistes des systèmes d'enseignement postsecondaire. Ces derniers ont agi comme experts et ont préparé les études devant servir aux discussions. Les deux recueils qui font l'objet de cette recensión contiennent une partie des études de base et des analyses effectuées en vue de la conférence. Parmi d'autres documents qui ont été préparés à cette occasion, il faut mentionner ceux qui figurent dans le troisième recueil de la série, et qui portent essentiellement sur les problèmes de l'organisation de l'enseignement et de la recherche au sein de l'université de masse*. Vers un enseignement supérieur de masse offre un aperçu général de l'état de l'enseignement supérieur dans les pays de l'OCDE, en juxtaposant quatre études. Il y est question d'évolution des effectifs de l'enseignement post-secondaire durant les années soixante, des politiques d'admission pratiquées à ce niveau en Europe et en Amérique, des relations * Structure des études et place de la recherche dans l'enseignement supérieur de masse, OCDE, 1974, 163 p. On trouvera la liste complète des d o c u m e n t s publiés lors de la conférence dans l'Annexe I au Rapport général (Politiques, pp. 231-232). 96 Reviews -' Recensions changeantes entre les formations offertes à ce niveau et la structure des emplois propre aux économies des pays industrialisés, enfin, des coûts et du financement de l'enseignement post-secondaire. Outre l'allocution d'ouverture du Secrétaire général de l'OCDE, du compte-rendu du Rapporteur général de la conférence et des conclusions auxquelles en sont venus les participants, Politiques de l'enseignement supérieur contient deux types de documents. Il s'agit, d'une part, de "documents de discussion" préparés par le Secrétariat de l'OCDE sur des sujets comme les possibilités d'accès aux études post-secondaires et à l'emploi, les formes d'études "non-traditionnelles", l'organisation de l'enseignement et de la recherche, la planification et le financement de l'enseignement post-secondaire. Cette série consiste surtout en une formulation générale, parfois trop tranchée, des problèmes de l'enseignement supérieur tels qu'ils semblent se poser dans la plupart des pays de l'OCDE. Mais le plat de résistance du volume est fourni par deux études ayant un grand intérêt de point de vue conceptuel et de point de vue analytique. Ce sont, respectivement, Principaux problèmes du développement des structures futures de l'enseignement post-secondaire par Ladislav Cerych, Dorothea Furth et George S. Papadopoulos, et Passage d'un enseignement supérieur d'élite à un enseignement supérieur de masse — les problèmes soulevés, par Martin Trow. Devant une telle structure de textes, la difficulté première que rencontre le lecteur est d'opérer les liens nécessaires entre des analyses qui, sans être nécessairement contradictoires, empruntent non seulement des approches variées, ce qui est intéressant du point de vue méthodologique, mais adoptent parfois des perspectives divergentes quant à certains postulats de base. Ainsi alors que certains auteurs invitent à renforcer la composante professionnelle de l'enseignement post-secondaire et préconisent une politique qui privilégie des "finalités franchement professionnelles" (Vers un enseignement. . . , p. 179), d'autres auteurs partent de l'hypothèse que la relation entre emploi et formation post-secondaire n'est pas à sens unique. Les exigences professionnelles ne sauraient déterminer à elles seules la structure des programmes puisqu'elles-mêmes se modifient à mesure que ceux qui occupent des emplois deviennent plus instruits: "l'afflux de diplômés ne va-t-il pas à son tour provoquer un changement dans la structure de l'emploi?... En fait, le développement de l'enseignement s'est traduit par un changement des mécanismes de renouvellement des professions." (Politiques, p. 140). Selon que l'un ou l'autre de ces postulats prévaut, on pourra avoir des politiques différentes, voire opposées, en matière de formation par rapport aux besoins en main-d'oeuvre qualifiée, des politiques différentes en matière d'accessibilité à certains secteurs et même des politiques différentes d'allocation de ressources à l'enseignement post-secondaire, lesquelles seront plus ou moins susceptibles d'être influencées par la conjoncture économique. En deuxième lieu, l'hétérogénéité des documents et la grande variété de sujets que l'on y aborde placent le lecteur devant la nécessité de choisir les études qui correspondent à ses intérêts. Le choix n'est facilité ni par les redites, passablement nombreuses, mais probablement inévitables dans des ouvrages de cette nature, ni par le style le plus souvent laborieux des textes. A cet égard, l'étude de Martin Trow constitue une exception notable. Au-delà de l'intérêt relatif de chacune des études, ce que l'on en retient, comme en filigrane, c'est qu'il y a trois domaines hautement interdépendants où se forment les 97 Reviews -' Recensions politiques à l'égard de l'enseignement supérieur: les filières d'accès et les méthodes de sélection des candidats à l'enseignement post-secondaire, le niveau des ressources accordé à ce type de formation et les méthodes d'allocation de ces ressources, enfin, l'appariement entre les formations qu'offre le post-secondaire et les qualifications requises par la structure socio-économique afin d'occuper des emplois. Comment la combinaison de facteurs historiques, sociaux, économiques, propres à chacun de ces domaines en arrive-t-elle à déterminer une "politique" globale, peu importe que celle-ci soit le résultat d'actions délibérées ou la résultante de situations de fait, à l'égard de l'enseignement supérieur? Si l'on veut cerner le phénomène de la formation de politiques concernant ce niveau d'éducation dans toute sa complexité, il faut admettre d'abord, comme le font implicitement les auteurs des rapports mentionnés, qu'il existe une différence fondamentale entre l'accès à l'éducation aux niveaux élémentaire et secondaire, universellement admis et appliqué, du moins dans les pays industrialisés, et l'accès à l'enseignement post-secondaire que l'on appelle d'ailleurs parfois enseignement post-obligatoire, comme pour marquer davantage cette caractéristique essentielle qui joue tant pour les individus que pour les collectivités. L'accès à l'enseignement supérieur n'est donc pas envisagé comme un droit, mais plutôt sous l'angle du principe de l'égalité des chances à y accéder. Or, la littérature sur le sujet l'illustre abondamment, l'égalité des chances est loin d'être une réalité même dans des pays qui, comme les Etats-Unis, ont connu l'expansion la plus considérable de l'enseignement post-secondaire (le taux de fréquentation du groupe d'âge de 20-24 ans y était supérieur à 50% au début des années '70), qui possèdent le système le plus large et le plus diversifié, ou qui pratiquent l'admission ouverte dans plusieurs secteurs du système. De nombreux obstacles — économiques, sociaux, psychologiques — subsistent, qui empêchent que l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur devienne une réalité aussi tangible et universelle qu'elle peut l'être aux niveaux élémentaire et secondaire. Malgré tout, dans les pays industrialisés, sous les effets conjugués des besoins de la structure économique et des pressions de l'opinion publique, l'enseignement supérieur réservé à une élite a cédé ou est en train de céder la place à un enseignement postsecondaire de masse, caractérisé entre autres par une plus grande diversification des établissements et par la coexistence des institutions aussi diverses que les collèges communautaires et les multiversités. A son tour, l'enseignement post-secondaire de masse tend à se transformer en un enseignement post-secondaire "universel", selon la terminologie de la Commission Carnegie aux Etats-Unis, en ce sens que les bassins de recrutement changent et que ce niveau n'est plus fréquenté de façon prépondérante par un seul groupe d'âge: "peu à peu, la valeur attribuée à l'inscription dans un collège évolue et, après avoir été considérée comme un privilège, elle devient un droit, puis, comme cela est de plus en plus vrai aux Etats-Unis, une sorte d'obligation" {Politiques, p. 79). Le dilemme devant lequel sont placés dès lors les gouvernements dont les politiques d'éducation se réclament de l'idéal démocratique est d'équilibrer la demande d'éducation, laquelle ne montre nullement au niveau post-secondaire des signes de ralentissement dans sa croissance globale (surtout à cause de la participation accrue de groupes d'âge et de classes sociales qui n'étaient traditionnellement pas demandeurs d'éducation à ce niveau), donc des coûts sans cesse croissants, avec des ressources limitées. Aussi, tôt ou tard, tous les gouvernements sont-ils amenés à freiner ou à canaliser la demande d'enseignement supérieur, ainsi que le soulignent pudiquement les conclusions de la conférence: ". . .dans 98 Reviews -' Recensions tous les pays on souhaite l'existence de secteurs d'accès libre dans le système d'enseignement; cependant aucun n'envisage l'admission ouverte dans tous les établissements d'enseignement" (Politiques, p. 213). Dans cette perspective la vertu cardinale d'une politique globale d'enseignement supérieur est son effet régulateur sur la demande. Du point de vue d'un Etat, le critère principal qui mesure le succès relatif d'une politique d'enseignement supérieur couplée à une politique de main-d'oeuvre qualifiée est probablement l'absence d'écart ou de goulot d'étranglement entre la double demande et la double offre, d'éducation et de main-d'oeuvre qualifiée. Considérée sous cet angle, il devient évident qu'une politique d'enseignement supérieur, dont les principaux leviers sont la capacité d'accueil des institutions et l'allocation des ressources à l'enseignement postsecondaire, ne peut prétendre maîtriser à elle seule l'ensemble de ces problèmes, même si l'on acceptait de réduire les missions des institutions d'enseignement post-secondaire au rôle de pourvoyeur en main-d'oeuvre qualifiée. Indépendamment des aspects techniques traités dans l'une ou l'autre des études considérées, les ouvrages issus de la conférence de l'OCDE sur l'enseignement supérieur ont donc le mérite de faire comprendre que les choix - qu'il s'agisse de l'accessibilité, du type d'institutions à établir et de programmes à offrir, du niveau et du mode d'allocation de ressources — ne sont pas techniques, mais ce sont en dernière instance des choix d'ordre politique. Dans cette perspective, la question principale qui se pose au lecteur canadien est celle de l'évolution du système d'enseignement post-secondaire au cas où le gouvernement fédéral retirerait sa participation financière, laquelle, bien qu'occultée par les accords de transfert de recettes fiscales, est considérable.* Pour celui qui s'intéresse plus particulièrement à l'enseignement post-secondaire au Québec, ces études constituent un rappel opportun des multiples facteurs à considérer lors de l'établissement d'une politique globale de l'enseignement supérieur et des risques que l'on court à improviser, par exemple, des "stratégies triennales d'allocation de ressources aux universités", ou des stratégies de tout autre accabit, en l'absence d'objectifs de développement à long terme pour l'ensemble du système d'éducation post-secondaire. En somme, deux ouvrages qui renferment des études de valeur certes inégale, mais qui demeurent dans leur ensemble d'actualité pour ceux qui s'intéressent à la formation des politiques de l'enseignement supérieur. Ygal Leibu Université du Québec à Montréal F.E. Chester, C.B.E., Organiser le changement: le Service national de santé en GrandeBretagne. Paris. Centre pour la Recherche et l'Innovation dans l'Enseignement (C.E.R.I.), Organisation de Coopération et de Développement Economiques (O.C.D.E.), 1975,46 pp. L'auteur fait une brève description du Système National de Santé de Grande-Bretagne * Les examinateurs de l'OCDE estiment qu'en 1972 le gouvernement fédéral couvrait 3 0 % des dépenses globales d'enseignement alors que les provinces en couvraient 4 8 % (Examens des politiques nationales d'éducation, Canada, OCDE, 1976, p. 100).